Caisse des Dépôts : Jouyet a passé son entretien d'embauche

L'actuel patron de l'AMF a été proposé par le Premier ministre pour occuper le poste de directeur général de la Caisse des dépôts. Il a été auditionné ce mardi par les commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat pour préciser la stratégie qu'il souhaiterait mettre en place. Un "rendez-vous" dense et musclé qui s'est achevé par un feu vert du Parlement.
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N'est pas patron de la Caisse des dépôts qui veut. En guise d'entretiens de recrutement, Jean-Pierre Jouyet, proposé par Jean-Marc Ayrault pour occuper cette fonction, a été auditionné ce mardi matin par la commission des Finances de l'Assemblée nationale, puis cet après-midi par celle du Sénat.
A l'issue de cette journée d'interrogatoire, l'ancien président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) devrait être adoubé pour le poste de directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), à condition qu'il ne rencontre pas l'opposition des trois cinquièmes des membres des commissions des Finances de l'Assemblée et du Sénat. Un décret d'application interviendra alors mercredi 11 juillet pour entériner sa nomination. Il succèderait à Augustin de Romanet à la tête de l'institution.

Des problèmes de déontologie

Ces auditions sont toujours un mauvais moment à passer. Et Jean-Pierre Jouyet n'a d'ailleurs pas coupé aux piques de certains députés PS qui s'insurgent contre cette nomination : "François Hollande avait dit que ceux qui avaient soutenu Nicolas Sarkozy n'auraient rien", relevant que Jean-Pierre Jouyet a occupé le siège de ministre des affaires européennes de 2007 à 2008.
Du côté de l'UMP, on soulève des problèmes de déontologie, à l'instar de Christian Jacob, président du groupe UMP, qui affirme : "Le règlement de l'AMF interdit à ses collaborateurs de rejoindre une société qu'ils auraient surveillée ou contrôlée. Or, si M. Jouyet devient directeur général de la CDC, il se trouvera précisément dans ce cas, puisque la CDC a de nombreuses filiales qui ont été soumises au contrôle de l'AMF".

Réunis dans la salle Clémenceau, les membres de la commission des Finances du Sénat lui ont posé toutes les questions indispensables concernant le job, même celles qui fâchent.  Mais Jean-Pierre Jouyet ne s'en ait pas laissé conter et n'en a laissé aucune de côté.Philippe Marini, président de la Commission, a introduit l'audition par le rappel du caractère exceptionnel de la procédure : "C'est à ma connaissance la deuxième fois que cette procédure est appliquée, après l'audition de François Drouin pour sa nomination à la tête d'Oseo".

Préserver la marque de fabrique

Après avoir rappelé son parcours, Jean-Pierre Jouyet a livré les grandes lignes de la stratégie qu'il souhaiterait impulser s'il était nommé directeur général de la CDC.  "Il est nécessaire de préserver et de renforcer son identité, véritable marque de fabrique, ce qui n'évite pas d'avoir des choix assumés. Il faut éviter tout risque d'immobilisme, d'ensablement. La CDC doit aussi être un investisseur privé, ce qui implique de faire preuve d'audace. Mais on a trop tendance à croire que la CDC sait tout faire et peut tout faire. Il faut avoir un périmètre défini par doctrine d'action."
Avant d'ajouter que : "Les efforts de la CDC devront s'intensifier dans trois domaines : les infrastructures, le logement et la performance énergétique, et l'accompagnement des territoires ruraux. La dévitalisation de certaines régions est une des causes fondamentales des déséquilibres importants de notre pays et de la perte de cohésion sociale". Et de rappeler certains secteurs clés sur lesquels la Caisse sera amenée à intervenir, à savoir le numérique, la recherche, l'innovation, les défis écologiques, ou encore la dépendance.

Il compte par ailleurs donner davantage de visibilité à la CDC au niveau européen et s'inspirer de ce qui se fait aussi à l'international.
L'épargne sera également au centre de son action : "La protection des épargnants doit être au c?ur de la mission de la CDC, et ne doit pas être une variable d'ajustement des différentes politiques menées", a-t-il ajouté.

Un capitaine qui ne descendrait pas dans les soutes ?

