Les dépôts à vue au plus haut historique à 1.106 milliards d'euros

Ménages et entreprises continuent de gonfler leurs comptes courants : les dépôts à vue ont augmenté de 10,4% en juillet en France sur un an. Et ce malgré des taux de rémunération réels négatifs. La collecte nette de l’assurance vie est aussi en hausse, pour le septième mois consécutif. Décryptage.
Delphine Cuny

Les taux bas ne dissuadent pas les ménages ni les entreprises de mettre de l'argent de côté, au contraire. Les dépôts à vue, autrement dit les liquidités laissées sur les comptes courants, ce qui ne comprend pas les comptes sur livret ou les dépôts à terme, ont en effet encore augmenté le mois dernier pour atteindre 1.106 milliards d'euros. En juillet, ces dépôts « continuent de croître à un rythme soutenu (+10,4% après +10,7% [en juin]) » soulignent les experts de la Banque de France dans une note publiée ce jeudi 29 août. Déjà, à fin décembre 2018, les dépôts à vue avaient atteint « un plus haut niveau historique en France », à 1.017 milliards d'euros, soit « environ la moitié du PIB en 2018 ».

La croissance de 8,5%, enregistrée l'an dernier était certes plus faible qu'en 2017, mais plus soutenue qu'en moyenne dans la zone euro (+6,9%). Les dépôts à vue français représentaient plus de 14% de ceux de la zone euro, un poids inférieur à celui de la France dans le PIB de la zone euro (19,2% selon Eurostat).

L'épargne des ménages pèse un peu moins de la moitié de ce total.

« Depuis 2015, les sociétés non financières françaises sont à l'origine de 53% des dépôts à vue, les ménages en représentant 42% », relèvent Youssef Mouheb et Guillaume Cousin, de la direction des statistiques monétaires et financières de la Banque de France, dans une note détaillée sur l'évolution de la monnaie et du crédit en 2018 également publiée ce jeudi.

Le solde concerne essentiellement les assurances.

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(Cliquez pour agrandir le graphique)

Dépôts à vue ménages entreprises France 2018 Bdf

[Dépôts à vue en France, en milliards d'euros par contreparties. Crédit : Banque de France]

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Taux de rémunération réels négatifs

Ce record a été atteint « malgré des taux de rémunération réels négatifs », pointent ces experts. Retraitée de l'inflation, la rémunération réelle des dépôts à vue est négative depuis 2017, de façon convergente entre pays européens : en France, elle était en moyenne de -1,7% pour les entreprises (non financières) et de -1,2% pour les ménages l'an dernier. Autrement dit, les unes et les autres perdent de l'argent en laissant dormir leur épargne.

De leur côté, les banques européennes subissent un taux négatif de 0,40% depuis 2016 sur les liquidités excédentaires qu'elles laissent en sécurité au jour le jour dans les coffres de la Banque centrale européenne (BCE), ce qui leur a coûté plus de 7 milliards d'euros l'an dernier. Un effet secondaire que l'institution de Francfort envisage de compenser partiellement.

Même si la tendance était à la remontée des taux en fin d'année, la perspective est désormais plutôt à la baisse des taux d'intérêt, du fait de la faible inflation, comme l'a dit clairement la BCE fin juillet. Une action est même attendue dès septembre.

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(Cliquez pour agrandir le graphique)

épargne taux réels dépôts France Allemagne BdF

[Crédit : Banque de France]

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En France, les comptes courants rémunérés sont peu répandus et même de plus en plus rares, dans ce contexte de politique monétaire aux taux durablement bas; la Macif propose par exemple un taux de 0,20%, plafonné à un encours de 5.000 euros, pour son compte Bleu Anis.

Selon la Banque de France, les taux moyens de rémunération des encours des dépôts bancaires des comptes à vue étaient de 0,03% en juin 2019, quand ceux des comptes à terme se situent entre 0,77% et 1,43%. Les banques françaises ne prélèvent pas non plus de commissions sur les dépôts des particuliers, comme ont pu commencer à l'annoncer certaines banques au Danemark, en Allemagne ou en Suisse.

