Le retour du projet de maison commune de l'assurance ?

Nicolas Moreau Pdg d'Axa France appelle de ses voeux la création d'une représentation unique de l'assurance regroupant tous les acteurs de la profession des mutuelles aux assureurs traditionnels en passant par les bancassureurs.
Nicolas Moreau, Président-directeur général d'Axa France

Le projet de réforme de la Fédération française des sociétés d'assurance pourrait-il aboutir à la création d'une vraie maison commune de l'assurance ? Les déclarations de Nicolas Moreau, Pdg d'Axa France, invitent en tout cas à s'interroger.

"Je regrette la dispersion des représentants de la famille assurance (Assureurs traditionnels, Mutuelles, bancassureurs, etc.). Alors que nos intérêts convergent : défense et valorisation de la profession et de nos métiers, éparpiller nos forces nous affaiblit. Dans un moment où nos repères sont bousculés, nous devons unir les forces pour la croissance et l'emploi.", indique-t-il dans une interview sur le blog d'Eric Lemaire, directeur de la communication et  de la resposnabilité d'entreprise d'Axa France.

Toute la question est de savoir si l'union des forces qu'il appelle de ses voeux vise à réunir l'ensemble des familles de l'assurance ou fait plus modestement référence à la réforme interne de la FFSA.

La grande fusion des familles au sein d'une même organisation semble un projet très (trop) ambitieux et peu réaliste à court terme. Il a fallu déjà plus de dix ans pour qu'une association commune naisse entre les assureurs traditionnels de la FFSA et les assureurs mutualistes du Gema après une tentative avortée en 1995. Denis Kessler, président de la FFSA à l'époque avait beau dire : "C'est un fait que la gestion d'une société anonyme n'est aujourd'hui guère différente de celle d'une mutuelle. Nos débats gaulois à l'échelle de l'Europe, ça n'intéresse personne. Il nous faut donc dépasser nos clivages anciens et stériles". Mais les mutualistes se sont révélés difficile à convaincre alors que le Gema avait précisément été créé en 1964 pour lutter contre l'hégémonie des assureurs traditionnels. 

Une Association française de l'assurance existe depuis 2007

Certes depuis juillet 2007, il existe une Association française de l'assurance, l'AFA, sorte de superstructure qui réunit les deux fédérations FFSA (fédération française des sociétés d'assurance) et GEMA (groupement des entreprises mutualistes qui rassemblent les mutuelles comme la Macif, la Maif, etc).
L'idée était bien "d'assurer une meilleure représentativité du secteur de l'assurance" et de "mener à bien des travaux sur des problématiques professionnelles majeures". L'AFA a ainsi publié un recueil des engagements déontologiques des assureurs membres de la FFSA et du Gema en juillet 2012. Elle avait aussi publié une charte du développement durable en 2009 et des indicateurs du développement durable en 2010. Parmi les réalisations communes il y a aussi la mise en commun des statistiques de la profession.

Ni les institutions de prévoyance, ni les mutuelles santé ne sont à l'AFA

Toutefois ni la fédération des institutions de prévoyance, ni les fédérations des mutuelles santé n'ont rejoint l'AFA. Le CTIP (centre technique des institutions de prévoyance) qui réunit les institutions de prévoyance de groupes paritaires - tels que Malakoff Médéric, Humanis, AG2R la Mondiale, Pro BTP par exemple - est resté autonome.

De même, la FNMF, la Fédération nationale de la mutualité française qui regroupe les plus grandes mutuelles santé ou encore la FNIM et l'ADPM, deux fédérations de petites mutuelles santé, ne font pas partie de l'AFA. Et même les mutualistes entre eux ont du mal à se rapprocher. Tout juste existe-t-il un groupe de travail "informel" entre la FNMF et le Gema, la famille des mutualistes de l'assurance dommages.

Il est donc clair que l'AFA ne représente pas toutes les familles de l'assurance. De plus, si l'AFA s'est exprimée deux fois au nom de la profession en octobre 2008 au moment de l'éclatement de la crise financière, aucune prise de position publique ne semble avoir émanée de l'AFA depuis quatre ans.

La réforme interne de la FFSA toujours en cours

Alors, faut-il comprendre l'appel à l'union de Nicolas Moreau comme s'appliquant  uniquement à la FFSA elle même ?   Annoncée depuis des mois, la refonte des statuts semble avoir pris du retard. Elle devait pourtant aboutir fin 2012 mais des sujets plus urgents (crise de la dette, réforme de la fiscalité notamment) ont freiné les travaux. La  FFSA est en effet elle même divisée. Elle comprend d'un côté  la FFSAA comptant 152 sociétés anonymes avec un sous ensemble de bancassureurs (les sociétés d'assurance filiales de banques) baptisé le G11 et de l'autre coté, la FFSAM avec 50 sociétés mutuelles.

Cette composante mutualiste est elle même multiforme. Elle comprend d'une part des acteurs comme Groupama mais aussi Axa. Cette société du Cac 40 n'a pas reniée, au contraire, ses désormais lointaines origines mutualistes puisque le groupe est issu de l'Ancienne Mutuelle rebaptisée plus tard les Mutuelles Unies. Mais peut-être est-il temps qu'elle change de camp ?

Et aux cotés de ces deux acteurs coexiste une fédération, la ROAM (réunion des organismes d'assurance mutuelles) qui réunit 47 mutuelles, certaines professionnelles comme la MACSF (santé), la SMABTP (bâtiment), d'autres généralistes comme la Mutuelle de Poitiers ou spécialisées comme Le Conservateur (assurance vie).

Une organisation complexe mais qui a des justifications historiques et culturelles

La structure globale de la profession en France se révèle très complexe et déroute les observateurs comme les hommes politiques français et européens, même si elle a des justifications historiques (la Roam est par exemple née en 1855). Et s'il est vrai qu'une unification permettrait une meilleur visibilité du secteur, il n'est pas sûr que les intérêts de toutes les entités convergent  comme l'affirme Nicolas Moreau. Concilier les préoccupations de grands groupes internationaux cotés en Bourse comme Axa et ceux de petites mutuelles spécialisées n'est pas simple. Comme l'ont montré d'ailleurs les prises de positions sur Solvabilité 2. Sur un sujet aussi structurant pour le secteur que les normes de solvabilité, les mutualistes sont entrés en opposition dès le départ avant d'être rejoint récemment par les assureurs traditionnels de grande taille qui y étaient initialement très favorables.

Contrairement au secteur bancaire, qui a pu surmonter le clivage entre mutualistes (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, BPCE) et sociétés cotées (Société générale, BNP Paribas) grâce à la très forte concentration des acteurs, le secteur de l'assurance doit encore assumer sa diversité.

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