Blockchain : Ledger accélère dans la « tokenisation » de la finance et de l’énergie

La startup française Ledger, qui a écoulé plus de 1,5 million de son mini-coffre digital pour sécuriser les clés d’accès aux comptes de crypto-actifs, a enregistré un chiffre d’affaires stable l’année dernière, marquée par l’effondrement des cours des crypto-monnaies. Elle mise sur l’arrivée des institutionnels de la finance, par le biais notamment d’un partenariat noué avec Nomura, et le déploiement de sa technologie dans l’Internet des objets, comme dans l’énergie verte avec Engie.
Delphine Cuny
Eric Larchevêque, le président et cofondateur, également à l'origine de la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse, a l'ambition de créer un acteur mondial de référence dans l'écosystème Blockchain.
Eric Larchevêque, le président et cofondateur, également à l'origine de la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse, a l'ambition de créer "un acteur mondial de référence dans l'écosystème Blockchain". (Crédits : DR)

Le krach des crypto-monnaies, Bitcoin en tête, l'an dernier n'a pas épargné la prometteuse startup française Ledger. La jeune entreprise, qui a écoulé plus de 1,5 million d'exemplaires de son Nano S, un mini-coffre digital pour sécuriser les clés d'accès aux comptes de crypto-actifs, a subi un coup d'arrêt de la demande, qui s'était envolée en même temps que les cours. Un an après sa levée de fonds de 61 millions d'euros, un record dans le jeune secteur de la Fintech, l'équipe dirigeante de Ledger a dressé un bilan de cette année un peu compliquée, après avoir connu une croissance exponentielle les deux années précédentes.

« Nous avons réalisé en 2018 un chiffre d'affaires équivalent à celui de 2017, dans un marché qui a dévissé de 80% » a relativisé Pascal Gauthier, le directeur général de Ledger, lors d'une conférence de presse ce jeudi 24 janvier.

En 2017, Ledger avait engrangé des revenus de 46 millions d'euros, à 98% à l'export, grâce aux ventes de son produit, qui ressemble à une clé USB à écran, fabriqué à Vierzon dans le Cher. Des ventes « dépendantes à 90% du marché des "crypto" pour l'activité grand public » a souligné Eric Larchevêque, le président et cofondateur, également à l'origine de la Maison du Bitcoin, devenue Coinhouse (qui vient de lever 2,4 millions d'euros).

La nouvelle version du produit, le Nano X, un peu plus cher (119 euros contre 95 euros pour le précédent désormais soldé à 59 euros), a reçu le prix de l'innovation au salon CES de Las Vegas  et une couverture médiatique élogieuse dans la presse tech américaine.

« Le bear market [marché baissier] des crypto va durer encore cette année, je ne vois pas d'embellie soudaine en 2019 » a prédit Eric Larchevêque. « Nous allons moins recruter et rester 200 cette année, nous nous ajustons à la réalité du marché. On avait prévenu nos investisseurs [XAnge, Draper Esprit, Korelya Capital, Cathay Innovation, FirstMark] du risque de correction, on reste zen. »

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Ledger Nano X crypto Bitcoin

[Le nouveau Nano X et sa sauvegarde papier : une liste de 24 mots à garder dans un vrai coffre-fort. Crédits : Ledger]

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Lire aussi : Le Bitcoin a 10 ans : après la correction, le rebond ?

Le créneau de la conservation d'actifs

L'entreprise, qui a investi 8 millions d'euros dans la construction à Vierzon d'une usine  qui sera opérationnelle en septembre, a créé deux autres activités à destination des entreprises, dont les revenus seront moins corrélés aux soubresauts des bitcoins et autres "alt coins". Elle compte une vingtaine de clients et a signé avec une quarantaine pour son Ledger Vault, une sorte de coffre-fort numérique destiné aux institutions financières, banques, hedge funds, family offices, y compris des « agences gouvernementales de lutte contre le blanchiment qui se retrouvent avec des bitcoins sans savoir quoi en faire. » Cette activité n'a pas encore généré de revenus significatifs en 2018.

