Groupama se mobilise pour éviter le démantèlement

Par Laura Fort  |   |  707  mots
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L'assureur vert traverse une période houleuse. Il réalise actuellement plusieurs opérations sur ses actifs financiers pour satisfaire aux obligations réglementaires de marge de solvabilité à fin 2011.

Depuis quelques semaines, le secteur de l'assurance assiste à la descente aux enfers d'un de ses acteurs historiques. Une descente qui se précipite d'autant plus que l'échéance de la fin d'année se rapproche. En effet, la marge de solvabilité de l'assureur s'est érodée et n'atteindrait pas le minimum requis (100 %) au 31 décembre. « Nous réalisons toutes les opérations nécessaires pour retrouver de la sérénité : des opérations sur les passifs et sur nos différentes classes d'actifs. Et nous conduisons des opérations de ? derisking ? du bilan », explique la direction de Groupama.

Mais personne ne connaît exactement le montant de fonds propres à trouver pour recouvrer une marge de solvabilité conforme aux exigences réglementaires. Seule estimation partagée par différents analystes : cela se chiffre en milliards. Les raisons du désastre sont multiples. À la turbulence des marchés financiers s'ajoutent l'exposition aux dettes des pays périphériques de la zone euro, des activités en difficulté comme l'assurance-vie ou la banque, ou encore des acquisitions au prix fort.

Écarts d'acquisition

Les difficultés de Groupama ne sont pas nouvelles : « Nous n'avons pas subitement découvert un problème particulier. En mars dernier, la perspective sur les notes de Groupama a été revue de stable à négative. En août, la solvabilité s'est détériorée et la note a été abaissée d'un cran. Et fin septembre, la note a été abaissée de deux crans du fait d'un nouvel amoindrissement de sa solvabilité », affirme Marc-Philippe Juilliard, analyste assurance chez Fitch.

Les « goodwill », ou écarts d'acquisition, font partie des raisons qui mettent l'assureur au fond du gouffre. À fin décembre 2010, ils s'établissaient à 3,1 milliards d'euros et l'assureur en faisait état dans son document de référence 2010 : « Une dépréciation de l'écart d'acquisition sur certains pays de l'Europe de l'Est a été enregistrée. De même, la dégradation de la performance opérationnelle de certaines acquisitions du groupe ou des conditions de marchés pourraient, à l'avenir, conduire à déprécier significativement les écarts d'acquisition [...]. Ces éléments peuvent impacter négativement et de façon importante le résultat net et la situation financière du groupe. »

Les moins-values latentes participent aussi largement aux difficultés de l'assureur vert. Au 27 octobre, avec un CAC 40 à 3.369 points, le groupe était porteur de 4,6 milliards d'euros de moins-values latentes selon l'intersyndicale (voir graphique). Or, le 23 novembre, l'indice boursier n'affichait plus que 2.822 points. Les placements en actions plus élevés que la moyenne du secteur (15 % de son portefeuille à fin juin) posent également problème. Et certaines lignes stratégiques pourraient être compliquées à liquider dans les conditions de marché actuelles. Plusieurs scénarios de redressement sont aujourd'hui à l'étude : la cession d'actifs (lire ci-contre), l'adossement à un autre groupe ou la recherche d'investisseur.

Jusqu'à présent, Thierry Martel, le patron du groupe, rejette toute idée d'adossement à un autre groupe. Pourtant, si l'assureur n'arrivait pas à se redresser rapidement, cet adossement pourrait lui être imposé par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) ou par le ministère des Finances. Selon l'ACP, un assureur qui n'a plus le niveau requis de solvabilité peut faire l'objet de mesures de redressement sans que celles-ci soient forcément rendues publiques.

« Recapitalisation »

Par ailleurs, Groupama n'est pas à l'abri d'une nouvelle dégradation de sa note. « Nous avons maintenu une perspective négative sur l'ensemble des notes du groupe, ce qui indique qu'une nouvelle dégradation est possible. Ce qui serait susceptible d'induire une nouvelle dégradation serait par exemple, à solvabilité constante, une forte dégradation de la rentabilité ou de son positionnement concurrentiel », explique Marc-Philippe Juilliard. Du côté des syndicats, la CFDT attend les conclusions du cabinet d'experts Secafi-Alpha mandaté à la suite d'un droit d'alerte. CFE-CGC a pour sa part envoyé une lettre au ministre des Finances, demandant « au gouvernement de mettre en place le plus rapidement possible l'étude de la recapitalisation de ce groupe ». Une position à laquelle la CGT se rallie. Pour sa part, la direction a affirmé, lors d'un comité de groupe extraordinaire ce mercredi, sa volonté de ne pas prendre de « décision structurante » dans la précipitation. Un comité central d'entreprise doit avoir lieu le 8 décembre.