Brexit : la finance répond "Yes, but" à Edouard Philippe

Les banquiers sont intéressés par les mesures annoncées par le Premier ministre, venu leur vanter l’attractivité de Paris au forum Europlace. Ils demeurent toutefois prudents dans leurs projets de relocalisation d’emplois de Londres sur le continent.
Delphine Cuny
"France is back" a lancé Edouard Philippe devant un parterre de décideurs de la finance de tous horizons au forum de Paris Europlace ce mardi.

Quelques mots dans un anglais plutôt fluide et un slogan : « Paris is ready and France is back !» Le Premier ministre Edouard Philippe est venu présenter au gratin de la finance internationale réuni ce mardi au forum Europlace, l'association de promotion de la place de Paris, ses mesures dévoilées vendredi dernier pour que « les acteurs financiers viennent et reviennent en France créer des emplois et des richesses : nous sommes déterminés à relever ce défi », a-t-il martelé, et ce, « par tous les moyens ». Un défi qui n'est pas gagné d'avance, malgré l'opportunité unique que constitue le Brexit.

« L'attractivité ne se décrète pas, elle se démontre », a reconnu le Premier ministre, qui a voulu convaincre la communauté financière que « l'attractivité dépasse les questions de coût - du travail, notamment - et de fiscalité, même si ce sont des sujets auxquels il faut apporter des solutions. Il y a la qualité de vie, la capacité de scolariser ses enfants, de se brancher rapidement sur l'ensemble des places financières. S'installer, travailler, vivre à Paris, ce n'est pas exactement la même chose qu'à Londres ou à Francfort. Manger, sortir, se soigner à Paris, à Londres ou à Francfort, non plus », a-t-il relevé, tout en sous-entendus.

"Mon ennemie la finance" a laissé des traces

Devant les grands banquiers attablés, il a attaqué le plat de résistance, ses mesures pro-business : « Nous nous sommes engagés sur un chemin fiscal, juridique, notamment en matière de droit du travail, qui est un chemin de traverse », a-t-il fait valoir. Certaines de ces mesures sont spécifiques au secteur comme l'élimination de la tranche la plus haute de la taxe sur les salaires ainsi que la disparition de l'extension de la taxe sur les transactions financières sur les opérations intra-journalières. D'autres sont plus d'ordre général et de nature à changer la perception de la France comme un enfer fiscal pour les hauts revenus, à l'image de « la suppression de l'impôt sur la fortune pour le transformer en impôt sur la fortune immobilière et la mise en place d'un prélèvement fiscal unique sur le revenu du capital et les plus-values, de l'ordre de 30% », dans un calendrier « rapide et resserré ».

 « Nous voulons que Paris devienne le nouveau premier centre financier européen après le Brexit », a-t-il insisté.

 [Le discours d'Edouard Philippe au déjeuner de place du forum Paris Europlace]

Si l'assistance a applaudi les efforts linguistiques du chef du gouvernement et la tonalité du discours, les relocalisations de bataillons de banquiers étrangers à Paris sont loin d'être acquises.

Même le patron de HSBC, seule banque à avoir officiellement choisi la capitale française comme base de repli post-Brexit, s'est montré prudent. Stuart Gulliver a confirmé qu'il envisageait de rapatrier environ 1.000 personnes (sur 43.000 employés de HSBC au Royaume-Uni) qui n'auraient plus le droit de poursuivre leur activité avec des clients européens, « peut-être moins en cas de soft Brexit ». Il a souligné les atouts de Paris, où HSBC possède « déjà une banque, le CCF, et toutes les licences nécessaires - ce serait irrationnel d'aller ailleurs », et du marché français qui est « rentable pour les banques », à la différence de l'Allemagne, par exemple. Mais il s'est montré circonspect sur la pérennité des mesures annoncées par le président Macron et son Premier ministre, dans un pays réputé pour son instabilité fiscale.

« Les déclarations de François Hollande sur 'mon ennemi, c'est la finance' sont encore dans les esprits », a-t-il confié. « Le package de réformes est très, très positif, mais chacun veut voir si ce sera un changement radical qui s'inscrit dans la durée. Il est encore très tôt pour savoir s'il y aura un second mandat » pour l'actuel président, a-t-il relevé, lors d'une table ronde juste avant le déjeuner de place.

