Les fonds d’investissement grignotent à leur tour le monopole bancaire

Un amendement adopté par les députés en décembre dernier autorise les fonds professionnels français labellisés « ELTIF » à prêter aux entreprises.
Christine Lejoux
Les PME européennes auront besoin de 2.700 milliards à 3.100 milliards d’euros, d’ici à la fin 2020, pour financer leur croissance et rembourser leurs emprunts, d’après une étude publiée le 12 octobre par l’agence d’évaluation financière Standard & Poor’s.

Depuis trois ans, chaque nouvelle année apporte son lot de brèches supplémentaires dans le monopole bancaire du crédit, en France. En 2013, la création des fonds de prêt à l'économie avait ainsi donné le droit aux assureurs de jouer les banquiers auprès des PME et des ETI, avant d'étendre ce droit aux mutuelles et aux institutions de prévoyance. L'année suivante, l'entrée en vigueur de la réglementation du crowdfunding autorisait tout épargnant à prêter aux entreprises et aux particuliers, via les plateformes de financement participatif. L'année 2015 n'a pas dérogé à la règle, avec le crédit entre entreprises au menu de la loi Macron et, surtout, la possibilité donnée aux fonds d'investissement de prêter aux entreprises.

Tout est parti du règlement ELTIF du 29 avril 2015, qui a donné naissance, le 9 décembre dernier, aux fonds européens d'investissement de long terme (FEILT, ou ELTIF en anglais). Comme leur nom l'indique, ces derniers ont pour vocation d'investir à long terme dans des sociétés non cotées, ou cotées s'il s'agit de PME, ou encore dans des projets d'infrastructure et autres actifs non liquides. Ouverts aussi bien aux investisseurs institutionnels qu'aux particuliers (sous certaines conditions), les fonds ELTIF doivent investir au moins 70% de leur capital dans des actifs tels que des instruments de dette (prêts ou obligations) émis par des entreprises éligibles.

En Europe, les PME auront besoin de 3.100 milliards d'euros, d'ici à la fin 2020

Cette capacité des fonds ELTIF à prêter directement aux sociétés s'inscrit dans la volonté de la Commission européenne de relancer la croissance en Europe, notamment en favorisant la diversification des sources de financement des entreprises. En effet, les PME européennes auront besoin de 2.700 milliards à 3.100 milliards d'euros, d'ici à la fin 2020, pour financer leur croissance et rembourser leurs emprunts, d'après une étude publiée le 12 octobre par l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's. Or, à la différence des Etats-Unis, où les entreprises se financent essentiellement sur les marchés, l'économie européenne demeure dépendante à plus de 60% du crédit bancaire. Un handicap, à l'heure où les réglementations décidées dans le sillage de la crise financière de 2008 pèsent sur la capacité des banques à prêter.

Côté investisseurs, le financement de l'économie réelle a pour avantage de leur procurer des rendements plus attractifs, dans l'environnement actuel de taux très bas. « Les acteurs du capital-investissement montrent un véritable intérêt pour les fonds de dette, qui offrent des rendements réguliers aux investisseurs et sont moins risqués que le private equity traditionnel », a souligné Florence Moulin, associée chez Jones Day, lors d'un colloque organisé par le cabinet d'avocats le 7 janvier.

L'AMF avait lancé une consultation publique en octobre

Le problème, c'est qu'en France, en vertu du fameux monopole bancaire en matière de crédit, les fonds d'investissement n'ont pas le droit d'accorder directement des prêts. D'où la nécessité, pour les pouvoirs publics, de plancher sur des aménagements réglementaires, afin de permettre aux fonds d'investissement français labellisés ELTIF de consentir des prêts aux entreprises, faute de quoi ils seront absents de ce nouveau marché du financement imaginé par Bruxelles. Aussi, « compte tenu des enjeux de compétitivité pour la place (financière) de Paris », sans pour autant méconnaître ceux relatifs à la « protection des investisseurs », l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait lancé le 22 octobre une consultation publique sur « la possibilité, pour un fonds d'investissement, d'octroyer des prêts. »

Pour l'autorité boursière, il était notamment indispensable que ces fonds s'adressent uniquement à des investisseurs qualifiés, compte tenu de la nature illiquide des prêts. En décembre, l'Assemblée nationale a adopté, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015, un amendement permettant aux fonds professionnels spécialisés (FPS), aux fonds professionnels de capital-investissement (FPCI) et aux organismes de titrisation labellisés ELTIF de consentir des prêts aux entreprises. Les banques auront donc bel et bien de nouveaux concurrents dans les prochains mois.

Christine Lejoux

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Commentaires 4
à écrit le 15/01/2016 à 0:17
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Amusant et revelateur ...cela veut il dire que les banques ne font plus leur metier de base, trouver de l argent pour portr rl economie surtout celles des entreprises de la vie réelle! De celle qui s appuie sur biens tangibles et non volatiles comme ...

à écrit le 14/01/2016 à 20:36
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EXELENTE IDEE ? LA CONCURENCE DANS LE MONDE ECONOMIQUE EST TRES SAIN? CHACUN POUR AVOIR DES CLIENTS DEVRONT ETRE MOINS GOURMENT ENVERS LEURS CLIENT QUI ENPRUNTE? ET AUGMENTE L AIDE AUX ENTREPRISES ET CAPITAL POUR L AVENIR DE LA FRANCE???

à écrit le 14/01/2016 à 13:21
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A l'heure où les entreprises se préoccupent plutôt de racheter leurs actions, c'est pas une bonne idée.

à écrit le 14/01/2016 à 13:17
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L'article mentionne un besoin de financement de 3.100 milliards. Cela veut-il dire trois mile cent ou trois virgule 100? Le point avec les chiffres, à ma connaissance, n'existe pas en français. Peut-être dans une langue étrangère, mais l'article e...

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