Les banques attaquent les 55 milliards de l'assurance dommages

Par Carole Guirado, AFP  |   |  667  mots
Au Crédit Mutuel-Centre Est Europe-CIC, chaque agence engrange en moyenne près de 120.000 euros de commissions en contrats d'assurance dommages selon les estimations du cabinet spécialisé Facts & Figures.
Les banques continuent leur expansion dans l'assurance dommages, un marché estimé à 55 milliards d'euros, taillant des croupières aux assureurs qui peinent à répondre efficacement à cette concurrence.

Les assureurs seraient atteints du "syndrome de la grenouille" face à leurs rivaux banquiers, selon le cabinet de conseil Facts & Figures, spécialiste de l'assurance, qui a rendu public vendredi son baromètre annuel de l'assurance dommages, très surveillé par le secteur.

A l'image du batracien qui "voit l'eau chauffer, commence à trouver qu'il fait chaud, mais ne réagit pas", les assureurs auraient du mal à répondre efficacement à l'avancée des bancassureurs dans l'assurance dommages, qui couvre les sinistres aux biens et de responsabilité civile.

Les banques ont désormais "des positions qui deviennent gênantes pour les autres opérateurs du marché" comme par exemple dans l'assurance multirisque habitation où, à fin 2018, ils détenaient 26% des contrats, analyse auprès de l'AFP Cyrille Chartier-Kastler, fondateur et président de Facts & Figures.

Le marché des particuliers d'abord

C'est sur ce segment des particuliers que les bancassureurs sont les plus féroces avec 19% des parts de marché en termes de chiffres d'affaires sur la même période. Leur atout essentiel? Une clientèle bancaire déjà acquise à laquelle ils proposent régulièrement des contrats d'assurances divers. Une ressource précieuse pour l'ensemble des groupes bancaires français qui, avec des revenus rognés par les taux bas, entendent bien se développer sur ce marché en croissance de 2,1% en 2018 et encore appelé à progresser avec l'augmentation de la population.

Moins présents sur la clientèle de professionnels et d'entreprises, avec 4% de part de marché, "les bancassureurs vont maintenant attaquer", est-il assuré dans le baromètre, Crédit Agricole et le réseau des Banques Populaires étant les plus avancés sur ce segment.

Les agents d'assurance à la peine

"Les agences bancaires deviennent des petites agences générales d'assurance", affirme M. Chartier-Kastler illustrant ses propos avec le réseau Crédit Mutuel-Centre Est Europe-CIC dont chaque agence engrange en moyenne près de 120.000 euros de commissions en contrats d'assurance dommages, selon ses estimations.

Un montant "considérable", selon l'expert, d'autant qu'il n'intègre pas les commissions générées par les contrats d'assurance vie et prévoyance. En comparaison, une agence générale d'assurance, qui représente un assureur et vend ses produits, pèse en moyenne 300.000 euros, rappelle-t-il.

Les autres réseaux bancaires y trouvent également leur compte avec plus de 96.000 euros de commissions en moyenne par agence pour Crédit Mutuel Arkea, 99.000 euros pour le réseau Crédit Agricole ou encore plus de 55.000 euros par agence pour Société Générale.La manne de l'assurance dommages représente 6% de chiffre d'affaires supplémentaire pour les groupes Crédit Agricole, Crédit Mutuel et Société Générale, évalue l'étude.

Une perte de clients abyssale

En face, les réseaux d'agents généraux sont à la peine, face également à la concurrence des courtiers, mais aussi à la désertion des agences par les clients, notamment les particuliers, leur nombre "ayant tendance à diminuer parce que les tarifs pratiqués sont trop élevés", explique M. Chartier-Kastler.

La perte de clients apparaît abyssale au travers de l'étude: entre 2012 et 2018, la distribution par les agents généraux d'assurance a perdu 500.000 contrats d'assurance automobile et 800.000 en multirisque habitation. Face à cette érosion de la clientèle, la productivité commerciale des agents généraux s'en trouve affectée, ces derniers mettant trois fois plus de temps à conclure une affaire nouvelle qu'une agence bancaire, estime le président de Facts & Figures.

Les réponses des assureurs à cette offensive "sont aujourd'hui essentiellement technologiques, notamment en parcours client, or ce n'est pas la technologie qui génère des ventes et des prospects" (ou clients potentiels), défend-il. Néanmoins les bancassureurs ont encore du chemin à parcourir face aux principaux tenants du secteur à savoir Axa, le mutualiste Covéa - MAAF, MMA et GMF - et Allianz, qui à eux trois ont réalisé près de 66% du résultat technique, équivalent du résultat d'exploitation, de l'assurance dommages en France, soit 2,6 milliards d'euros.