[La table ronde avec Stuart Gulliver, directeur général de HSBC, et Jamie Dimon, celui de JP Morgan]

La "porte ouverte" de JP Morgan

Le patron de JP Morgan, la première banque américaine en termes d'actifs, Jamie Dimon, a évoqué l'éventualité de transférer « des centaines d'employés vers des centres européens où nous possédons des licences, Francfort, Dublin, Luxembourg » - mais pas Paris. Le dirigeant de la filiale française, Kyril Courboin, n'avait pas caché que le droit du travail, jugé très protecteur en France, constituait un handicap pour Paris dans la course à l'attractivité des places financières post-Brexit. Cependant, Jamie Dimon a ouvert la porte :

« La localisation de l'entité juridique et celle des salariés sont deux choses différentes. Nous avons déjà les licences à Francfort. Nous allons probablement utiliser notre banque à Francfort, mais les collaborateurs pourraient être à Paris, aux Pays-Bas, à Madrid ou ailleurs dans l'UE », a-t-il déclaré lors de la même table ronde avant l'allocution du Premier ministre.

Le directeur général de JP Morgan n'a pas exclu de devoir déplacer beaucoup plus de monde - la banque d'affaires américaine emploie 16.000 personnes au Royaume-Uni dont les trois quarts travaillent pour des clients européens (les grandes entreprises) - sous la pression des régulateurs (fonctions juridiques, conformité, etc.). En revanche, il a écarté l'idée de rapatrier à New York une grande part des effectifs, parfois brandie comme une menace par la finance londonienne. « Les Etats-Unis n'en bénéficieront que très peu, ce ne serait pas substantiel », a-t-il estimé.

La Société Générale vote Paris (pas UBS)

L'impact du Brexit ne concerne pas que les banques étrangères : les banques françaises aussi vont devoir rapatrier une partie de leurs effectifs de Londres vers le continent pour continuer à servir les clients du marché unique. Le patron de la Société Générale, Frédéric Oudéa, également présent à la conférence Europlace, a indiqué à Reuters qu'il envisageait de transférer quelques centaines de personnes de son activité de banque d'investissement.

« Dans ce scénario-là, à la lumière des décisions prises par le gouvernement, nous allons concentrer les relocalisations en France », a-t-il précisé, évoquant une fourchette de 300 à 400 postes concernés sur 2.000 actuellement à Londres chez SG CIB.

En revanche, Paris ne figure semble-t-il pas dans la shortlist d'UBS : la banque suisse, à laquelle la justice française réclame 1,1 milliard d'euros pour avoir démarché illégalement de riches clients potentiels en France afin qu'ils ouvrent des comptes en Suisse pour échapper à l'impôt, a cité Francfort, en priorité, et Madrid et Amsterdam comme points de chute privilégiés.

Delphine Cuny

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Commentaires 6
à écrit le 12/07/2017 à 8:50
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L'attractivité de la France, sur une soixantaine de grandes entreprises qui vont quitter Londres une seule ira à Paris le reste en Allemagne en Irlande et au Luxembourg. De plus la monnaie Anglaise est toujours supérieure à l'euro et nos amis Anglai...

le 13/07/2017 à 17:00
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Vous écrivez que la livre britannique est supérieure à l'Euro.... C'est effectivement une forte confusion entre propagande et réalité... je vous encourage à placer toutes vos économies en livre, vous allez faire une super affaire. Foncez !

à écrit le 12/07/2017 à 8:50
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L'attractivité de la France, sur une soixantaine de grandes entreprises qui vont quitter Londres une seule ira à Paris le reste en Allemagne en Irlande et au Luxembourg. De plus la monnaie Anglaise est toujours supérieure à l'euro et nos amis Anglai...

à écrit le 11/07/2017 à 20:06
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Le travail de propagande de l'AFP continue. Régulièrement, pour ne pas dire chaque semaine, nous avons le droit un article sur la faiblesse présumée du gouvernement de Theresa May sur la question du Brexit et son corollaire, la puissance de la commis...

le 13/07/2017 à 17:02
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Si le gouvernement UK était fort sur le brexit, il aurait fait des propositions claires sur toutes les domaines. Et là, c'est morne plaine, avec déjà des imbroglios quant au statut des européens sur place.

à écrit le 11/07/2017 à 20:00
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Avec Sarkozy et Hollande, les Français avaient élu des sous-préfets à l’Élysée. Une étape supplémentaire est franchie avec Macron. C’est un majordome qui occupe dorénavant le palais présidentiel. Son équipe de serviteurs, ministres et hauts fonctionn...

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