« La "blockchain" est inéluctable, elle va transformer la finance » (E. Kaili, Parlement UE)

ENTRETIEN. Eva Kaili est la « Madame Blockchain » du Parlement européen. La députée grecque livre ses convictions sur le potentiel de la technologie née avec le bitcoin il y a dix ans.
Delphine Cuny
Éva Kaïlí, eurodéputée grecque, spécialiste des fintech.
Éva Kaïlí, eurodéputée grecque, spécialiste des fintech. (Crédits : DR)

De Davos à Bruxelles, en passant par Londres, New York et Strasbourg, Éva Kaïlí est une inlassable avocate de l'innovation au bénéfice des citoyens. Cette eurodéputée grecque, spécialiste de la fintech, est l'auteure d'un rapport et d'une résolution faisant la promotion de la blockchain, technologie dans laquelle l'Europe compte massivement investir.

LA TRIBUNE - Vous êtes devenue une spécialiste de la blockchain. Le fort engouement pour cette technologie semble en partie retombé. Est-ce votre impression ?

EVA KAILI - La blockchain est, comme le cloud, une technologie qui est là pour rester. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il faut en faire la promotion comme si tout pouvait passer à la blockchain. Cette technologie sert à résoudre des problèmes. Nous sortons de la période « hype » de la découverte pour nous concentrer sur les cas d'usage vraiment utiles et les solutions qu'elle peut apporter. Jusqu'à présent, l'emballement a surtout porté sur l'envolée des cours, le trading des crypto-actifs, mais je ne me suis pas beaucoup intéressée à cet aspect-là. Je me suis avant tout penchée sur les possibilités offertes par cette technologie dans une perspective de long terme.

Où voyez-vous les cas d'usage les plus intéressants de la blockchain ?

Cette technologie va créer beaucoup de valeur dans la supply chain [chaîne logistique, ndlr], dans l'identité, la certification, la sécurisation des données. Dans la finance, même si vous n'utilisez pas cette technologie, elle est déjà en train de changer la façon dont les choses fonctionnent : regardez ce qu'il se passe entre Swift [le réseau interbancaire mondial] et Ripple [protocole de paiement fondé sur la blockchain, testé par de nombreuses banques]. Les banques doivent diminuer leurs commissions et améliorer la rapidité des transferts transfrontaliers. Aujourd'hui, si je dois envoyer de l'argent depuis la France à ma mère en Grèce par exemple, cela peut prendre trois jours ouvrables pour qu'elle le reçoive ! Avec la blockchain, cette opération se fait en quelques minutes voire en quelques secondes.

Je pense qu'on ne peut pas arrêter la blockchain, elle est inéluctable et va transformer le secteur de la finance et le secteur bancaire. Peut-être cela prendra-t-il plus de temps pour améliorer le passage à l'échelle, la rapidité et l'interopérabilité. Mais cela va mettre beaucoup de pression sur les banques pour qu'elles réduisent leurs tarifs.

Même les banques centrales s'intéressent à cette technologie en vue d'éventuelles monnaies digitales officielles. Les voyez-vous l'adopter ?

Les banques centrales aiment la technologie tant qu'elles peuvent la contrôler mais elles n'aiment pas la décentralisation, tout comme les institutions en général. La décentralisation peut pourtant apporter des solutions à certains problèmes créés par la mondialisation qui ont fait émerger des mouvements populistes un peu partout. Les institutions n'aiment pas qu'on leur retire le contrôle, donc cela prendra du temps. Mais je suis ravie de voir que même les banques centrales étudient le potentiel de la blockchain.

Si des monnaies digitales de banques centrales venaient à être émises, elles seront essentiellement utilisées en interne, pour les règlements interbancaires. Nous verrons sans doute émerger des solutions de paiement mobile avec des monnaies digitales sans contrôle des banques centrales. Quand j'entends parler de société sans cash et de monnaie totalement digitale, je suis un peu préoccupée par le risque que tout soit tracé et horodaté. Je comprends que, au-dessus d'un certain montant, il faille suivre les flux d'argent [pour lutter contre le blanchiment]. Mais si cela concerne toutes les transactions, même les plus petits paiements, tout ce qu'on achète sera enregistré, on s'approchera de la surveillance de masse. Il faut pouvoir laisser le choix : des solutions digitales pour ceux qui le souhaitent, des espèces pour ceux qui veulent continuer à utiliser la monnaie fiduciaire.

Vous êtes l'auteure d'une résolution sur la blockchain, qui a été adoptée en mai dernier (voir en pied d'article). Quelles seront les étapes suivantes ?