Les dépôts à vue, 1er produit d'épargne des ménages

Selon une étude du groupe BPCE (Banque Populaire Caisses d'Epargne) publiée en avril, l'encours des dépôts à vue des Français a atteint un record depuis 2009 à 422 milliards d'euros l'an dernier. Les ménages ont laissé dormir plus d'argent sur leurs comptes qu'ils n'en ont viré sur leurs livrets (A ou LDDS).

« Après une collecte de plus de 33 milliards d'euros en 2017 et 2018, les dépôts à vue devraient croître de 38,2 milliards d'euros cette année et de 30 milliards d'euros l'an prochain. Un niveau inédit », prédit Éric Buffandeau, le directeur adjoint des études chez BPCE, dans une note de juillet.

Il relève que les ménages ont laissé s'accumuler « près de 15 milliards d'euros » sur leurs comptes depuis le début de l'année 2019, « ce qui fait des dépôts à vue le premier produit d'épargne des Français. »

Les raisons de ces arbitrages financiers seraient « un environnement de taux d'intérêt négatifs, une faible inflation et une perception d'un marché boursier de plus en plus sophistiqué et professionnalisé qui les dissuadent de chercher des placements légèrement mieux rémunérés. Ce qui conduit à une forme d'attentisme », selon Éric Buffandeau. Les mesures d'amélioration du pouvoir d'achat, comme les "primes Macron", ont également pu soutenir ce regain d'épargne.

Les Français ont également continué à alimenter leurs contrats d'assurance vie : selon les chiffres publiés ce jeudi par la Fédération française de l'assurance (FFA), ils ont placé 16,7 milliards d'euros depuis le début de l'année, à fin juillet, en net (contre 14,2 milliards un an plus tôt), avec une collecte nette positive pour le septième mois consécutif (1,6 milliard d'euros).

Les comptes sur livrets sont aussi à la hausse, malgré un ralentissement (+4,6% en juillet), selon la Banque de France. Du côté du Livret A, la collecte nette s'est élevée à 13 milliards d'euros entre janvier et fin juillet selon la Caisse des Dépôts, contre 10 milliards l'année passée à la même période. Les livrets de développement durable et solidaire ont récolté 3,26 milliards (contre 1,89 milliard). Rémunérés à 0,75%, les livrets A et LDDS présentent eux aussi un taux de rémunération réel négatif, retraité de l'inflation (-0,2% et +1,1% en juillet sur un an selon l'Insee). Le taux d'épargne des ménages français était de 14,2% selon l'Insee en 2018, en légère hausse (13,9% du revenu disponible brut en 2017).

Delphine Cuny

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Commentaires 24
à écrit le 01/09/2019 à 18:26
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Plusieurs constatations:les français ne sont pas écrasés de taxes puisqu'il en reste un peu pour mettre sur le compte.Le pouvoir d'achat est vraiment en hausse,meme si les gens préfèrent économiser qu'acheter.La croissance est bien réelle,ce qui rem...

le 01/09/2019 à 19:51
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Pas tous les Français et toutes les Françaises , ne vous en déplaises... Cordialement ,

à écrit le 01/09/2019 à 15:51
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Les taux bas ne dissuadent pas les ménages ni les entreprises de mettre de l'argent de côté, au contraire. Les dépôts à vue, autrement dit les liquidités laissées sur les comptes courants, Réaction : est ce que vous prenez «  les populations » pou...

à écrit le 01/09/2019 à 11:46
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"Dépots à vue" ? Alors il faut une longue vue car tout retrait un peu significatif (quelques milliers d'euros) demande un véritable parcours du combattant, quand il n'est pas purement et simplement interdit. Il n'y a plus de vraie liquidité des liqui...

à écrit le 01/09/2019 à 10:00
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Au vu de la prochaine réforme des retraites, et ayant commencé à travailler tard (études), j'ai tout intérêt à économiser le maximum possible : achat de choses uniquement réellement utile. Aucun superflus. Aucun loisir payant (il y a pleins de chose...

le 30/09/2019 à 11:09
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Vous avez trouvé la Voie de la sagesse, au grand dam du gouvernement !! BRAVO !!!!

