Le président de la Banque nationale suisse ne démissionnera pas

Par latribune.fr  |   |  926  mots
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L'affaire qui concernait d'abord sa femme éclabousse désormais le président de la Banque nationale suisse lui même. Mais Philipp Hildebrand se défend et dit s'être comporté de manière "correcte et conforme aux règlements". Il refuse de démissionner. Selon des informations publiés dans la presse suisse, il aurait procédé à des opérations de spéculation sur les devises entre mars et octobre 2011. Il a annoncé qu'il s'exprimerait publiquement jeudi 5 janvier sur ce dossier.

Accusé de délit d?initié, Philipp Hildebrand, président de la Banque nationale suisse (BNS), n?a pas l?intention de jeter l?éponge. Il s?est exprimé jeudi après-midi sur les transactions de change controversées imputées à son épouse. "Tant que j?ai la confiance du gouvernement et de l?autorité bancaire, démissionner n?est pas envisageable", a-t-il indiqué. Il estime que les attaques dont il fait l?objet, ont atteint un point où il se devait d?intervenir. La presse suisse exerce en effet une forte pression sur Philipp Hildebrand, certains jugeant même que sa démission était inévitable.

Il est reproché à sa femme, Mme Kashya Hildebrand, une Américaine d'origine pakistanaise, qui dirige une galerie d?art à Zürich, d?avoir acheté 500?000 dollars le 15 août, à un moment où le franc suisse était au plus haut par rapport à l?euro et au dollar. Or trois semaines plus tard, la BNS fixait un taux plancher du franc suisse à 1,20. Pour ceux qui ont acheté des devises juste avant cette décision de dévéluation, le bénéfice s'élève à 10%.

Le magazine suisse Weltwoche, proche du parti UDC (droite populiste) a de plus indiqué le 4 janvier que les ordres d?achat et de vente de devises auraient été donnés par Philipp Hildebrand lui-même et non par sa femme, ce que l?intéressé dément. Il confirme en revanche que sa femme a bien réalisé les transactions en question. "Je me suis comporté en tout temps de manière correcte et conforme aux règlements", a-t-il rétorqué.

Même s?il "comprend les questionnements que suscite la situation", il regrette que certaines personnes "qui pendant des années ont été des partisans véhéments du secret bancaire suisse, sont prêtes aujourd?hui à accepter de violer le secret bancaire de manière flagrante à des fins politiques". C?est en effet Christoph Blocher, du parti UDC, qui a dévoilé au gouvernement suisse le 15 décembre dernier les transactions effectuées par la femme de Philipp Hildebrand. Il tenait ses informations d?un employé de la banque Sarasin qui lui a transmis les documents concernant Philipp Hildebrand et sa femme. Cet employé fait l?objet depuis le 5 janvier d?une enquête pénale lancée par le ministère public du canton de Zurich.

Selon Le magazine suisse Weltwoche, Philpp Hildebrand a effectué plusieurs opérations d'achats et de ventes d'euros et de dollars sur le marché des changes (Forex) entre mars et octobre 2011. Pour le seul mois de mars, il a acheté des dollars pour un montant de 1,1 million de francs suisses, affirme la Weltwoche. Le journal précise avoir eu accès à des extraits de comptes et indique  que le président de la Banque nationale suisse a fait un gain de 75.000 francs suisses (62.000 euros) sur l'achat puis la vente d'un demi-million de dollars entre le 15 août et le 4 octobre.

Enfin, le magazine affirme que l'employé de la banque privée suisse Sarasin, à l'origine de la fuite, était "conscient d'avoir violé le secret bancaire". Il s'est lui-même dénoncé, a rappelé le journal, en ajoutant que cet employé avait aussi porté plainte contre Philipp Hildebrand pour violation des règles boursières et délit d'initié.

La BNS a démenti toute opération illicite

Un porte-parole de la Banque nationale suisse, interrogé mercredi 4 janvier par l'AFP, s'est refusé à tout commentaire. Il a renvoyé au communiqué publié le 23 décembre dernier, selon lequel les opérations sur devises effectuées par la famille de M. Hildebrand n'étaient pas contraires à la loi et que ce dossier était clos.

Des vérifications ont en effet été engagées par le cabinet PricewaterhouseCoopers et le Contrôle fédéral des finances. Et selon la BNS, ces vérifications "ont confirmé qu'aucune transaction illicite n'avait été opérée ni qu'aucune exploitation impropre d'informations privilégiées n'avait été constatée". La banque précise que "Toutes les transactions ont été examinées en détail", notamment cette opération d'achat de dollars ainsi qu'un virement en dollars sur le compte de la fille du couple Hildebrand, ajoute la BNS.

Les instances de contrôle de la Banque nationale suisse ont estimé que ces opérations étaient "absolument conformes aux exigences réglementaires", a précisé la banque centrale. La loi suisse permet en effet au président de la Banque nationale suisse de gérer librement ses avoirs, contrairement à ce qui est prévu pour la Reserve fédérale américaine ou la Banque centrale européenne.

Le rapport d'audit publié par la BNS indique que Philipp Hildebrand n'avait été informé qu'après coup de l'achat de dollars par sa femme."Selon des échanges de mails que nous avons consultés, il apparaît que Philipp Hildebrand n'avait pas eu connaissance" de l'achat d'un demi-million de dollars par sa femme sur le marché des devises le 15 août, indique le rapport de la société PricewaterhouseCooper.

L'affaire a pris une tournure politique

Cette affaire, que l'on croyait réglée en décembre après ce communiqué de la  BNS, a pris une nouvelle tournure plus politique. Mardi 3 janvier, le journal suisse Le Temps a révélé que ces transactions ont été dévoilées au gouvernement suisse le 15 décembre dernier par Christoph Blocher, l'homme fort du parti UDC (droite populiste), au cours d'une entrevue avec la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey.