Ces entrepreneurs qui se font capital-investisseurs

L'Association française des investisseurs pour la croissance (Afic) vient de créer un club dédié aux fonds d'entrepreneurs. Ces derniers, au nombre de 17, gèrent un total de 615 millions d'euros d'actifs.
Christine Lejoux
Quelque 900 entrepreneurs ont apporté 450 millions d'euros aux 17 fonds membres du nouveau club de l'Afic.

Les fonds d'entrepreneurs occupent une place grandissante au sein du capital-investissement français. A tel point que l'Afic (Association française des investisseurs pour la croissance) vient de créer un club dédié à ces nouveaux acteurs du "private equity", dont les souscripteurs ne sont pas des investisseurs institutionnels tels que des banques et des assureurs - ou très peu - mais des entrepreneurs.

Les premiers fonds d'entrepreneurs sont apparus dans les années 2000, lorsque certains patrons de "success stories" de la nouvelle économie ont choisi de consacrer une partie de leur fortune ainsi amassée au financement d'autres startups prometteuses.

C'est ainsi qu'est né le plus connu des fonds d'entrepreneurs, ISAI, sous la houlette de Pierre Kosciusko-Morizet, créateur de Priceminister, de Stéphane Treppoz, président du directoire de Sarenza, de Geoffroy Roux de Bézieux, fondateur de Virgin Mobile, et d'Ouriel Ohayon, à l'origine du site Techcrunch.fr, entre autres. Dirigé par un professionnel du capital-investissement - comme c'est le cas pour tout fonds d'entrepreneurs -, Jean-David Chamboredon en l'occurence, ISAI s'est fait une spécialité de l'investissement dans l'Internet. Il regroupe aujourd'hui quelque 80 entrepreneurs et gère pas moins de 140 millions d'euros. A noter que Jaina Capital et Kima Ventures, les fonds de deux autres stars de l'Internet - Marc Simoncini et Xavier Niel, fondateurs respectifs de Meetic et de Free - ne sont pas des fonds d'entrepreneurs selon la terminologie de l'Afic, qui assimile davantage ces structures unipersonnelles à des family offices (gestionnaires de fortunes familiales).

Des fonds qui ne se limitent plus à l'amorçage et au capital-risque

Voilà pour les prémices des fonds d'entrepreneurs, un mouvement qui s'accélère, la moitié des 17 adhérents du club créé par l'Afic ayant vu le jour au cours des trois dernières années.

"Les fonds membres du club sont portés par une nouvelle génération d'entrepreneurs, qui ont créé ou développé leur propre société souvent avec l'appui de fonds de capital-investissement, et qui ont donc pris conscience que ces derniers étaient de véritables accélérateurs de croissance et constituaient une classe d'actifs intéressante.

C'est pourquoi ces chefs d'entreprise souhaitent aujourd'hui investir leur patrimoine dans des fonds d'entrepreneurs, ce qui leur permet par ailleurs de mutualiser les risques liés à leurs investissements",

explique Isabelle de Baillenx, présidente du club des fonds d'entrepreneurs de l'Afic et elle-même fondatrice du fonds d'entrepreneurs Fa Dièse. Autre signe de la maturité du secteur, les fonds d'entrepreneurs ne limitent plus leurs interventions à l'amorçage et au capital-risque, mais couvrent désormais tous les métiers du capital-investissement, jusqu'au capital-transmission, en passant par le capital-développement, deux segments sur lesquels opèrent par exemple Pléiade Venture, Tertium et Cap Ouest.

Un apport qui n'est pas seulement financier

Les 17 fonds du club gèrent un total de 615 millions d'euros, dont 450 millions apportés par des entrepreneurs-investisseurs et 165 millions provenant de "zinzins." En effet, les fonds d'entrepreneurs font essentiellement appel à des souscripteurs privés, mais ils peuvent compléter leurs levées de fonds auprès d'un ou deux institutionnels.

