Les banques à l'heure des comptes et des réorientations

Par Julien Bonnet  |   |  632  mots
Infographie La Tribune
Comme l'ont annoncé les banques françaises lors de leurs résultats trimestriels, les établissements européens, dans une grande majorité, ont procédé à des ventes massives de titres de dettes souveraines des états de la zone euro actuellement sous la pression des marchés.

Avec la crise de l'endettement des États européens, la tendance est à la cession des obligations souveraines des pays en difficultés chez les banques du Vieux Continent. Et particulièrement chez les établissements français. Crédit Agricole, qui présentait ses résultats jeudi, a par exemple annoncé une réduction de 27 % de son portefeuille de titres de dettes des pays dits périphériques - à savoir : l'Italie, l'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Irlande - entre le 30 juin et le 30 octobre 2011. La Banque verte rejoint ainsi BNP Paribas, Société Générale et BPCE qui ont toutes procédé aux mêmes opérations dans des proportions assez identiques. Une démarche que l'on retrouve chez la plupart des banques européennes à l'instar de la britannique HSBC, dont le portefeuille de dette souveraine des pays périphériques est passé de 8,2 milliards de dollars à 5,5 milliards entre le deuxième et le troisième trimestre. Le bancassureur belge KBC, qui a essuyé une perte de 1,579 milliard d'euros au troisième trimestre, est d'autant plus représentatif de ce mouvement de délestage massif. Encore exposé à hauteur de 10 milliards d'euros à fin 2010, l'établissement ne possède plus que 5,1 milliards d'obligations d'États en difficulté. Et parfaite illustration des craintes qui pèsent actuellement sur l'Italie et sa capacité à rembourser sa dette, KBC a considérablement revu à la baisse sa détention des titres italiens. Alors qu'elle en possédait encore 6,4 milliards à fin décembre, elle a cédé pour 2,6 milliards entre juin et septembre et pour 1,6 milliard supplémentaires sur le seul mois d'octobre.

Pour les établissements européens, le but est clairement de rassurer les marchés afin de passer un hiver moins agité que l'été dernier. Période pendant laquelle leurs cours de Bourse ont subi une attaque en règle de la part des investisseurs principalement en raison des inquiétudes sur la dette de la Grèce.

« Le problème est que le marché a voulu appliquer une évaluation au prix de marché des obligations souveraines et que l'on ne sait pas dans quelle mesure cet actif sera considéré comme éligible au ratio de liquidité et de solvabilité de la nouvelle réglementation bancaire », confie un analyste d'une grande banque d'investissement. Les premiers volets des nouvelles règles de Bâle III doivent en effet commencer à entrer en application à partir de janvier 2013.

Paradoxe

Les marchés réclamaient déjà des banques qu'elles anticipent les nouvelles exigences. Mais le mouvement s'est accéléré avec la demande le 27 octobre par l'autorité bancaire européenne (EBA) que les 70 principaux établissements du continent affichent un ratio de fonds propres durs « Core Tier 1 » de 9 % dès juin 2012 « incluant un impact reflétant la valeur de marché des dettes souveraines européennes ». Mais en cédant leurs titres, les banques entretiennent la baisse de leurs valeurs et donc la montée des taux d'intérêts que connaissent les obligations italiennes par exemple. « C'est tout le paradoxe, explique l'analyste, mais ce n'est pas la faute des banques qui doivent ajuster leur profil de risque ». Les banques ne possédaient-elles pas trop d'obligations souveraines ? «Elles avaient de bonnes raisons d'en détenir, répond-il, les obligations souveraines restaient faiblement pondérées par le risque, leur rendement était quasi-certain et, de surcroît, certaines banques les utilisaient pour se couvrir contre le risque de taux d'intérêt. Mais surtout, cela arrangeait les États qui pouvaient s'endetter facilement ». Reste à savoir maintenant comment ces établissements vont pouvoir se délester d'une part plus importante de ces portefeuilles de dette sachant qu'il n'y plus aucun acheteurs et que le marché s'est entièrement asséché. Une autre problématique qu'ils vont devoir prendre en compte pour calculer les futures provisions.