Société Générale est-elle vraiment à l'abri d'une affaire Kerviel bis ?

Depuis le déclenchement de l'affaire Kerviel, la banque a considérablement renforcé ses dispositifs de contrôle interne. Est-ce pour autant l'assurance que cela ne se reproduise plus ?
Le siège de Société Générale à la Défense, Copyright Reuters

"Fighting back". C'est le nom du programme mis en place depuis l'affaire Kerviel par Société Générale pour renforcer ses mesures de contrôle interne.
En juillet 2008, la Commission bancaire lui avait infligé un blâme et une amende de 4 millions d'euros considérant que son système de contrôle interne présentait des défaillances.
Depuis, la banque a mis en place de nombreuses mesures pour y remédier et faire en sorte qu'une telle affaire ne reproduise plus. Juste après la découverte des positions prises par Jérôme Kerviel, et avec l'aide du cabinet PricewaterhouseCoopers, elle dresse un état des lieux et pose les bases d'un dispositif renforcé de contrôle interne.
Ainsi, de 2008 à 2011, la banque a mobilisé 180 millions d'euros pour renforcer ses actions de contrôle, dont 74 millions d'euros pour améliorer la sécurité informatique. Et Société Générale a notamment créé en novembre 2008 un département dédié à la sécurité des opérations et à la prévention de la fraude (SAFE). 8200 collaborateurs ont également été formés au risque de fraude.

Une tour de contrôle

Les principales mesures visent à mettre en place un processus formalisé pour pouvoir expliquer le résultat quotidien des activités de marché, réduire les écritures manuelles dans le traitement des opérations, et faire en sorte que les fonctions supports travaillent de manière plus indépendante du front office.
De plus, deux dispositifs découlent directement des leçons tirées de l'affaire Kerviel, à savoir : "la remontée d'alertes dès lors qu'un certain nombre de contrôles sensibles mettent en évidence des situations atypiques qui ne sont pas immédiatement justifiées". Mais aussi "la centralisation en un point unique chez SAFE ("tour de contrôle") de l'ensemble des alertes et anomalies relevées dans le cadre des contrôles quotidiens", explique la banque dans son plan d'action. C'est en effet la décentralisation des alertes qui avait posé problème à la banque pour détecter l'ampleur des prises de position de Jérôme Kerviel.

Lors du troisième jour d'audience le 7 juin, Claire Dumas, représentante de la banque expliquera ainsi que : "Jérôme Kerviel allumait des indicateurs, sur les congés, sur les écarts de stocks, sur les animations d'opérations. Pris ensemble, ils auraient permis d'identifier un problème. Mais à l'époque, seul l'assistant trader pouvait consolider tous ces éléments. Aujourd'hui, de nouvelles techniques permettent de consolider toutes ces données dans le système".
Enfin, le programme COSI, (pour Convergence, Sécurisation et Industrialisation), permet à la banque d'adapter ses dispositifs de contrôle en fonction de ses évolutions.

Réductions d'effectifs

Mais quid de l'effet des suppressions de postes opérées cette année dans la banque de financement et d'investissement sur la qualité des dispositifs de contrôle ?
Certes les métiers directement liés à la prévention de la fraude et à la sécurité de l'information au sein du département SAFE ont été très peu touchés par le plan de départs. En janvier dernier, il était prévu de supprimer 4 postes sur 49 dans le service spécialisé dans les scénarii de fraudes auxquelles Société Générale peut être exposée, dans les risques de fraudes liés à des opérations non autorisées, ou encore dans le suivi des habilitations.
Mais les services piliers du rapport "Fighting back" ont néanmoins été écornés : la Direction financière et comptable devait supprimer 153 postes sur 774, la direction des opérations 175 sur 1543, et la direction SAFE 24 sur 150.
Objectif : rationaliser les coûts et trouver des synergies dans les métiers pour gagner en efficacité, réduire la lourdeur d'un certain nombre de processus, et réorganiser les métiers en fonction du redéploiement des activités de la banque de financement et d'investissement.

Automatisation des processus

Cependant, selon Michel Marchet, délégué central de la CGT Société Générale, "l'amélioration du contrôle par l'automatisation des processus ne remplace pas les contrôles humains. De ce point de vue, le plan social a un effet négatif sur la fiabilité des contrôles".
L'affaire Kerviel elle-même a démontré qu'aucun système, aussi sophistiqué soit-il, n'est à l'abri d'une faille humaine. C'est d'ailleurs une des antiennes de l'ouvrage Kerviel, enquête sur un séisme financier, d'Olivia Dufour, dont le sous-titre, un brin anxiogène, en dit long : "Une catastrophe qui peut se reproduire n'importe où, n'importe quand...".
L'auteur revient sur le fait que Jérôme Kerviel a déclenché 74 alertes entre juin 2006 et janvier 2008 sans qu'elles ne soient suivies d'effet. Pourquoi ? Parce qu'il a fourni à chaque fois une explication. "On interroge le trader et l'on enregistre sa réponse, même quand on ne la comprend pas. Eh oui, cela s'appelle respecter les procédures internes, or celles-ci exigent une réponse, pas une réponse compréhensible", écrit Olivia Dufour.

