PayPal se lance dans la bataille du crédit en France

Le géant des paiements propose une facilité de trésorerie, fondée sur les revenus futurs de ses clients e-commerçants. Une solution déjà éprouvée dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis. Ce nouveau mode de financement de l’économie digitale suscite d’ailleurs un engouement en faveur du « revenue based financing », développé par de nombreuses startups.
PayPal a lancé sa solution de crédit aux entreprises en ligne dès 2013 aux Etats-Unis
PayPal a lancé sa solution de crédit aux entreprises en ligne dès 2013 aux Etats-Unis (Crédits : Amir Cohen)

Le crédit made in PayPal débarque en France. Pas n'importe quel crédit, mais un crédit professionnel, à destination des TPE/PME, utilisatrices du service de paiement en ligne PayPal, et surtout, accordé en fonction des revenus futurs réalisés en ligne par les emprunteurs. « Notre objectif est d'aider les TPE et les PME à financer leur croissance, dans n'importe quel point du territoire, y compris dans les « déserts bancaires » où l'offre de crédit classique devient de plus en plus difficilement accessible », résume Francis Barel, directeur de PayPal France.

Le montant du financement peut atteindre 160.000 euros, avec la promesse d'une réponse en temps quasi-réel et d'un déblocage des fonds en quelques minutes. Etant déjà client de Paypal, l'emprunteur bénéficie d'un parcours de souscription ultra simplifié, sans documentation additionnelle.

Cette option de PayPal n'est pas nouvelle. Elle existe aux Etats-Unis depuis 2013, un service progressivement étendu au Royaume-Uni (2015), à l'Allemagne et à l'Australie (2018). La France est donc le cinquième pays de lancement, ex aequo avec les Pays-Bas. Depuis 2013, PayPal a ainsi déjà accordé plus de 1,1 million de crédits pour un montant de 22 milliards de dollars.

Extension naturelle du modèle

Le crédit n'est pas non plus une surprise : il se présente comme un prolongement naturel du modèle PayPal qui capitalise sur la masse de données dont il dispose et dont il sait, comme toute bonne fintech (PayPal est souvent présenté comme « la » première fintech), tirer le meilleur profit grâce à sa technologie. C'est dans cet esprit d'ailleurs que PayPal propose également des solutions de paiement fractionné, avec une offre commerciale jugée agressive par ses concurrents.

Le crédit est donc perçu avant tout comme un service pour ses clients de l'e-commerce, même si les marges sur le crédit sont bien supérieures à celles obtenues sur le paiement. « Notre cœur de métier reste et restera le paiement. C'est notre ADN. Le crédit aux PME, comme le paiement fractionné, ou même des offres d'épargne, sont des services additionnels visant à faciliter l'inclusion financière de nos utilisateurs, qu'ils soient particuliers ou professionnels », explique Francis Barel. En 2021, le paiement fractionné représente ainsi moins de 1% du volume de transactions traitées par PayPal.

Reste que PayPal s'aventure toujours un peu plus sur le territoire historique des banques - le crédit—en s'appuyant sur sa capacité à analyser les données de ses clients et aussi sur sa notoriété auprès des marchands en ligne et des consommateurs. PayPal est une marque forte qui inspire confiance. D'autres géants de paiements, comme le suédois Adyen, proposent également des solutions de crédit pour les e-commerçants selon une approche similaire.

Une nouvelle génération de crédit

Le principe développé par PayPal, sous le terme de « working capital », reprend en fait l'idée initiée, dès 2010, par la fintech Kabbage en proposant une avance de trésorerie pour les commerçants en ligne selon un score basé sur les historiques de ventes et toutes les informations disponibles sur la plateforme et le web, y compris les avis des clients sur les réseaux sociaux. Les algorithmes faisaient le reste.

Cette approche a été depuis reprise et affûtée par des acteurs du paiement mais aussi pour une nouvelle génération de fintechs qui proposent aux startups en ligne un financement basé sur une « actualisation » de leurs données. Cette technique se développe aux Etats-Unis, mais aussi en France, sous le terme générique de « revenue based financing » (RBF).

« Ce qui fait la grande différence par rapport à un crédit classique, c'est la possibilité de proposer une solution sur mesure en fonction des besoins de l'entreprise, et ce, pour un coût fixe connu à l'avance, sans frais cachés. C'est donc bien l'entreprise qui va fixer notamment son rythme de remboursement, entre 10% à 30% de son chiffre d'affaires. Autrement dit, les entreprises remboursent quand elles sont payées », explique Francis Barel.

« Nous sommes à l'aube d'une troisième génération dans le financement des entreprises, après le prêt bancaire classique et, à partir des années 1980, le financement sur actifs, comme le leasing ou l'affacturage. Aujourd'hui, émerge un financement sur la donnée, plus représentative de la performance de l'entreprise. On ne regarde plus le passé de l'entreprise mais son avenir », avance de son côté, Nima Karimi, cofondateur de la startup française Silvr.

Fine fleur de la fintech

Cette dernière a réuni un tour de table de 130 millions d'euros (dont 112 millions de dettes) en février dernier, une des plus grosses opérations en Europe, en embarquant au passage la fine fleur de la fintech française (les fondateurs de Qonto, d'Alma, de Libeo ou de Luko...). Même Bpifrance fait partie des investisseurs, signe de l'intérêt que le secteur traditionnel porte au RBF. D'ailleurs, Société Générale teste de son côté une solution de financement similaire pour des applications mobiles.

Silvr s'adresse à tous les modèles économiques du digital (e-commerce, logiciels SaaS, modèles d'abonnement...), bref, à toutes les activités qui génèrent beaucoup de données, via leurs plateformes ou tous les outils d'analyse mis à disposition par les acteurs du web (Google Analytics...).

« Une entreprise qui réalise son acquisition client en ligne produit naturellement beaucoup de données, via de nombreux logiciels. Ces données, croisées avec celles de l'open banking, nous permettent de construire un historique complet et de projeter une croissance future », résume Nima Karimi. Tout repose donc sur l'efficacité de l'algorithme qui va traiter ces données.

Aujourd'hui, toute une nouvelle vague de plateformes de financement se lance sur le créneau du RBF. Elles financent ainsi les campagnes d'acquisition et de marketing, les stocks, les commissions des vendeurs, toutes ces dépenses qui promettent des recettes futures, mais pas de cash dans l'immédiat pour rassurer son banquier.

Une vague d'engouement pour le RBF

C'est même un véritablement engouement pour ce type de financement auquel on assiste. Le mois dernier, en Allemagne, une fintech comparable, Mubadala Capital, a levé 115 millions d'euros, et l'espagnol Ritmo près de 200 millions de dollars (pour l'essentiel en dettes). Selon les données de Dealroom, c'est près de 2 milliards de dollars qui ont été levés en 2021 par une trentaine de startups RBF dans le monde. Et certaines commencent à se faire un nom, comme Silvr et Karmen en France, Ritmo en Espagne ou Vitt au Royaume-Uni, pour ne parler que de l'Europe.

Le principe de rémunération est toujours le même : un remboursement établi en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires, une commission fixe ou un intérêt variable en fonction des revenus (plus élevé quand le chiffre d'affaires augmente...). Un système qui peut ainsi porter le taux à des niveaux élevés... jusqu'à 20% !

Mais c'est bien la nature du crédit, adapté aux besoins des entreprises du digital, et la réponse rapide avec un parcours fluide qui emportent l'adhésion. Et ce mode de financement alternatif pourrait bien profiter de la montée des taux et du durcissement du contexte actuel, avec des conditions de crédit plus strictes et des levées de fonds moins généreuses.

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