Cette résolution a été adoptée à une large majorité par la commision de l'industrie du Parlement européen [à 52 voix pour, 1 contre et 6 abstentions], c'est une grande fierté car je travaille depuis plus de trois ans sur la question. Nous avons été en pointe, même par rapport aux États-Unis, qui adopteront peut-être une approche plus ouverte sur la qualification des crypto-actifs en titres financiers par exemple. Cette résolution pose le principe d'une régulation favorable à l'innovation, neutre sur le plan technologique et des modèles économiques.

Depuis cette résolution, nous avons créé un observatoire de la blockchain que nous avons élargi à un plus grand nombre d'acteurs et de parties prenantes. Nous allons nous assurer que soient publiées à la rentrée, en octobre, nos propositions de mesures sur les ICO [levées de fonds en jetons numériques] comme outil de financement participatif. Nous voulons lever les incertitudes juridiques pour ceux qui utilisent cette technologie et harmoniser la réglementation au niveau européen. Nous avons aussi publié un rapport sur la blockchain dans le commerce international qui invite la Commission à élaborer un ensemble de principes directeurs pour l'application de la blockchain au commerce international.

Par ailleurs, nous avons décidé d'investir 700 millions d'euros, et jusqu'à 1 milliard d'euros [y compris le budget de l'UE post-2 021], pour financer des solutions blockchain. C'est énorme. Je ne connais aucun autre gouvernement qui soutienne aussi massivement cette technologie. L'Union européenne prend ce risque.

L'UE ne doit-elle pas donner l'exemple en expérimentant elle-même la blockchain?

Nous essayons déjà de l'utiliser ! Par exemple, nous avons lancé une étude de faisabilité d'une infrastructure blockchain pour les permis et certifications. Si cela fonctionne, cela pourrait régler d'énormes problèmes que nous rencontrons en Europe du fait des différents systèmes juridiques et de la diversité des langues, pour les équivalences des permis de conduire, des licences de médecins, des diplômes, etc. Nous pourrions les certifier et les protéger de toute duplication sur une plateforme européenne. Aujourd'hui, si vous venez de Grèce et que vous voulez travailler en Belgique, il vous faut rassembler tous les documents et tout traduire. La blockchain peut réduire les risques de fraude ou de contrefaçons. On a vu dans certains pays des hommes politiques avec de faux doctorats... En Grèce, nous avons eu le cas il y a quelques années d'un directeur d'hôpital qui se prévalait de cinq diplômes de médecine qui étaient faux. La Grèce serait sans doute le pays qui aurait le plus à gagner de la blockchain.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Parlement européen : Proposition de résolution "Technologies des registres distribués et chaînes de blocs: renforcer la confiance par la désintermédiation"

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DATES CLÉS

  • 1978 Naissance à Thessalonique, en Grèce
  • 2007 Élue au Parlement grec sous l'étiquette Pasok
  • 2014 Élue eurodéputée du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates
  • 16 mai 2018 Vote de la résolution sur la « blockchain »
Delphine Cuny

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Commentaires 8
à écrit le 21/02/2019 à 9:12
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Pauvre petite filel de qui n'a jamais connue de secousse dans sa vie et qu'il faut venir défendre alors que si c'était un boudin aucun néolibéral ne bougerait le petit doigt... -_- Vous me donnez envie de gerber. Vite un frexit en tout cas, t...

le 22/02/2019 à 3:30
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Mais citoyen, qu'avez-vous ? Elle est jolie. N'aimez-vous pas les femmes, meme photochoppee ?

le 22/02/2019 à 9:38
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"Elle est jolie" Ben je sais pas en fait puisque vous avez attisé ma curiosité, je suis donc allé regarder sur internet et je n'ai pas vu une seule photo d'elle non trafiquée... Donc je peux pas vous dire. En tout cas elle a pas échappé à la ...

à écrit le 21/02/2019 à 7:01
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Meme "photochopee", j'accepte les chaines, sans sourciller une seconde.

à écrit le 20/02/2019 à 15:19
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T'as de beaux yeux tu sais.... Et à part ça? C'est sûr que le pédigrée de la dame la qualifie totalement pour donner un avis pertinent sur le sujet. Sans doute pourrait elle tout autant disserter de relativité générale ou de mécanique quantique.....

à écrit le 20/02/2019 à 10:06
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"Eva Kaili, eurodéputée" Avec une image 100% "photoshopée" JE trouve que l'ensemble s'harmonise parfaitement. Soigner les apparences, tout ce dont est capable notre pauvre vieille europe à l'agonie, et encore, le rimmel commence à couler et l...

le 22/02/2019 à 15:52
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Le monde virtuel qu'ils nous préparent est d'une grande beauté, à quand un orage solaire pour faire couler le rimmel..

le 22/02/2019 à 16:56
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Ils sont prêts à devenir des robots, leur vie devant être d'un ennui abyssal.

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