Épuisement des ressources : "Il n'y a pas de plan B" (Thomas Pesquet)

Par Propos recueillis par Patrick Cappelli  |   |  450  mots
De gauche à droite, Nicolas Hazard, fondateur d'INCO et Thomas Pesquet, spationaute. (Crédits : DR)
Comment lutter contre l'épuisement programmé des ressources naturelles ? La Tribune a interrogé Thomas Pesquet, spationaute, et Nicolas Hazard, fondateur d'INCO, sur cette question cruciale.

LA TRIBUNE - Vous avez-vu la Terre depuis l'espace. Quel est votre constat sur son état ?

THOMAS PESQUET - La Terre est un vaisseau spatial avec 7 milliards d'habitants lancé dans le vide de l'espace avec des ressources limitées. On constate depuis la Station Spatiale les effets néfastes de l'activité humaine : pollution des mers, coupes dans les forêts, pollution de l'air au-dessus des grandes villes. On s'aperçoit vite que la Terre est très fragile.

Comment empêcher l'épuisement des ressources et l'aggravation des catastrophes naturelles ?

T.P. - Les agences spatiales organisent beaucoup de missions pour étudier la Terre, le climat, les océans, la biomasse, la composition gazeuse de l'atmosphère, afin de mieux comprendre les effets du réchauffement climatique. Leur rôle est d'être un fournisseur de données et de poser le diagnostic. D'ici dix ans, nous pourrons aussi vérifier depuis l'espace si les États respectent leurs engagements en faveur de l'écologie.

NICOLAS HAZARD - La biosphère est de plus en plus fragile. Nous sommes 7 milliards aujourd'hui et 10 milliards demain. Or, nous avons toujours besoin de plus de ressources pour assurer cette croissance perpétuelle imposée par le modèle capitaliste. Il nous faut réinventer notre manière de produire et de consommer. Les deux pistes intéressantes sont l'économie circulaire, pour transformer les déchets en ressources, et l'utilisation des énergies renouvelables : solaire, éolien, géothermie. Il faut aussi réorienter la manière de se servir des outils technologiques pour créer un cercle vertueux.

L'espace peut-il devenir un "plan B" pour l'humanité ?

T.P. - Non. L'idée du "plan B" me dérange, car elle nous enlève une part de responsabilité. Nous espérons emmener des hommes et des femmes vers Mars, mais dans un but d'étude, pas de colonisation. Cela nous permettra de comprendre comment la vie peut naître et disparaître. Et il faudra établir un cadre légal si nous allons chercher des ressources sur la Lune ou plus loin dans la ceinture d'astéroïdes.

N.H. - Non, pas du tout. Il n'y a pas de planète B. L'espace permet surtout de prendre du recul sur ce qui se passe, car c'est de là-bas que l'on se rend compte le mieux à quel point nous sommes petits et fragiles. Affirmer que nous pouvons coloniser Mars, comme le fait Elon Musk, c'est être coupable de susciter un espoir impossible à concrétiser. En tous cas pas pour 10 milliards d'individus, mais pour une poignée de gens riches et puissants, ceux-là même qui ont fait le monde d'aujourd'hui.

Propos recueillis par Patrick Cappelli