« Nous avons annoncé un partenariat avec Nomura en vue de créer en joint-venture un custodian, un dépositaire pour les institutionnels détenant des crypto-actifs, ce qui n'existe pas vraiment » a indiqué Pascal Gauthier. « Nous nous adressons d'abord aux hedge funds spécialisés en crypto. Nomura apporte sa crédibilité et Ledger sa solution technologique unique. »

De grands acteurs de la place commencent à se positionner sur ce créneau de la conservation des crypto-actifs, à l'image de Fidelity et de l'opérateur boursier ICE (New York Stock Exchange) avec sa plateforme Bakkt, qui vient de lever quelque 182,5 millions de dollars. Presque toutes les banques s'intéressent à la « tokenisation » de la finance, c'est-à-dire la transformation d'actifs financiers en jetons numériques (tokens) pour les rendre plus liquides et traçables.

« Sauf grande crise de confiance, je ne suis pas certain que les crypto-monnaies et le bitcoin seront adoptées par tout le monde » a estimé Eric Larchevêque. « Notre prédiction est que la Blockchain va se démocratiser par la « tokenisation » de la monnaie fiat [fiduciaire, ayant cours légal], de l'euro ou du dollar, qui va permettre de créer un système financier alternatif au sens technologique. L'intérêt est de pouvoir créer de la monnaie programmable, extrêmement fluide à échanger. La tokenisation des actions, des obligations va créer une sorte de "New Deal" technologique sur les actifs financiers. »

Vaste potentiel dans la sécurisation et la certification

L'autre business unit concerne l'Internet des objets et le machine-à-machine. Ledger a signé un contrat avec le géant Engie, dévoilé en octobre dernier, sur la « tokenisation » de l'énergie verte, afin d'équiper de boîtiers les compteurs d'éoliennes ou de barrages pour qu'ils produisent un token certifiant l'origine de cette énergie renouvelable, token pouvant ensuite être vendu sur les marchés.

« Avec notre solution de sécurisation, nous faisons le lien entre l'application Blockchain et le monde physique en créant une couche de confiance » a expliqué Eric Larchevêque. « La tokenisation de l'énergie est un vrai sujet et représente un pan de développement à large échelle pour Ledger. Ce sera très porteur. Beaucoup d'acteurs des utilities, pas seulement de l'électricité, sont intéressés et nous discutons avec certains d'entre eux

Ledger discute même avec Tesla au sujet de la sécurisation de ses voitures électriques.

Pascal Gauthier a relevé que « le Bitcoin et les hacks de plateformes ont montré l'importance de sécuriser les actifs numériques critiques, de les protéger d'un piratage : cela peut-être l'Internet des objets, une voiture autonome ou bien un pace-maker », autant d'objets que Ledger pourrait sécuriser en embarquant une carte à puce couplée à son système d'exploitation propriétaire.

« D'ici trois à cinq ans, cette activité générera des revenus très significatifs, ce sont des déploiements qui vont s'étaler sur plusieurs années » prédit Eric Larchevêque. « Notre ambition est de devenir un acteur mondial de référence dans l'écosystème Blockchain » a-t-il martelé.

Delphine Cuny

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Commentaires 4
à écrit le 25/01/2019 à 21:14
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C’est super de s’applaudir pour 0% de croissance en se cachant derrière le krach de cryptos. Il est peut-être temps de se remettre en question en interne, en commençant par son propre Président qui essaie de faire croire qu’il sait gérer une entrepri...

à écrit le 24/01/2019 à 18:49
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Une entreprise qui a le mérite d'être lucide visiblement et qui semble savoir là où les cryptos peuvent créer de la valeur ajoutée. Et bien ça change du discours habituel ... Entreprise dont on va certainement entendre parler...

le 24/01/2019 à 19:57
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Oui ils ont tout compris, en vendant 1,5 millions de gadgets à des gogos qui ont pensé avoir tout compris (eux aussi). Pour les vrais projets à valeur ajouté, on verra plus tard. Après tout, X. Niel a fondé Free après avoir fait fortune dans le min...

le 25/01/2019 à 13:33
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Réponse à Titi: Apparement les gogos qui croient aux crypto incluent le Nasdaq et la maison mère du New York Stock Exchange (ICE). Ça fait du beau monde. Ravi d'y croire aussi, et d'être en si bonne compagnie. Ah oui, le Samsung S10 aura aussi...

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