"Une dangereuse illusion de sécurité"

Ca, c'était donc en 2008. Qu'en est-il aujourd'hui ? La banque estime sur son site que "Plus de quatre ans et demi après les faits, Société Générale a tiré toutes les leçons de cette affaire et poursuit avec détermination sa stratégie".
L'auteur, elle, considère que la mise en place de dispositifs de contrôle renforcés ne peut suppléer les failles humaines et ne prend pas suffisamment en compte la réalité du métier et de la psychologie des traders. "On peut bien mettre en place les systèmes les plus perfectionnés, responsabiliser les acteurs, et même décider d'augmenter les moyens pour éviter la surdose de travail, le stress et les dysfonctionnements qui vont avec, si l'on ne résout pas le problème du contrôleur résigné à se faire traiter comme un chien par celui qui le contrôle, le problème reste entier. Et l'on n'aboutit qu'à une dangereuse illusion de sécurité, préparant une catastrophe plus grande encore". Une constatation qui n'est pas seulement valable pour la Société Générale, mais bien pour tous les établissements financiers.

Ni le premier, ni le dernier

Hugues Le Bret, directeur de la communication de Société Générale à l'époque des faits, conclut lui aussi son ouvrage (La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial) sur l'impossibilité d'éviter les défaillances humaines : "On aura beau raisonner avec des milliers d'indicateurs, réformer les agences de notation, taxer les banques, limiter la spéculation, renforcer leurs exigences en capital, stresser les tests, la vie sera toujours faite de milliards d'émotions. Il faut sûrement penser à un monde différent, plus juste, à une autre organisation de la finance. C'est même vital. Mais une chose est sûre : les cygnes noirs n'ont pas fini de nous surprendre".
Jérôme Kerviel n'a pas été le premier rogue trader. Il ne sera sans doute pas le dernier non plus. Mais peut-être le montant des dommages et intérêts qu'il doit payer à la banque, à savoir 4.915.610.154 euros, pourra-t-il au moins dissuader quelques-uns des apprentis rogue traders qui s'apprêteraient à sévir... Il n'y aurait alors pas meilleur dispositif de contrôle interne que celui de faire planer au-dessus des salles de marché l'assurance d'une punition exemplaire en cas d'écart de conduite.
 

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Commentaires 29
à écrit le 26/10/2012 à 22:53
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L'affaire kerviel a donné lieu à un tas de conclusions mais au final quasiment personne n'a mis en cause la politique RH de mobilité des banques . Je trouve quand même étonnant qu'on ne se pose pas la question de pourquoi un X ENSAE n'ait pas été ca...

le 06/11/2012 à 16:30
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D'accord avec toi, mais ton analyse reste un peu naive. Il suffit d'ouvrir Eliot, faire une recharche par UT / non de trader et tu vois tous les deals qu'il a traité. Ensuite, tu appuies sur le bouton extraire, tu fais une somme sur les nominaux et ...

le 07/11/2012 à 13:42
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Le probleme n'est pas qu'on pouvait le faire (quoique pas aussi simplement que tu le décris, car les opérations fictives permettaient de netter les encours), mais que personne ne l'ai fait, n'ai regarder et ne se soit pencher sur les chiffres; Mais r...

le 14/09/2013 à 11:41
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@Lapinou : votre analyse n'est pas entierement fausse, mais elle n'est pas complete, ce qui vous fait rater le point majeur : non seulement les derapages n'etaient pas isoles. mais surtout on ne peut accepter qu'une banque mette, par laxisme au mieux...

à écrit le 26/10/2012 à 15:16
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L'histoire est très facile à analyser. Comment les supérieurs de Kérviel disent ne pas être au courant de ce qu'il faisait, alors que l'année précédente il avait fait gagné plus d'un milliard d'euro à la Société Générale. Généralement un Pdg qui se r...

à écrit le 26/10/2012 à 12:02
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Je confirme le dire de X96 : un cabinet de conseil m'avait confirmé début des années 2000 que la SG ne voulait pas mettre en place ce type de contrôle. Alors que depuis des années, il y a des outils capables d'analyser exhaustivement les transactio...

le 26/10/2012 à 14:28
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"les outils capables de detecter les fraudes" . C'est merveilleux, ça, ça marche comment ? Parce qu'un gars qui accés aux outils de controle et connait leur algorithmes (cas ce Kerviel) peut aisemment les contourner. C'est comme les antivirus qui ne ...

le 27/10/2012 à 12:36
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@Lapinou : pour le comment, il suffit de chercher un peu sur le Net. Mais connaître le détail des algorithmes, cela vous sera très difficile. Si JK a pu contourner les contrôles en place, c'est bien parcequ'ils étaient très très faibles ; c'est l...

le 30/10/2012 à 22:47
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"chercher un peu sur le net" . Ben voyons. c'est vrai, tout est sur le net. Tapons donc "recherche automatisée topologique de fraude financière" et nous verrons... rien. Je ne suis ni naif, ni encore moins ignorant. Les controles étaient faibles, bie...

