Une Caisse d'Epargne sommée de changer ses pratiques managériales

Par Mathias Thépot  |   |  568  mots
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Le Tribunal de Grande Instance de Lyon vient d'interdire à la Caisse d'Épargne Rhône Alpes Sud l'organisation du travail qu'elle a adoptée il y a presque 5 ans, fondée sur la mise en concurrence permanente de ses agences. Ce, suite aux accusations du syndicat Sud BPCE. La Caisse a fait appel.

Une défaite au goût amer pour la Caisse d'Epargne Rhône Alpes Sud (CERA). Le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Lyon lui interdit dans un jugement rendu ce mardi, de mettre en place une organisation du travail fondée sur la mise en concurrence permanente de ses agences et donc de ses salariés. Une organisation qui se nomme "benchmark". C'est le syndicat Sud BPCE qui avait saisi la justice en mars 2011, dénonçant la "terreur" que fait régner le "benchmark". La CERA a fait appel de la décision du TGI, qui ne sera donc, selon la banque, pas appliquée immédiatement.
Fin 2007, la CERA, alors dirigée par Olivier Klein, promu depuis au comité de direction du groupe bancaire BPCE (Banque Populaire - Caisse d'Epargne), avait installé ce système de gestion des performances des salariés, consistant en une évaluation journalière des agences entre elles.

Mise en concurrence des agences

Dans son jugement envoyé à la presse par Sud BPCE, le TGI indique que "chaque agence voit ses performances analysées au regard des performances des autres agences". Elles sont donc mises en concurrence.  "Au delà et au sein de chaque agence, la performance de chacun des salariés est regardée par rapport à la performance des autres salariés", estime le TGI. "Le seul objectif" est donc "de faire mieux que les autres", ajoute-t-il. Et "si un salarié de l'agence a des résultats médiocres ou inférieurs à ceux des collègues, il va directement impacter la part variable (des salaires ndlr) de l'ensemble de ses collègues", ce qui implique "des conséquences sur les relations sociales au sein de l'entreprise".
Le TGI de Lyon a donc jugé que "l'organisation collective du travail basée sur le benchmark compromet gravement la santé des salariés de la CERA et contrevient" à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur. Cette obligation implique qu'il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Une décision claire

Satisfait, le délégué syndical de Sud BPCE Patrick Saurin a vanté la clarté de la décision du TGI de Lyon, « un élément essentiel » à son sens. "Les patrons ont pris un sérieux coup de bambou", ajoute celui qui souhaite que la décision du TGI "fasse jurisprudence dans toutes les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires qui pratiquent de façon plus ou moins ouverte le benchmark".
"Ce jugement concerne uniquement la CERA, cette décision n'est donc en aucun cas applicable à d'autres Caisses", indique un porte parole de la CERA. Il juge la décision du TGI "injuste et disproportionnée", arguant notamment que la CERA n'avait "jamais fait face à des problèmes liés à des situations graves (comme un suicide, ndlr)".
La CERA dit également "s'appuyer sur un « plan qualité santé » mis en place en 2010 et qui vise à détecter la gestion du stress dans l'entreprise". Ce dernier aurait d'ailleurs permis "la diminution du taux de visites médicales et d'absentéisme" au sein de la Caisse. 
Le CERA a en outre bon espoir de retourner la situation en appel puisque "le 17 octobre 2011", elle faisait face à une requête similaire du CHSCT "qui estimait que le Benchmark était facteur de risque grave". La CERA indique qu'elle avait alors "eu gain de cause".