Les assureurs explorent de nouvelles voies pour investir dans les entreprises

A l'occasion de la conférence sur Solvabilité 2 organisée à Paris vendredi 7 décembre par la Fédération française des sociétés d'assurance, les assureurs ont expliqué pourquoi et comment ils diversifient leur portefeuille d'actifs.
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La réglementation Solvabilité 2 a conduit les assureurs français à innover en matière d'investissement. "Solvabilité 2 dans sa version actuelle empêche les compagnies d'investir dans les actifs à risques", à commencer par les actions, a expliqué Gérald Harlin, directeur financier du groupe Axa et par ailleurs président du CFO Forum, association de lobbying qui réunit les directeurs financiers des plus grands assureurs en Europe. Il s'exprimait à l'occasion de la conférence internationale sur Solvabilité 2 organisée pour la quatrième fois à Paris par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).

Le "choc réglementaire"

Les placements en actions nécessitent une telle immobilisation de fonds propres selon la nouvelle réglementation que les compagnies d'assurance ont commencé à se désengager de ces titres et vont accentuer ce mouvement, à mesure que la date d'entrée en vigueur de Solvabilité va approcher. Un phénomène qui touchera la France mais aussi toute la zone euro. "Si le recul de la part des actions dans leurs investissements s'élevait à 5 points pour le secteur de l'assurance, cela impliquerait le déplacement d'une masse de 300 milliards d'euros", a estimé Michel Didier, président de l'institut Coe-rexecode. Il n'a pas hésité à évoquer un "choc réglementaire" si cet énorme volume d'argent se retirait  des fonds propres des entreprises cotées, ce qui entraînerait selon lui une perte de produit intérieur brut important. Mais "l'impact dépendra des actifs de subsitution", a-t-il relativisé.

Les obligations à l'honneur

Parmi les actifs de substitution, il y a les obligations souveraines. Les compagnies d'assurance sont cependant confrontées au choix cornélien d'investir dans des obligations d'Etat risquées mais bien rémunérées, ou sans risques mais à très faible rendement comme celles de la France ou de l'Allemagne. Les obligations souveraines représentent déjà plus de 70% des actifs des assureurs en France.

Autre possibilité, les obligations d'entreprises cotées qui connaissent un véritable engouement surtout pour les titres les mieux notés sur lesquels la concurrence est forte. "Comme tout le monde veut des corporate bonds, ce type d'actifs est devenu très cher", a remarqué Nicolas Moreau, Pdg d'Axa France, lors d'une table ronde.

Si bien que pour diversifier leurs placements et trouver de nouveau gisement de rendement, les assureurs se sont tournés vers d'autres catégories d'actifs : les obligations d'entreprise de taille intermédiaire en placement privé et les crédits de gré à gré aux PME. 

Les assureurs français se lancent dans les prêts aux entreprises

"Le crédit aux entreprises est un moyen de diversifier nos investissements", a reconnu Nicolas Moreau. Dès le mois de mai dernier, il annonçait son intention de consacrer 500 millions d'euros à cette activité, lancée en partenariat avec des banques qui accordent le crédit initial avant de céder une part majoritaire à l'assureur. "Il est important que la banque garde une partie du crédit", a-t-il souligné. "On ne se substitue pas aux banques mais on vient compléter le financement", a-t-il insisté. La compagnie a déjà réalisé deux opérations d'une centaine de millions en France et envisage de nouer des partenariats avec d'autres banques en Europe.

Et achètent des obligations d'entreprises de taille intermédiaire en placement privé

De son côté, la branche assurance du groupe Crédit Agricole, a plutôt opté pour l'achat d'obligations d'entreprises intermédiaires en placement privé. "Le marché existe depuis longtemps aux Etats-Unis ou en Allemagne, nous avons participé à la première opération obligataire en placement privé en France, celle de Bonduelle", a raconté Jérôme Grivet, directeur général de Crédit Agricole assurances et de Predica. Depuis lors, "une trentaine d'opérations se ont déroulées et nous avons participé à 7 ou 8 d'entre elles", a-t-il précisé avant d'ajouter "nous sommes dans une phase d'apprentissage progressif ". Une nouvelle classe d'actifs est en train de se créer en France, selon lui, mais les banques  y joueront toujours un rôle dans l'origination et la structuration des opérations. 