le 31/10/2012 à 11:38
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Vous êtes donc ignorant. L'informatique a déjà remplacé en grande partie les traders depuis environ 10 ans. Cette information est à la portée de tous sur le Net ; je vous recommande l'article de Wikipedia sur le High-frequency trading ; voyez la ...

le 05/11/2012 à 15:29
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On parle là d'informatisation du trading, et évidemment le HFT genère les plus gros VOLUMES car il s'agit de faire des milliers de transactions hyper rapides pour gagner trés peu à chacune de ces transactions. Le sujet de la discussion étant -pour mé...

le 17/11/2012 à 11:49
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En fait, vous défendez l'image de votre métier. Vous n'êtes pas si "lapinou" que cela. L'exemple du HFT n'était que pour faire prendre conscience des capacités des systèmes d'information. Et puisque vous travaillez dans la banque, vous devriez au ...

à écrit le 26/10/2012 à 11:50
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Est-il souhaitable qu'un employé du back office devienne trader? NON C est l'inverse qui serait utile. Seulement voilà dans ce sens la mutation est une sanction ! Responsable d'un back office à la retraite,, je soupire à la lecture de tout ce que je...

à écrit le 26/10/2012 à 11:23
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Tout ceci n'est que pur effet d'annonce et représentation théâtrale. Travaillant au moment de l'affaire Kerviel chez un éditeur de logiciels qui proposait une approche réellement innovante à la prévention de ce genre de fraudes, et pour un coût infér...

le 26/10/2012 à 14:41
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D'accord sur une partie de l'analyse : le controle coute cher, et certaines activités ne deviendraient plus rentables si trop de controles étaient mis en place. En revanche, le fait de s'y retrouver "largement" avec Kerviel me laisse perplexe : Perte...

le 14/09/2013 à 11:15
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Si une entreprise malhonnete (au sens moral car ce serait certainement legal) et intelligente recevait un tel remboursement, elle n'hesiterait pas a recycler aupres de ses partenaires des profits taxables peut-etre contre un remboursement lui certain...

à écrit le 26/10/2012 à 10:49
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Mauvaise question, la bonne question est la BNP est elle a l abri d une perte opérationnelle de cette ampleur ....

à écrit le 26/10/2012 à 10:14
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La Société Générale est une banque à très hauts risques, la Société Générale est une banque très très dangereuse pour ses clients, la Société Générale est une banque extrêmement risquée pour ses actionnaires, les cadres inconséquents incompétents les...

le 26/10/2012 à 22:41
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Tu serais pas de la BNP toi par hasard ????

le 27/10/2012 à 10:51
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Il doit confondre avec le CL ;)

à écrit le 26/10/2012 à 10:00
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Quels sont les critères de recrutement de la SG? Est-il souhaitable qu'un employé du back office devienne trader? Quelle formation technique les traders reçoivent-ils? Trouvez-vous cela normal qu'un trader ne connaisse pas les stops de protection et ...

le 26/10/2012 à 14:30
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Trader = souvent centrale, polytechnique + formation spécialisée (type El Karaoui). Le trader connait ses limites (au sens, celles qu'on lui impose) et DOIT les suivre et s'y plier. On parler d'un cas de contournement volontaire de ces limites, pas d...

à écrit le 26/10/2012 à 9:54
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La S.G. qui aurait mobilisé 180 millions d euros pour renforcer ses actions de contrôle, plaide donc coupable. En conséquence les décideurs, exécutants et contrôleurs de l?époque seront certainement condamnés à une privation de cafétéria pendant un ...

le 26/10/2012 à 14:31
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C'est aussi stupide de dire que les gendarmes doivent être punis car ils reconnaissent ne pas avoir assez de radars, et que donc les exces et les accidents se produisent. Bravo le niveau

à écrit le 26/10/2012 à 9:50
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Pas d'article sur la mise en accusation de la Sogé dans la affaire du Libor? (Allez ça vient de tomber chez vos confreres). Et après cette banque veut se faire passer pour une victime des marchés... on nous prend vraiment pour des demeurés...

à écrit le 26/10/2012 à 9:41
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La SG connaissait tout, c'était les donneurs d'ordres, on rigole de cette mascarade, en Islande c'est pas les traders qui vont en prison c'est les banquiers. Finit la démocratie en France, la dictature financière est en marche et son lot de corruptio...

le 26/10/2012 à 19:04
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Le monsieur nobody qui serait en fait l'arme secrete d'une banque de 150 000 personnes pour gagner de l'argent, sa poule aux oeufs d'or, c'est suppose etre credible comme histoire ?

à écrit le 26/10/2012 à 9:08
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Donc si les systèmes étaient défaillants Kerviel n'est pas le seul responsable. Ses chefs le sont aussi. cqfd

le 26/10/2012 à 14:25
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C'est toujours halluciant de lire ce genre de "truc". Les systèmes étaient défaillants, oui. Ils ont été contournés par Kerviel. Il est donc responsable d'avoir grugé le système. Arrétons de confondre "je n'ai pas mis de code à ma porte" et "J'ai fra...

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