Bpifrance (la Banque publique d'investissement) et Axa France ont ainsi apporté 20% des 75 millions d'euros levés en janvier par le premiers fonds d'entrepreneurs de la société de gestion Capital Croissance, le solde de 80% provenant d'entrepreneurs comme Hugues Souparis, président-fondateur de Hologram Industries, Benjamin Abrat, le "papa" du laboratoire Maternov ou encore Hervé Descottes, ancien patron du maroquinier Le Tanneur.

Des chefs d'entreprise qui ont bien autre chose que de l'argent à apporter à des startups ou à des PME, à savoir leur expérience, leur carnet d'adresses, etc. Des conseils qui s'avèrent précieux pour les sociétés financées mais également pour l'équipe chargée de gérer le fonds : "A la différence des fonds traditionnels, les fonds d'entrepreneurs, qui ne disposent généralement pas d'équipes de gestion très importantes, s'appuient beaucoup plus sur leurs souscripteurs, avec un degré d'implication différent selon les fonds. Ils ont de ce fait de nombreuses interactions avec eux", affirme Eric Neuplanche, vice-président du club des fonds d'entrepreneurs de l'Afic et patron de Capital Croissance.

Des fonds plus complémentaires que concurrents

Combien pèsent ces nouveaux acteurs dans l'univers du capital-investissement ? Pas simple à évaluer mais, si l'on part du principe que leurs 615 millions d'euros d'actifs sous gestion seront investis sur une période traditionnelle de cinq à six ans, cela signifie que les fonds d'entrepreneurs investissent peu ou prou 100 millions d'euros par an. Un montant qui ne représente encore que 1,15% des 8,7 milliards d'euros investis en 2014 par l'ensemble du capital-investissement français. Les fonds traditionnels ont donc encore de la marge avant de ressentir la concurrence des fonds d'entrepreneurs.

Si tant est qu'il y ait concurrence : "Les fonds (d'entrepreneurs), en amorçage, co-investissent le plus souvent avec d'autres fonds, et notamment avec des fonds 'traditionnels', afin de mutualiser les risques. Ces derniers nous apportent des dossiers, nous ne sommes pas concurrents mais bien complémentaires", assure Isabelle de Baillenx.

Une vocation de lobby

Reste que la création du club des fonds d'entrepreneurs de l'Afic doit favoriser l'essor de ces derniers. Mais pas seulement : le club a également une vocation de lobby.

"La création de ce club a pour objectif de doter les fonds d'entrepreneurs, généralement de petite taille [10 à 100 millions d'euros d'actifs sous gestion, Ndlr], d'un porte-voix, de les rendre davantage visibles, d'identifier les points réglementaires qui pourraient favoriser leur développement, les fonds d'entrepreneurs étant soumis à la même réglementation que les géants du capital-investissement.

Nous souhaitons également aborder des points qui constituent un frein à l'investissement des entrepreneurs-souscripteurs dans des fonds, comme par exemple les conditions fiscales encadrant le report d'imposition sur les plus-values de cession",

explique Eric Neuplanche. Pour mémoire, le report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières est accordé à condition de réinvestir au moins 50% desdites plus-values dans des entreprises, et ce, de façon directe et non par l'intermédiaire de fonds. Une injustice selon Isabelle de Baillenx : "Nous assistons à un cercle vertueux d'entrepreneurs qui ont contribué à enrichir l'économie française en créant ou en développant leur propre société, et qui continuent en investissant à leur tour dans des fonds qui financent des entreprises."

Christine Lejoux

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Commentaires 2
à écrit le 29/04/2015 à 9:16
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bonne idee et bonne moralite , enfin des entrepreneurs intelligent,? ne plus passe par le dictact des banques et l obligation de reinvestir, 50% c est exellent,? LES JEUNES SONT L AVENIR DE LA FRANCE???

le 01/05/2015 à 3:26
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Travaillant dans le secteur, les premiers existent depuis quelques années dont l'excellent Fa dièse mais le phénomène s'est effectivement amplifié depuis ces 3 derniers années avec l'apparition d'acteurs tels que Cap Horn investi, Breega Capital ou C...

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