"Aucun système de gouvernance ne permet d'éviter un comportement comme celui de M. Kerviel"

La neuvième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 21 juin. A la barre, les témoins ce succèdent, et notamment Daniel Bouton, l'ancien patron de la Société Générale.
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Jérome Kerviel est sous le coup de trois chefs d'accusation : abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, faux et usage de faux. Son procès en appel a commencé lundi 4 juin. Suivez en direct la huitième journée d'audience couverte par notre journaliste Laura Fort, avec les clés pour comprendre le procès. Retrouvez le compte-rendu de la première journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience, le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, et le compte-rendu de la huitième journée d'audience.

Jeudi 21 juin

18h15. La défense interroge à son tour le témoin, Daniel Bouton, patron de Société Générale à l'époque des faits.

Me Dami Le Coz, avocat de Jérôme Kerviel avec Me Koubbi se lance: Avez-vous pensé qu'il y avait un risque pénal pour les dirigeants de la Société Générale ?
Daniel Bouton : Les dirigeants d'entreprise ne pensent pas d'abord au risque pénal, ils pensent : comment je sors la société de cette situation. Je n'ai pensé qu'à cela pendant des semaines.
Me David Koubbi s'avance maintenant : Avez-vous bien retiré le propos de « terroriste » ?
DB : J'ai dit effectivement que c'était une erreur de l'avoir formulé.
DK : Pensez-vous que vous avez à vous excuser pour avoir porté cette parole ? Souhaitez-vous formuler des excuses à ce titre ?
DB : Je ne formulerais des excuses que lorsque j'aurais lu le jugement qui aura innocenté Jérôme Kerviel.
DK : J'ai entendu au fil de l'eau que la Société Générale est une banque solide. C'est bien ce que vous avez dit ?
DB : Je crois.
DK : Pourtant la Société générale ne résiste pas à des stress tests extrêmement rigoureux de l'Agence bancaire européenne.
DB : Je ne comprends pas la question.
DK : A l'époque où J. Kerviel opérait au sein de la banque, dans le même temps il y avait un « road show » des dirigeants pour aller vanter les systèmes de contrôle de la banque et que la sécurité était au c?ur de vos problématiques. Je me trompe ?
DB : Oui la sécurité était au coeur de nos problématiques, mais avez 100% tort sur le fait que j'ai organisé des « road show » relatifs aux contrôles avant le 18 janvier.
DK : Considérez-vous que vos commissaires aux comptes, lorsqu'ils valident vos comptes, sont en conflit d'intérêt quand ils perçoivent des honoraires ?
DB : nous avons une règle de rotation entre deux entreprises de commissaires aux comptes. Mon sentiment personnel est que l'Europe et la France peuvent être raisonnablement satisfaites du système de contrôle des comptes que nous avons. Mais il n'y a pas de système de gouvernance qui permette d'éviter un comportement comme celui de Jérôme Kerviel.
DK : Nous avons fait le bout à bout des événements. Avant la mise en route de la communication de la Société Générale, toute la place disait qu'un seul opérateur qui aurait floué la banque, personne n'y croyait. A-t-il été nécessaire d'envoyer un autre signal pour retourner l'opinion publique et journalistique ? Car la presse était unanime sur ce sujet. Comment avez-vous fait pour renverser la vapeur ?
DB : Je ne suis pas fort en procédure pénale, mais je voudrais qu'il soit noté qu'un grand avocat parisien vient de reconnaître que ce qu'a fait son client est totalement incroyable pour toute la place. Je vous félicite votre franchise.
DK : A-t-il été nécessaire de le qualifier de voleur, manipulateur, terroriste, de le qualifier d'« en fuite » ou de suicidaire, pour faire admettre sa faute ?
DB : Je ne suis pas compétent pour y répondre.
DK : J'ai du mal à concevoir que Morgan Stanley et JP Morgan aient accepté de versé 5 milliards en sachant que les filets de contrôle étaient complètement troués... DB : J'incite tout le monde à lire le livre d'Alain Peyrefitte, « La société de confiance ».
La Société Générale de janvier 2008 est une grande banque internationale dans laquelle les grands banquiers internationaux ont confiance. Ils ont confiance dans le management et nous avons convaincu le marché du fait qu'on traitait le problème de la manière qu'il fallait.
Ils n'ont pas envoyé un chèque de 5 milliards d'euros dès le samedi, ils garantissent l'opération.
DK : Saviez-vous que Société Générale avait fait elle-même des opérations fictives dans le cadre des opérations de débouclage ?
DB : Je ne sais pas faire le débouclage d'opérations fictives de J. Kerviel sans faire des opérations fictives en face.
DK : Vous diriez que la fraude de Jérôme Kerviel était particulièrement sophistiquée ?
DB : Demandez d'abord à M. Kerviel pourquoi il a passé des ordres de ce type-là.
DK : M. Kerviel a agi comme il lui a été demandé d'agir. Je ne veux absolument pas être inconvenant mais pourquoi personne n'est tombé de sa chaise, c'est de l'incompétence ? Que faisait vos systèmes de contrôle ? Est-ce que eux n'ont pas abusé la confiance des salariés et des actionnaires ?
La présidente intervient : Ce serait de la publicité mensongère !
DB : Il est écrit dans la décision de la Commission bancaire qu'il y avait une défaillance des systèmes de contrôle.
DK : Jusqu'à un temps assez récent, M. Kerviel est perçu comme ayant inventé des méthodes pour faire des opérations fictives. Il s'avère qu'il n'a rien inventé du tout. Il y a eu des affaires en 1997 et en 2007. Quelles sont les mesures qui ont été prises pour que cela n'arrive plus ?
DB : Nous avons diligenté des enquêtes pour savoir ce qui s'était passé. Mais ça fait 120 ans que ça existe, c'est la même chose que les fraudes qui ont pu être initiées par fax depuis des endroits exotiques.

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Et retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel, les clés pour comprendre le procès (noms, définitions), les analyses de Valérie Segond et de François Lenglet après le verdict de 2010, ce que sont devenus les protagonistes de l'affaire, les plaintes déposées par Me David Koubbi (avocat de Jérôme Kerviel) et par Me Jean Veil (avocat de Société Générale), le témoignage de l'ancienne conseillère en communication de Jérôme Kerviel, et le contexte politique dans lequel s'inscrit le procès.

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