Racheter des infrastructures "brownfield"

De même, l'investissement dans les infrastructures est une alternative attractive pour les assureurs, mais pas à n'importe quelle condition. Là encore, "nous ne nous substituons pas aux banques", a insisté Jérôme Grivet précisant que les assureurs pouvaient "apporter des placements longs sur des infrastructures déjà existantes". En clair, les assureurs ne veulent pas investir dès l'origine dans des projets d'infrastructures "greenfield" (construction d'une centrale électrique, d'un aéroport, d'une autoroute, d'un hôpital, etc) compte tenu des risques élevés d'exécution. Mais ils visent les infrastructures "brownfield" c'est-à-dire déjà existantes et en cours d'exploitation, qu'ils rachètent aux fonds qui les ont initialement financées, permettant à ces derniers de dégager de nouvelles capacités d'investissement.  

Mettre en communs ses actions pour en faire des investissements stratégiques

Pour éviter d'être contraints de délaisser l'investissement en actions, quatre assureurs, filiales de banques, ont pris une initiative innovante : mettre en commun leurs actions cotées au sein d'un fonds stratégique de participations. L'exigence de fonds propres est en effet moindre, dans le cadre de la réglementation Solvabilité 2, lorsque les participations en actions sont jugées "stratégiques" en raison de leur taille notamment. A eux quatre, CNP Assurances, Prédica (groupe Crédit Agricole) BNP Paribas Cardif et Sogecap (groupe Société Générale) représentent 40 milliards d'euros d'investissements en actions. Il y a cepndant encore du travail à faire pour rendre ce fonds, qui est une première en France, pleinement opérationnel selon Antoine Lissowski, directeur général adjoint et financier de CNP. Il n'en reste pas mons qu'il correspond bien à la volonté des assureurs de "continuer à être des financeurs de long terme", a-t-il conclu.

 

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Commentaires 7
à écrit le 10/12/2012 à 13:28
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Ses nouvelles règles "prudentielles" risque de faire autant de dégâts que les dérives financières qu'elles sont sensées corriger. En asphyxiant l'économie, le financement de sociétés, et en dirigeant fictivement les flux financiers vers les emprunts ...

le 13/10/2014 à 18:52
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excellent article, très intéressant

à écrit le 10/12/2012 à 9:44
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"innover en matière d'investissement" : tout cela est ridicule. Solva II est construit sur une base fausse : le risque d'une action, c'est sa volatilité. Qui est juste un postulat posé pour construire la théorie du portefeuille, qui n'est qu'une théo...

le 10/12/2012 à 10:13
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C'est vous qui faites dans la théorie.. Les assureurs ne veulent pas investir uniquement dans les actions mais diversifier leurs actifs propres. Votre théorie que la bourse s'est cassé la g.... À cause des assureurs est tout simplement stupide. Garde...

le 10/12/2012 à 10:37
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Vous faites dans l'affirmation péremptoire parce que ma théorie vous dérange. Que ma théorie soit stupide ou pas, peu importe : elle sera toujours moins stupide que Solva 2. Ce que vous refusez de voir, ou parce que vous participez à Solva 2, ou parc...

le 10/12/2012 à 11:34
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Un plus aux phrases ridicules. Les assureurs perdent de l'argent dans tous les domaines: Ecologie:Nous ne savons ou ne voulons pas gérer nos INondations,non délocalisables!!! Medecine/Santé:Un trou de 20 milliards,car nous n'avons plus de cliniq...

le 10/12/2012 à 20:38
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Ben voyons alors là c'est le pompon comme explications.... Vous êtes trop fort pour moi mais en tous les cas j'ai bien rigolé en lisant vos commentaires.

à écrit le 10/12/2012 à 8:24
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On écrit "AXA" et pas "Axa" !!!

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