Barnier : "L'ennemi ce n'est pas la finance, mais la finance non régulée"

Michel Barnier sera auditionné ce mardi par la Commission des Finances et la Commission des Affaires Européennes du Sénat, à Paris, sur les propositions de Bruxelles pour encadrer les marchés financiers. Pour "la Tribune", le Commissaire européen répond aux critiques qui lui sont faites sur ce projet de réforme. S'il n'exclut pas d'aller plus loin, il souhaite avant tout que l'Europe avance.
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Les sénateurs qui vous auditionnent ce mardi estiment que les réformes que vous avez engagées sont une première « étape » vers plus de régulation financière mais qu'il faudrait aller plus loin. Qu'en pensez-vous ?

Pour aller plus loin, il faut une base. Je suis heureux que l'on me donne acte du travail fait depuis deux ans. Mais l'agenda du G20 [d'où sont issues les réformes européennes] est encore loin d'avoir été mis en ?uvre. Nous avons mis sur la table de ceux qui doivent décider, les ministres des finances de Vingt-Sept et les députés européens, une trentaine de textes. Mais ces textes sont loin encore d'être opérationnels. Il s'écoule entre 12 et 14 mois entre le moment où je fais ma proposition et son adoption. Quand nous aurons cette base, je n'exclus pas que l'on aille plus loin. Nous ferons une évaluation au fur et à mesure. Les propositions sur la directive Marchés d'instruments financiers sont en cours de négociation. Je souhaiterais qu'elles soient votées avant que l'on dise qu'elles ne sont pas assez ambitieuses.

Justement sur cette réforme de la régulation des marchés, l'Autorité des marchés financiers (AMF), comme le Sénat, demandent que les « OTF », ces nouvelles plates-formes de négociation, ne puissent pas opérer des transactions sur des produits liquides et standardisés comme les actions. Faut-il amender le texte sur ce point ?

Je suis très attentif à ce que dit Jean-Pierre Jouyet [le président de l'AMF, ndlr] et respectueux de sa compétence et de son indépendance. Les organized trading facilities sont un instrument que j'ai proposé pour couvrir toutes les opérations qui ne le sont pas actuellement par les bourses ou les autres plates-formes organisées, de boucher le trou laissé ouvert par la première directive. Les mêmes règles doivent s'appliquer pour l'ensemble des classes d'actifs quel que soit leur lieu d'exécution.

Ils s'inquiètent aussi que les exemptions à la transparence préalable à la transaction restent trop importantes notamment au nom de l'utilisation du prix importé....

D'une manière générale, nous voulons renforcer la transparence avant et après négociation. C'est vrai qu'il y a cette dérogation dans la première directive. Mon ambition est de réduire au maximum les dérogations sur la transparence. Je compte travailler avec l'Autorité européenne des marchés financiers sur cette question. S'il le faut, nous irons plus loin.

Que fait-on pour limiter les risques du trading à haute fréquence ?

Tout ce que nous proposons, nous le faisons en coordination avec les Etats-Unis où j'ai fait cinq visites en deux ans et demi. Ce parallélisme est essentiel. Dans la directive sur les marchés d'instruments financiers nous prévoyons l'enregistrement des négociateurs en trading à haute fréquence auprès des autorités nationales, une obligation de limiter les ordres par transaction, l'obligation de fournir de la liquidité. La révision des règles sur les abus de marché va aussi permettre d'identifier les pratiques clairement abusives, de les pénaliser ou même de les criminaliser.

On parle beaucoup de finance dans la campagne présidentielle. C'est une bonne chose ?

La finance, ce sont des acteurs, des banques, dont beaucoup sont mutualistes ou coopératives, des marchés, des centaines de milliers d'emplois. L'ennemi ce n'est pas la finance en général mais la finance non régulée. L'important, c'est d'en parler de façon précise. Je voudrais utiliser l'audition programmée au Sénat pour expliquer où nous en sommes dans la régulation et dire que l'Europe avance.
 

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