Le Brexit fait perdre des parts de marché à la City

Par Véronique Dupont (AFP)  |   |  748  mots
"Beaucoup moins d'emplois ont migré de la City à cause du Brexit qu'on ne l'attendait et nous restons très confiants sur les atouts fondamentaux de la City pour l'avenir", se veut confiante Catherine McGuinness, cheffe des politiques de la City of London. (Crédits : Reuters)
Si depuis le 1er janvier, date de la mise en place effective du Brexit, les activités financières de la City ont enregistré une baisse significative, les autorités restent confiantes sur le long terme.

La City et les puissants services financiers de Londres perdent des parts de marché en courtage de dérivés et d'actions face à la concurrence d'Amsterdam en Europe et des Etats-Unis, un peu plus d'un mois après l'entrée en vigueur du Brexit.

Le cabinet IHS Markit rappelait dans une étude jeudi que les services financiers ont vécu "un Brexit relativement dur" car ils n'ont pas été pris en compte dans l'accord commercial signé entre le Royaume-Uni et l'UE juste avant Noël.

A cela s'ajoute "l'absence d'équivalences entre les réglementations britannique et européenne", avec peu de perspectives d'un déblocage, alors que les marchés américains bénéficient de ces équivalences avec la réglementation européenne.

Un transfert vers Amsterdam et Paris

Cela a "pour effet de transférer une partie des anciens volumes sur les plateformes britanniques vers" des plateformes américaines et européennes, "principalement Amsterdam et dans une moindre mesure Paris", ajoute IHS Markit, même si ces données ne portent que sur janvier et devront être vérifiées dans le temps.

Mercredi, une étude du Financial Times constatait aussi qu'Amsterdam avait dépassé Londres en termes de courtage d'actions : en additionnant les volumes des plateformes CBOE, Turquoise et Euronext, Amsterdam a vu 9,2 milliards d'euros d'actions par jour échangées, un montant quadruplé depuis décembre. A l'inverse, les volumes à Londres ont "chuté fortement à 8,6 milliards d'euros, ce qui déloge le Royaume-Uni de sa position historique de premier marché financier européen", poursuit le FT.

Dès le premier jour de cotation en janvier, après l'entrée en vigueur effective du Brexit, quelque 6 milliards d'euros de transactions libellées en euros avaient été rapatriées sur les places européennes. "C'est symptomatique pour l'ère post-Brexit", commente sur Twitter  Anish Puaar, analyste chez Rosenblatt Securities, affirmant toutefois qu'au delà du symbole "l'impact est assez minimal".

Du moment que la liquidité demeure

D'après lui, les gestionnaires de fonds ne s'en préoccupent pas vraiment du moment que la liquidité des transactions demeure, et il s'inquiète presque davantage, si le Royaume-Uni parvient ultérieurement à rattraper les parts de marché perdues, d'une possible "fragmentation" des transactions qui pourrait entraîner une hausse du coût de courtage.

Les responsables de la City, qui pourrait se retrouver l'un des secteurs perdants du Brexit, tout comme le gouverneur de la Banque d'Angleterre Andrew Bailey, n'en finissent pas d'en appeler leur homologues européens de leur donner les précieux sésames qui ouvriraient aux opérateurs britanniques les portes du vaste marché de l'UE.

Mais leur refus de s'aligner sur les réglementations européennes - l'un des objectifs du Brexit - et les discours sur la nécessité d'alléger ou réformer les règles des marchés financiers pour attirer de nouveaux clients hors de l'UE ont incité les dirigeants et négociateurs européens à camper sur leurs positions. Seules deux équivalences ont été allouées par Bruxelles sur plusieurs dizaines de domaines financiers, notamment la compensation des dérivés.

5.000 à 7.000 emplois perdus

La cheffe des politiques de la City of London, Catherine McGuinness, a relativisé ces pertes de parts de marché, assurant que "nous avons toujours su que des activités dirigées vers l'UE quitteraient la City après le Brexit""Toutefois beaucoup moins d'emplois ont migré de la City à cause du Brexit qu'on ne l'attendait et nous restons très confiants sur les atouts fondamentaux de la City pour l'avenir", ajoute-t-elle dans une déclaration à l'AFP.

Jusqu'à 50.000 pertes d'emplois avaient été initialement craintes dans les services financiers britanniques au moment des débats sur le référendum du Brexit, mais, pour l'instant, la Banque d'Angleterre n'en voit que 5.000 à 7.000 maximum. Catherine McGuinness rappelle que Londres reste en position de force pour les fintech, les investissements dans la technologie en Europe et la finance "verte".

Elle invite toutefois à la collaboration européenne, particulièrement dans le contexte "post-pandémie de reprise mondiale et pour éviter de voir l'UE et le Royaume-Uni ériger des barrières transfontalières inutiles qui entraveraient les services financiers". Le mois dernier Catherine McGuinness avait expliqué à l'AFP qu'à trop concurrencer Londres les places de l'UE comme Amsterdam ou Paris risquaient une atomisation des transactions qui au final bénéficierait à New York, Hong Kong ou Singapour. Mais, parallèlement, Andrew Bailey agite la promesse d'un "futur radieux" hors de l'Union européenne pour les services financiers britanniques.