Pour couper court à tout conflit d'intérêt potentiel et à tout soupçon d'entorse à la déontologie, Jean-Pierre Jouyet a même été jusqu'à annoncer qu'il ne siègerait pas dans les conseils d'administration de sociétés cotées dans lesquelles la CDC dispose de participations.
"Pour éviter tout soupçon, être au-dessus de toute critique en ce domaine, j'informe votre commission et la haute assemblée, que j'ai décidé de ne pas exercer de représentation dans des entreprises cotées dans lesquelles la CDC détient des participations, hormis au FSI [Fonds stratégique d'investissement, ndlr], ce qui est prévu par les statuts". Plusieurs questions lui seront posées par les membres de la commission des Finances à ce sujet pour qu'il précise ses intentions. Ainsi Philippe Dominati, membre de la Commission, le titillera sur ce sujet : "Vous dites renoncer aux responsabilités d'administrateur dans des sociétés : êtes-vous un capitaine qui se défend de descendre dans les soutes du navire ? Car vous n'exerceriez pas pleinement l'ensemble des responsabilités liées à vos fonctions..."
Ce à quoi Jean-Pierre Jouyet répondra : "On m'a fait savoir qu'il pouvait y avoir des risques d'incompatibilité avec des sociétés cotées et je ne peux pas faire courir le risque à l'institution d'être attaquée sur sa présence dans telle ou telle société cotée. Je le fais dans un souci de précaution, mais je compte bien m'investir et suivre les participations. La représentation sera faite par des membres de la CDC et par des directeurs. Je suivrai les participations en fonction des dates de traitement des décisions de l'AMF, qui durent trois ans. Je reprendrai ces représentations à partir du moment où le dossier sera traité par l'AMF. La représentation est une chose, l'implication et la surveillance en est une autre".

Tout sera mis sur la table

Concernant sa rémunération, il promet un effort de "modération salariale" et affirme qu'il percevra "une rémunération fixe égale à celle existante, à l'exclusion de toute part variable, de toute prime personnelle et de tout jeton de présence". Les différentes questions posées ont eu trait notamment à la gouvernance de la Caisse, à son rôle dans l'Europe, à la rationalisation de ses activités, au financement des collectivités locales ou encore au dispositif de Banque publique d'investissement.
Sur le sujet de la simplification des activités de la CDC, Jean-Pierre Jouyet a été très clair : "Oui je suis favorable à une architecture simplifiée du groupe. Il sera possible de faire une revue des activités stratégiques pour éviter une trop grande dispersion."
Et à la question de Jean Arthuis : "Pourrait-on imaginer un jour de rassembler les participations que détient l'Etat dans l'agence des participations de l'Etat (APE) avec celles de la CDC ?", il répond franchement : "Si nous nous lançons dans des exercices de rationalisation, il n'y aura pas de questions taboues. Mais à un moment, c'est aux pouvoirs publics aussi à dire comment ils voient la gestion des participations. Mon sentiment, c'est que s'il y a un grand exercice à lancer, tout doit être mis sur la table".

Un rite de passage

Concernant le projet de Banque publique d'investissement, Jean-Pierre Jouyet marche sur des ?ufs : "Je prends mes précautions. Une mission a été confiée à Bruno Parent sur ce sujet. Mon sentiment personnel est que nous devons aller vite, et que cet outil peut permettre de rationaliser différents mécanismes d'intervention publique comme Oseo, CDC Entreprises ou le FSI".
Enfin, une seule question a visé les sujets de contentieux comme le rachat de Quick par la CDC ou la fusion GDF-Suez, mais n'aura pas suscité l'émoi. Jean-Pierre Jouyet y a répondu de manière laconique : "C'est un Mr Kuhn, que je ne connais absolument pas, qui envoie des libelles à tout Paris et des lettres disant que j'aurais dû me saisir du dossier de rachat de Quick. Je n'étais pas à la CDC à cette époque. Je veux bien prendre tous les péchés déontologiques de la terre à mon compte, mais tout de même. Et sur GDF-Suez, je n'étais pas encore président de l'AMF".
Mais au final, après 1h30 d'audition, l'exercice aura davantage relevé du rite de passage ou de l'enquête de probité, que de l'interrogatoire musclé.
 

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Commentaire 1
à écrit le 11/07/2012 à 13:35
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Il est incroyable que les règles d'incompatibilités fixées pour l'AMF ne soient pas respectées par son président. Avec l'accord du parlement !! Quel pays !!

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