à écrit le 01/09/2019 à 9:55
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Quand Ménages et entreprises continuent de gonfler leurs comptes courants ...on comprend vite le niveau d'inquiétude des acteurs économiques et citoyens face à un monde instable , des cycles de crises économiques de plus en plus violentes ...la derni...

à écrit le 31/08/2019 à 0:16
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Au vu des choix d'épargne décrits par l'article, il y a vraisemblablement de l'attentisme avec de l'épargne liquide ss risque sur livrets et qd ils sont pleins, sur les cptes courant. Les placements boursiers basés en gde partie sur des valeurs qui ...

à écrit le 30/08/2019 à 21:16
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C'est désespérant. On a beau expilquer aux français que le système bancaire va faire faillite, Tous les économistes sérieux le disent, les français n'écoutent rien. Alors tant pis pour eux.

à écrit le 30/08/2019 à 20:26
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Quand les règles du jeu changent tout les 4 matins Ont a plus confiance en rien Donc les épargnants sont attentistes .. quand un gouverment amènera de la stabilité et des vrai projets a long terme .... ont aura peu etre confiance dans l avenir...

à écrit le 30/08/2019 à 14:22
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La rémunération de l'épargne sécurisée est dérisoire voire nulle vu les frais de dossier, impôts forfaitaires et autres surprises au moment de retirer son argent. Autant avoir de l'argent sur son compte courant et être à l'abri des découverts et de l...

le 30/08/2019 à 17:53
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Pour réduire le crédit sur l'achat d'une voiture par ex ? Commentaire de bon sens...

le 30/08/2019 à 21:26
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Toi nous plus tu n'as rien compris. Le papier monnaie en Euros et en $ ne vaut rien. La PLUS GRANDE BANQUE EUROPÉENNE LA DEUTSCHE BANK est vuirtuellement en faillite et tout le système financier va suivre, car la DB a pour 25.000 milliards de papier ...

à écrit le 30/08/2019 à 12:56
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les intérêts des banques et des clients sont diamétralement opposés, tout les sépare !

à écrit le 30/08/2019 à 11:28
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Comment un journaliste peut-il faire un tel contre sens? « ...et ce, malgré des taux réels de rémunération négatifs » C’est évidemment parce que ( et non pas malgré) les taux réels de rémunération sont négatifs que les érpargnants préfèrent laisse...

à écrit le 30/08/2019 à 9:43
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C'est donc le moment de lancer un emprunt d'Etat populaire dont l'intérêt soit exonéré d'impôt, genre rente Pinay (1952), prélude à la crise du logement de 1954.

à écrit le 30/08/2019 à 9:05
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un mauvais présage se dessinne dans dans le pays le plus taxé de la zone euro

à écrit le 29/08/2019 à 19:08
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Quand les populations travaillent : ils n’ont plus le «  temps » de dépenser leur argent ... ceci explique «  cela »

le 29/08/2019 à 21:03
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Vous avez le «  droit » d’exposer ce que vous pensez: ça ne me dérange pas...et je vous juge «  même pas »😊 car je m’en fiche

le 30/08/2019 à 14:54
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Je pense que votre analyse est un peu rapide. Déjà car on parle d'une tendance qui s’accélère alors que les gens ne travaillent pas plus. Ensuite parce que l'on parle d'un pays avec 5 semaines de congés payés, les 35h, des rtt, un taux de chomage a 1...

le 01/09/2019 à 14:07
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A l’étranger c’est mieux payé moins fiscalisé mais par contre comme il y existe «  une déconnection familiale » les Français dépensent plus... De toute manière dans tous les cas ; Les banques , les assurances, les notaires, l’état se mettent plein ...

à écrit le 29/08/2019 à 17:47
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Les ménages rechargent leur réserves épuisé pendant la crise et se préparent a la crise suivante pour ceux qui le peuvent... Enfin, comme l'état se propose de réformer les retraites et de fusionner les organismes de retraite ce qui équivaut dans la ...

le 29/08/2019 à 20:14
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Tout à fait d’accord ! A quoi bon placer à 0,1% sans frais ou à 1,8% (AV) avec 2% de frais ?

à écrit le 29/08/2019 à 17:36
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le taux d'épargne des ménages grimpe en Europe depuis début 2018 (Eurostat). contribue au ralentissement économique du continent ?

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