La protection de l'identité digitale : le vrai combat des banques contre les Gafa ?

OPINION. Les géants américains de la technologie (Google, Apple, Facebook et Amazon) ne cachent plus leur ambition de pénétrer le marché de la finance. La plupart des commentateurs et des experts prédisent régulièrement une invasion généralisée des services financiers qui présentent tous les ingrédients pour être « disruptés ». En réalité, l’impact de l’arrivée de ces entreprises dans le secteur est à ce jour limité. Les banques et assurances peuvent relever ce défi si elles réussissent à élargir leur proposition de valeur à la protection de l’identité digitale de leur client, estime Joël Nadjar, associé en charge des services financiers chez Wavestone.
(Crédits : dr)

Les initiatives des GAFA sont nombreuses pour pénétrer le marché bancaire. Après le système de paiement virtuel Apple Pay, la firme à la pomme concrétise encore son intérêt pour le marché bancaire en proposant sa propre carte de crédit Apple Card.  Amazon, pour sa part, a lancé dès 2015 son service de paiement en ligne multi-devises pour les entreprises. En complément, le géant du e-commerce propose une gamme de plus en plus complète de financement court terme et de gestion à travers son bouquet Amazon Business Services. Ils devraient être rejoints par Google, qui peaufine son offre de compte bancaire. Le projet de création d'une monnaie virtuelle Libra, par Facebook, illustre également les ambitions offensives de la tech dans la finance. Même si la cible privilégiée semble plutôt être les populations qui n'ont pas accès à l'offre bancaire dans les pays émergents, cette nouvelle monnaie et les services liés pourraient séduire un public plus large en Europe.

Des ambitions offensives dans le secteur bancaire

Si tous les domaines de la banque et de l'assurance sont concernés par l'offensive des Gafa, leur tactique de pénétration semble se focaliser en premier lieu sur le marché des paiements qui présentent toutes les caractéristiques sur lesquelles les Gafa excellent : traitement de forts volumes, avec une haute exigence de fiabilité numérique, pouvant largement être optimisés en termes de coûts et de modes opératoires.

Certes, plusieurs barrières à l'entrée liées à la réglementation, aux coûts du risque et à l'hétérogénéité des cultures par pays, préservent encore les banques et les assurances de cette nouvelle concurrence. Mais elles ne semblent plus être désormais insurmontables au regard de la puissance de frappe des Gafa. Pourtant, ceux-ci semblent privilégier une approche de partenariat avec les banques et compagnies d'assurance pour co-construire, embarquer en marque blanche et gérer leurs nouveaux services. D'ailleurs, les Gafa ne font pas particulièrement preuve de disruption dans leurs nouveaux services. Ce sont plutôt de nouveaux acteurs du monde des fintech (Transferwise, Square...) ou encore les néobanques (N26, Revolut, Orange Bank...) qui font le plus preuve d'innovation.

.... qui poussent les acteurs historiques à se réinventer

Mais ne nous y trompons pas, la stratégie des Gafa à long terme est de construire la connaissance la plus large et complète possible de chaque individu et de proposer des services de plus en plus addictifs. Les marges du secteur ne sont pas une fin en soi mais le développement des services financiers constitue pour eux l'accès à un nouveau pan de la connaissance des individus et la captation de nouvelles données. C'est l'identité digitale, sa maitrise et son exploitation qui est en jeu !

Dans ce contexte, les banques et assurances ne doivent pas non plus se tromper de stratégie de défense. Au-delà de combattre l'entrée des Gafa par l'amélioration de la qualité des services, la baisse des prix ou la réduction sans fin du coût des opérations, elles devraient mettre la défense de l'identité numérique de leurs clients au cœur de leur action.

Devenir des "Databank"

Ainsi, elles pourraient capitaliser sur leur position de « tiers de confiance » pour aider chaque client à constituer son identité numérique et proposer de nouveaux services à valeur ajoutée. L'idée serait d'inverser l'accès aux données, plutôt que d'exporter les données de chacun vers des mégabases gérées par les Gafa, sans aucune maîtrise de leur exploitation. Les banques et assurances pourraient permettre l'accès à des algorithmes d'analyse pour proposer des services avec le consentement des clients.

Les banques et assurances pourraient devenir des "Databank", passant du traitement des transactions financières à la gestion plus large des « interactions digitales ». C'est un véritable changement de business model qui permet d'impulser une nouvelle « raison d'être » et leur permettre d'atteindre rapidement une taille critique au niveau européen. Les solutions techniques existent déjà, notamment au travers de fintech innovantes comme Cosy Cloud en France ou Digi.me en Angleterre et leurs mises en œuvre rapides pourraient constituer une riposte intelligente au défi des Gafa.

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L'AUTEUR

Joël Nadjar est associé en charge des services financiers au sein du cabinet Wavestone.

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Commentaires 3
à écrit le 08/02/2020 à 15:19
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Quand on veut détourner l'attention d'un vrai problème (la protection des données personnelles) on en traite un voisin : les GAFA. Ca s'appelle "dégénérer" … en toute connaissance de cause.

à écrit le 07/02/2020 à 14:56
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Ne pas répondre aux clients sur des plateformes à distance ou assister en ligne sans résoudre les problèmes, ne fait pas des databank, des atouts. Le virtuel ne peut pas aider à créer un climat de confiance entre clients et professionnels. Les rela...

à écrit le 07/02/2020 à 14:40
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Et si vous vous mêliez de vos affaires, nombreuses et obscurantistes, pour une fois au lieu de vouloir encore une fois pourrir un énième secteur d'activité svp ? Pourquoi vous ne nous (citoyens/consommateurs) laissez jamais respirer bon sang !? M...

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