Les épargnants victimes du Cref risquent d'être floués une seconde fois

Par Séverine Sollier  |   |  898  mots
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Plus de 5.000 cotisants à ce fonds de retraite facultatif pour les fonctionnaires ont obtenu en justice le paiement d'une indemnité de 5,5 millions d'euros, mais la mutuelle gestionnaire du Cref se défile et demande sa liquidation.

L'affaire du Cref, régime de retraite facultatif de fonctionnaires qui a fermé au début des années 2000, connaît un nouveau rebondissement. Plus de 5.000 cotisants ont obtenu en justice en avril 2011 une indemnisation de 5,5 millions d'euros. Mais la mutuelle gestionnaire du Cref, la Mutuelle de retraite de la fonction publique (MRFP), a demandé le 7 juillet dernier sa liquidation judiciaire afin de couper court à toute demande de dédommagement.

Alors qu'une audience auprès de Tribunal de grande instance doit avoir lieu début septembre au sujet de cette liquidation de la MRFP, l'Association nationale de défense des fonctionnaires épargnants pour la retraite (Arcaf) dénonce une "mascarade". Pour Guillaume Prache, auteur du livre "Les scandales de l'épargne retraite" (Bourin Editeur), "la plus grosse mutuelle d'épargne retraite française s'est organisée pour ne pas honorer ses engagements".

Le transfert du portefeuille en 2002

Après avoir baissé les droits de rentes de ses cotisants en 2001, la Mutuelle de retraite de la fonction publique (MRFP), qui gérait le Cref, l'a ensuite fermé car il ne pouvait plus faire face à ses engagements. Puis, le portefeuille de 450.000 cotisants et rentiers a été transféré à une nouvelle mutuelle, l'Union mutualiste de retraite (UMR) en 2002, qui a recréé un nouveau régime baptisé le Complément de retraite mutualiste, Corem. Ce nouveau régime comporte deux compartiments. Le premier baptisé R1 est fermé aux nouvelles adhésions, et accueille les droits de retraite acquis jusqu'en 1988 et les droits des adhérents déjà rentiers du régime ; le second régime, baptisé le Corem, est ouvert aux nouvelles adhésions et accueille les droits de retraite des adhérents acquis depuis 1989.

Comme la MRFP était responsable de la gestion antérieure du Cref, c'est elle que les cotisants s'estimant floués (surtout ceux du régime R1 dont la pension de retraite a été réduite en 2001 et plus revalorisée depuis) attaquent en justice. Après des années de procédure, ils ont obtenu gain de cause récemment au civil. L'arrêt favorable de la Cour d'appel de Paris d'avril 2011 a condamné l'ex-mutuelle de retraite de la fonction publique (MRFP) pour défaut d'information vis-à-vis de ses adhérents. Elle devra leur payer une indemnité correspondant environ à 10% des sommes demandées par les plaignants, soit 5,5 millions d'euros.

La MRFP : une coquille vide

Mais plus de dix ans après le lancement de la procédure, la MRFP semble n'être plus qu'une coquille vide puisqu'elle a transféré son portefeuille à l'UMR. Guillaume Prache écrit dans son livre (p. 129) : "la mutuelle du Cref le reconnaît d'ailleurs clairement dans ses conclusions déposées devant le tribunal de grande instance de Paris dans le cadre de l'assignation en responsabilité civile engagée par ses adhérents contre elle. Ces conclusions 63 soulignent en effet la nécessité de se protéger d'une "instabilité juridique" liée à des réclamations en justice qui n'auraient pas été "purgées par un changement de débiteur et auraient nécessité des provisions complémentaires incompatibles avec le respect du plan de convergence". Son successeur, l'UMR, invoque lui aussi, dans ses conclusions déposées dans le cadre de cette procédure 64, la nécessité de "purger le Cref de toute critique et réclamation".

Nouvel épisode attendu à l'affaire du Cref

Pour Guillaume Prache, il n'y a aucun doute : "l'ancienne mutuelle (la MRFP) devrait appeler en garantie la nouvelle mutuelle (l'UMR) pour s'acquitter de ses obligations". Saisie de la question en juillet, l'Autorité de contrôle prudentiel chargée de contrôler les banques, les sociétés d'assurances et les mutuelles, se serait déclarée "incompétente". Les adhérents n'ont cependant pas l'intention de se contenter de cette fin de non recevoir et leur avocat a assigné l'Autorité de contrôle prudentiel à l'audience du tribunal de grande instance début septembre qui portera sur la liquidation de la MRFP.

L'affaire du Cref ajoutera donc un nouvel épisode à son feuilleton judiciaire qui connaît déjà de multples volets. L'Etat a été  jugé co-responsable dans ce dossier, pour défaut de contrôle, et condamné définitivement en mars dernier par le Conseil d'Etat à indemniser les victimesà hauteur de 20 % de leur préjudice. Cela  devrait permettre à chaque adhérent de récupérer en moyenne 2.000 euros.

De plus, les anciens dirigeants du Cref et de la Mutuelle MRFP ont été condamnés pénalement en première instance en juin 2011. Huit anciens administrateurs du Cref étaient accusés d'abus de confiance. Parmi eux, l'ancien ministre des affaires sociales (1992-1993), René Teulade, est celui qui a été condamné le plus lourdement à 5.000 euros d'amendes et dix-huit mois de prison avec sursis. Les sept autres personnalités ont été condamnées à huit et dix mois de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende par la onzième chambre du Tribunal correctionnel de Paris.

Mais les adhérents, des anciens enseignants, qui ont vu une partie de leur épargne et de leurs rentes partir en fumée, n'ont toujours pas été dédommagés : ni les 5.000 qui ont engagés des poursuites, encore moins ceux qui, découragés par les annonces dramatiques du début des années 2000, ont carrément choisi de démissionner du Cref en 2002, comme on leur proposait de le faire. Ils ont été environ 70.000 à choisir cette option.