Le capital-risque à Mitt Romney : « Nous n'avons pas les mêmes valeurs »

Le lobby du capital-risque américain refuse d'être assimilé au candidat républicain à la présidentielle américaine, co-fondateur du fonds de LBO Bain Capital.
Mitt Romney, candidat républicain à la présidentielle américaine, a co-fondé le fonds de LBO Bain Capital, en 1984. Copyright Reuters

Pour la National Venture Capital Association (NVCA), on ne mélange pas les serviettes et les torchons. Le lobby du capital-risque américain ne supporte plus que la presse et les politiques parlent de Mitt Romney comme de l'un des co-fondateurs de « la société de capital-risque Bain Capital. » Car l'image de financier « vautour » véhiculée par les adversaires de Romney depuis le début de la campagne présidentielle rejaillit ainsi sur le capital-risque. Or, du « venture capital », Bain n'en fait pas. Ou, plus exactement, n'en fait plus.

Co-créé par Mitt Romney en 1984, Bain Capital a investi, à ses tout débuts, dans de très jeunes sociétés, comme le fabricant de fournitures de bureau Staples ou le spécialiste des équipements sportifs Sports Authority. Mais Bain s'est rapidement fait une spécialité des LBO (Leverage Buy Out), ces rachats d'entreprises matures basés sur l'effet de levier de l'endettement, et souvent synonymes, aux Etats-Unis bien plus qu'en Europe, de plans de licenciements, en vue de maximiser le retour sur investissement. Aujourd'hui, Bain Capital Ventures, la division de capital-risque de Bain, gère 2 milliards de dollars d'actifs seulement, contre 65 milliards pour Bain Capital dans son ensemble.

Un quart des LBO se sont soldés par une mise en faillite

Bien que le « venture » ne pèse aujourd'hui plus grand-chose dans l'activité de Bain, Mitt Romney se plaît à entretenir la confusion. L'objectif : redorer l'image de Gordon Gekko - du nom de l'investisseur peu scrupuleux joué par Michael Douglas dans « Wall Street » - que ses rivaux, à commencer par Barack Obama, donnent de lui. Romney répète ainsi à l'envi que les investissements de Bain dans Staples et Sports Authority ont permis la création de près de 100.000 emplois. Sauf qu'il s'agit de 100.000 emplois à la date d'aujourd'hui, alors que Bain est sorti depuis belle lurette du capital de ces deux sociétés.

Surtout, Mitt Romney est beaucoup moins disert sur le métier principal de Bain, les LBO. Or, sur 77 investissements réalisés sous son règne chez Bain, de 1984 à 1999, près d'un quart (22%) se sont soldés avant la huitième année par une demande de mise sous protection de la loi sur les faillites, ou de cessation d'activité pure et simple, selon un document financier élaboré par la Deutsche Bank pour Bain, et que le Wall Street Journal s'est procuré.

L'enjeu de la fiscalité du « carried interest »

Pas question, donc, pour le capital-risque américain, d'être assimilé à Romney et à l'industrie du LBO. Si la NVCA tient autant à ce distinguo, c'est notamment par crainte que les parlementaires américains ne mettent dans le même sac le « venture capital » et les spécialistes du LBO, lorsqu'ils voteront la loi sur le changement de régime fiscal du « carried interest », cette rémunération perçue par les gérants de fonds sur les plus-values réalisées lors des cessions de participations.

Ces gains sont actuellement taxés à hauteur de 15% seulement mais cette niche fiscale fait débat, dans le contexte de réduction des dépenses publiques aux Etats-Unis. Afin de s'attirer les bonnes grâces des parlementaires, le capital-risque américain entend plus que jamais soigner son image de financeur de sociétés innovantes, d'accoucheur de « success stories » comme Facebook ou Google, de créateur d'emplois, à mille lieues de celle des fonds de LBO.

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