Règles bancaires : "le meilleur accord possible" selon la Banque de France

Le comité de Bâle, qui décide les règles mondiales de solvabilité des banques, a trouvé un compromis : il harmonise et renforce les exigences de fonds propres, mais pas de façon aussi drastique que le craignaient les banques européennes, en particulier françaises. Le plancher de capitaux est fixé à 72,5% et une longue période de transition est prévue.
Delphine Cuny
Mario Draghi, le président de la BCE et du Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS) du Comité de Bâle s'est dit "ravi et fier" de présenter l'accord trouvé qui est un compromis à l'issue de près de deux ans de discussions.

[Article mis à jour à 19h50]

Les discussions auront duré près de deux ans et patinaient depuis près d'un an : les banques centrales et autorités financières d'une trentaine de pays, qui se réunissent au sein du Comité de Bâle pour revoir les principaux standards de régulation prudentielle des banques, ont enfin abouti à un accord, annoncé ce jeudi après-midi depuis le siège de la Banque centrale européenne (BCE). "Je suis ravi et fier d'annoncer que nous avons trouvé un accord" a déclaré Mario Draghi, le président de la BCE et du Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS), qui a approuvé cet accord.

Le point sur lequel achoppaient les discussions était l'introduction d'un plancher de fonds propres (« capital output floor ») qui doit "réduire les bénéfices des modèles internes utilisées par les banques" dans le calcul des risques, parfois de façon excessive pour diminuer la charge en capital imposée par la réglementation, comme l'a expliqué Mario Draghi :

"Ce plancher est de 72,5%. Vous comprenez bien que c'est un compromis. Les pays membres du GHOS se sont engagés à le mettre en place dans les meilleurs délais", a assuré le président de la BCE.

"Un accord équitable et raisonnable" pour la Banque de France

Deux modèles d'évaluation des risques dans les bilans des banques s'opposaient. Les banques européennes, françaises en particulier, mais aussi japonaises, défendaient le recours aux modèles internes d'évaluation - qui servent à estimer le risque de défaut sur les crédits, qu'il s'agisse de prêts immobiliers, de dette d'entreprise ou souveraine, en fonction de la notation interne - contre la méthode standard, largement utilisée aux Etats-Unis. La méthode standard a le défaut d'être trop uniforme : pourquoi appliquer le même risque de 100% à toutes les entreprises «même dotées de toutes les garanties et bien notées » relève ainsi l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR-Banque de France) « alors que certains États de l'OCDE, pourtant pondérés à 0%, ont pu se révéler risqués. »

Les banques françaises se disaient défavorisées parce qu'elles évaluent la solvabilité des emprunteurs sur leurs revenus futurs et non la valeur du bien pour le crédit à l'habitat par exemple, leurs prêts immobiliers sont donc peu risqués, tandis que les banques américaines titrisent leurs prêts à l'habitat et les sortent ainsi de leur bilan.

Le principe même d'un plancher de fonds propres faisait consensus chez les banquiers centraux. L'objectif du comité de Bâle était d'éviter les trop grandes divergences d'une banque à l'autre et de "rendre sa crédibilité au concept d'actifs pondérés par les risques" a insisté Mario Draghi. Les opposants aux tripatouillages des modèles internes réclamaient un plancher de 75%, la France de 70% du niveau standard : le GHOS a coupé la poire en deux. Le compromis accepté par la France tient aussi au délai accordé: une longue période de transition de cinq ans est prévue à partir de l'entrée en vigueur de ces standards au 1er janvier 2022, soit jusqu'en 2027.

Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui siège au comité de Bâle, s'est félicité dans la foulée :

« L'accord qui vient d'être conclu pour finaliser Bâle III est le meilleur accord possible pour la France et pour l'Europe. [...] il est équitable, raisonnable et définitif. »

La Banque de France se réjouit : « Il n'y aura pas de Bâle 4.» L'institution explique l'accord est « raisonnable dans les augmentations de capital qui en résulteront pour les banques - y compris via l'introduction du plancher applicable aux exigences de fonds propres pour les banques utilisant les modèles internes, le plancher à 70 % ne s'appliquera qu'en 2026, celui à 72,5 % ne s'appliquera qu'en 2027

La banque centrale considère que ces fonds propres pourront être "couverts par des mises en réserve normales" sans nécessiter d'augmentation de capital sur les marchés.

« Ces nouvelles règles  sont en conséquence totalement compatibles avec le bon financement de l'économie et la saine croissance du crédit. Il n'y a, en particulier, aucune remise en cause de notre modèle de crédit immobilier, fondé sur les crédits cautionnés (qui au contraire est conforté avec cet accord), ni du financement des PME, ni du financement de projets », insiste la Banque de France.

A Bercy, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a salué le travail accompli par le gouverneur et ses équipes. Le ministère considère que l'engagement du G20 d'une "hausse raisonnable" des exigences en fonds propres est respecté et le mécanisme actuel de mesure des risques "préservé".

Améliorer la confiance après la crise

Interrogé, Stefan Ingves, le gouverneur de la banque centrale suédoise et président du comité de Bâle, qui militait pour un plancher plus élevé, a toutefois qualifié de "très bon chiffre" le 72,5%. A la question de savoir si le système était désormais à l'épreuve des crises, il a répondu :

"Nous sommes en meilleure forme, nous le serons encore plus après l'application de cet accord. Mais il est impossible de prédire l'avenir."

Mario Draghi a estimé de son côté que "le système est beaucoup plus résilient" qu'après la crise financière.

"L'approbation, aujourd'hui, des réformes de Bâle III constitue une étape majeure qui assurera une plus grande solidité du dispositif de fonds propres et améliorera la confiance dans les systèmes bancaires. Le programme approuvé par le GHOS parachève la réforme globale du cadre réglementaire lancée à la suite de la crise financière" commente-il dans le communiqué.

Delphine Cuny

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Commentaires 7
à écrit le 08/12/2017 à 17:56
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Bâle III n'aurait protègé en rien contre un crédit crunch tel que celui subi en 2007, donc ne servira à rien au prochain choc (défaut de la chine, crise de crédit sur les prêts étudiants, guerre en Asie du SE...). . La raison en est que les vraie...

à écrit le 08/12/2017 à 13:58
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On touche à la limite de la "régulation". Trop signifie impossibilité pour les banques de trop financer, et perte de compétitivité par rapport aux banques américaines notamment. Dans le même temps, les problèmes connus ne sont toujours pas réglés, no...

à écrit le 08/12/2017 à 9:21
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Une réglementation de plus pour pousser les banques à se concentrer, et créer des monstres systémiques qui rackettent les Etats. Tout ça parce que les banquiers ont réussi à créer un tabou : une banque ne doit pas faire faillite. Or, les banques, c...

le 08/12/2017 à 13:57
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Tout à fait de votre avis.

le 08/12/2017 à 19:03
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Ha bon? Joseph avait’dit’ca ? Première nouvelle. C est bien de commenter. Mais faut pas prêter certaines idées que leur créateur n avait’pas Envisager.

le 09/12/2017 à 8:22
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Oui, l'aléa moral , le " tout big tout fail ", est l'assurance tout risque des banques ...jusqu'au krach que paieront leurs clients obligés . Il n'y avait aucun doute sur un accord interbancaire, mais seulement des discussions sur des décimales défin...

à écrit le 07/12/2017 à 21:44
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Ayez confiance ! les couches !

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