Banques : le Haut conseil de stabilité financière prend des mesures contre une surchauffe de la dette

Par Delphine Cuny  |   |  650  mots
Une mesure "préventive" devant la forte hausse de l'endettement privé, a justifié le HSCF, qui s'est réuni sous la présidence du ministre de l'Economie et des Finances. (Crédits : Reuters/Benoit Tessier)
La Banque de France, qui s'inquiète de la forte hausse de l'endettement des entreprises et des ménages, avait recommandé d'augmenter le coussin de capitaux propres "contracyclique" des établissements de crédit. Une mesure de prudence qui ne devrait pas trop affecter les grandes banques françaises, bien capitalisées, qui doivent aussi limiter leur exposition aux entreprises trop endettées.

Le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) avait tiré la sonnette d'alarme, il est passé à l'action : il a décidé ce lundi d'imposer aux banques une surcharge de 0,25% en fonds propres pour leurs activités de crédit en France afin de contenir les risques liés à la forte hausse de l'endettement du secteur privé (entreprises et ménages) en cas de retournement de cycle. Le HSCF avait prévenu en décembre qu'il envisageait une telle mesure, une proposition du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.

Le Haut conseil, qui s'est réuni ce lundi sous la présidence du ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a adopté, dans une optique "préventive", cette proposition de hausse "modérée" de ce qu'il appelle en jargon le taux du "coussin contracyclique", exprimé en pourcentage des actifs pondérés du risque. Les banques ont "douze mois à compter du 1er juillet 2018 pour se conformer à la nouvelle exigence", qui s'applique à l'ensemble des banques de l'Union européenne et de l'Espace économique européen "à proportion de leurs expositions en France."

"Le Haut Conseil observe [...] que l'endettement du secteur privé non financier continue de croître et atteint 130,2% du PIB au 4e trimestre 2017 (58,4% pour les ménages et 71,8% pour les sociétés non-financières). La dynamique observée ces dernières années contraste avec celle des autres économies de la zone euro et a conduit la France à un niveau d'endettement désormais supérieur à la moyenne de la zone euro comme à ceux de nos principaux partenaires", justifie le HCSF dans un communiqué.

Obligations, LBO, immobilier

La hausse de l'endettement des entreprises provient de dettes de marchés (obligataires) mais aussi de crédits bancaires, en hausse de 5,1% sur un an en avril 2018, souligne le HCSF. Il évoque la forte croissance des rachats d'entreprises par endettement (LBO), de la finance à effet de levier en général, ainsi que celle du marché immobilier.

Le HCSF avait aussi annoncé le 11 mai  qu'il allait imposer, à compter du 1er juillet, aux six plus grandes banques françaises, celles d'importance "systémique" (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE, Crédit Mutuel et La Banque Postale) de limiter leur exposition aux entreprises les plus endettées à l'équivalent de 5% de leurs fonds propres, contre 10% jusqu'ici et 25% selon la réglementation européenne. Cette nouvelle limite est fixée pour deux ans et pourrait être prorogée "si le risque macroprudentiel persiste".

La surcharge de fonds propres doit, elle, permettre d'empêcher un arrêt brutal du crédit, en cas de dégradation de la conjoncture.

"En lien avec sa nature contracyclique, le coussin de fonds propres ainsi constitué de façon préventive a vocation à être utilisé en cas de retournement de cycle, son relâchement permettant aux banques de mobiliser cette réserve de capital pour maintenir leur offre de crédit, notamment aux petites et moyennes entreprises qui sont les plus dépendantes du financement bancaire", explique le HSCF.

Protestation du lobby bancaire

Les banques françaises sont bien capitalisées et présentent un niveau de fonds propres supérieur aux exigences réglementaires : elles n'auront pas besoin de lever des capitaux supplémentaires pour faire face à cette nouvelle exigence prudentielle.

La Fédération bancaire française (FBF), le lobby de la profession, a toutefois protesté contre la mesure :

"Les banques ne comprennent pas la décision du HCSF de mettre en place un coussin contracyclique. Il s'agit d'une décision technique et très mesurée, que le HCSF sera amené à réévaluer dans trois mois", a commenté sa directrice générale Marie-Anne Barbat-Layani, arguant que "le crédit en France est particulièrement sûr, comme en attestent la baisse du coût du risque et un taux de crédit douteux très bas".