Procès Kerviel : quand la thèse du desk fantôme ressurgit

Jacques Werren, ancien dirigeant du marché à terme Matif et l'un des témoins cités par la défense de Jérôme Kerviel, estime probable que la Société générale ait couvert son ancien trader via des opérations passées depuis d'autres « desks. »
Christine Lejoux
Selon Jacques Werren, cité par la défense de Jérôme Kerviel (photo), « un trader n'a pas accès au coffre-fort de la banque, c'est-à-dire à sa comptabilité.

Après le témoin de la partie civile, à savoir la Société générale, place à celui de la défense de Jérôme Kerviel, dans le cadre du procès au civil qui oppose l'ancien trader à la banque du 15 au 17 juin devant la cour d'appel de Versailles. Jacques Werren, ancien directeur général adjoint du Matif (marché à terme), a succédé jeudi après-midi à la barre à Jean-François Lepetit, ex-patron du Conseil des marchés financiers et de la Commission des opérations de Bourse.

« Si la banque avait su cela, pourquoi l'aurait-elle laissé faire ? Quel était le scénario ? »

D'entrée de jeu, Jacques Werren a déclaré que la thèse de la Société générale, selon laquelle la banque n'a jamais soupçonné les agissements de Jérôme Kerviel qui ont conduit l'établissement bancaire à perdre 4,9 milliards d'euros en 2008, est, selon lui, « un défi au bon sens, une insulte à la cour. » Et d'insister : « C'est une version que je ne peux pas admettre, une version incompréhensible. » Car, d'après l'ancien directeur général adjoint du Matif, « un trader n'a pas accès au coffre-fort de la banque, c'est-à-dire à sa comptabilité. Il est rigoureusement impossible, pour un trader, d'enregistrer des opérations qui n'existent pas dans la comptabilité de la banque. »

Des affirmations qui n'ont pas manqué pas d'étonner le président de la cour d'appel de Versailles, Patrick Wyon : « Dans ses dépositions, Jérôme Kerviel a pourtant dit le contraire. » De fait, l'ancien trader reconnaît avoir pris des positions considérables sur les marchés financiers, de 2005 à 2008, des positions qui avaient atteint 50 milliards d'euros début 2008, et que Jérôme Kerviel dissimulait au moyen d'opérations fictives. « Si la banque avait su cela, pourquoi l'aurait-elle laissé faire ? Quel était le scénario ? », s'interroge Patrick Wyon. Jacques Werren commence par dire qu'il n'a pas de réponse à cette question, avant de se raviser : « La banque n'aurait-elle pas initié, elle aussi, des positions sur le marché à terme allemand, à partir d'un autre desk que celui de Jérôme Kerviel ? »

La thèse du "desk fantôme"

Revoici donc la thèse du « desk » fantôme, déjà avancée par Jacques Werren lors du procès de Jérôme Kerviel devant la cour d'appel de Paris, en 2012, cour qui avait confirmé sa condamnation pour abus de confiance à cinq ans de prison, dont trois ferme, et au versement de 4,9 milliards d'euros de dommages-intérêts à la Société générale. « Il est très probable que la banque, à partir d'autres desks, ait couvert Jérôme Kerviel », explicite Jacques Werren.

« Au risque de perdre la banque ? Pourquoi la Société générale se serait-elle tiré une balle dans le pied ? », rétorque le président de la cour d'appel. Pour Jacques Werren, la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains risqués) pourrait constituer un élément de réponse. Celle-ci avait éclaté à l'été 2007, soit six mois environ avant la révélation de l'affaire Kerviel. A l'époque, les investisseurs, fébriles, cherchaient à savoir dans quelles proportions les banques étaient exposées à la crise des subprimes. Selon Jacques Werren, la Société générale aurait peut-être cherché à dissimuler des pertes liées aux subprimes en les renommant « fraude Kerviel. » Le président de la cour d'appel, lui, a rebaptisé la thèse du desk fantôme en thèse plus incroyable encore « de la balle dans le pied. »

Christine Lejoux, à la cour d'appel de Versailles.

Christine Lejoux

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Commentaires 8
à écrit le 18/06/2016 à 8:20
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Il serait plus intéressant d'avoir le point de vue de Jean François Lepetit qui a passé sa vie sur les marchés de taux et change chez Paribas puis Indosuez

à écrit le 17/06/2016 à 19:22
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JEROME DE MON VIEUX TEMPS CHEZ BRONGNIART AU PALAIS LES BOURSIERS ,LES COMMIS SAUF LE TOLIER??C'ETAIT LE TUTOIEMENT DU PLUS JEUNE AU PLUS VIEUX????LA PRIMEUR ETAIT LA PAROLE ET LA CONFIANCE???CHOSE QUE LES RESPONSABLES DE LA SG ONT IGNORE SUITE A TE...

à écrit le 17/06/2016 à 14:08
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Comparativement à celui de Médiapart, ce compte rendu est vraiment très incomplet, y compris et surtout au niveau des réactions du président de la Cour d'appel

à écrit le 17/06/2016 à 9:27
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On peut rappeler le cas de la "baleine de Londres" qui prétendait couvrir le portefeuille des crédits commerciaux de la banque Morgan. La mission "implicite" de Kerviel pourait avoir été de couvrir l'exposition de la Société Générale aux subprimes. ...

à écrit le 17/06/2016 à 9:14
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Collusion KERVIEL -SG Si la SG ne savait pas ce serait bien pire Mais elle savait et Kerviel sera rémunéré plus tard pour ça , ou pas (alors il va mourir)

à écrit le 17/06/2016 à 9:03
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En laissant faire JK, la banque se rend elle même coupable puisqu'elle a connaissance des agissements et est donc complice de ces derniers ... la justice doit être exemplaire, c'est à dire juste : autoriser la révision du procès, casser la condamnat...

à écrit le 16/06/2016 à 19:24
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Personnellement, je n'aime pas me rendre ridicule en public...

à écrit le 16/06/2016 à 17:28
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quand sort le film ? Dujardin dans le rôle de Kerviel ?

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