"La contraction des budgets de défense va relancer les coopérations"

L'Occar, qui gère une partie des programmes d'armement réalisés conjointement à plusieurs pays européens, fête ses dix ans d'existence. Son patron, Patrick Bellouard, regrette la frilosité des Européens en matière de coopérations.
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L'Occar a dix ans. Quel bilan tirez-vous ?

L'Occar a démontré avec succès toute son utilité dans la gestion et le suivi des programmes d'armement réalisés en coopération à plusieurs pays qui lui ont été confiés depuis dix ans. Notre fierté est d'avoir contribué aux réussites opérationnelles de plusieurs grands systèmes d'armes dont certains sont déjà présents en Afghanistan comme l'hélicoptère de combat Tigre (France) et le système Cobra (Grande-Bretagne), et d'autres très prochainement comme le véhicule blindé Boxer (Allemagne). En 2012, la version allemande du Tigre (UHT) devrait également être déployée en Afghanistan. Par ailleurs, les programmes FSAF (famille de missiles de défense aérienne) et Fremm (frégates multimissions) se déroulent comme prévu. Côté français, la Fremm a effectué avec succès un mois d'essai à la mer tandis que côté italien la mise à l'eau est prévue en juillet.

 

Pour autant, l'A400M a longtemps été menacé d'un échec retentissant. Quelles leçons avez-vous tirées de ce psychodrame européen ?

Le programme A400M sera sans aucun doute une grande réussite. Nous n'avons pas de problèmes particuliers sur le développement de cet avion. Les quatre appareils ont accumulé à fin mai 1.600 heures conformément au nouveau calendrier défini entre AMSL, l'Occar et les sept pays clients. Nous livrerons le premier avion dans sa version initiale à la France fin 2012, début 2013 et la dernière version (sur les cinq) sera livrée à partir de 2018. Quelles leçons avons-nous tirées ? Nous avons accordé une trop grande confiance à l'industriel à la signature du contrat commercial initial. Nous avons voulu innover sur le plan de la contractualisation et nous sommes allés trop loin dans la flexibilité. Nous n'avions pas de visibilité sur ce qui se passait chez l'industriel. C'est pourquoi nous avons exigé, à l'image des autres programmes militaires que nous gérons, d'avoir une meilleure visibilité chez l'industriel sur la gestion de l'A400M, sans pour autant perdre les avantages de l'approche commerciale.

 

Qu'avez-vous mis en place pour une meilleure gestion ?

Nous avons des points de rendez-vous réguliers. Le reporting est plus précis, plus complet. Il y a maintenant une très bonne coopération entre l'équipe OCCAR et l'équipe d'AMSL (Airbus Military Sociedad Limitada). Nos équipes travaillent de façon bien plus intégrée dans tous les domaines : le développement et la gestion, le suivi des essais en vol, la mise en route de la production et la préparation du soutien en service. Sans être intrusif, nous avons aujourd'hui une meilleure visibilité sur le programme et nous pouvons déceler rapidement les aléas qui peuvent surgir. Et contrairement à ce qui a été dit, l'avion n'est pas trop compliqué à développer et toutes les spécifications, à l'exception d'une seule option sur le Flight Management system, ont été gardées.

 

N'êtes-vous pas déçu par le peu de programmes réalisés en coopération et confiés à l'Occar ?

Les Etats ne lancent pas beaucoup de nouveaux programmes en coopération. Le repli sur soi ne me semble pas une bonne stratégie sur le long terme même s'ils le font pour préserver certaines de leurs activités. Sur les 50 milliards d'euros d'investissements annuels des pays européens en matière d'armements, le montant des programmes réalisés en coopération s'élève à 9 milliards d'euros. Soit moins de 20%. Sur ces 9 milliards, l'Occar en gère environ trois milliards. C'est une proportion faible mais elle devrait augmenter avec la contraction des budgets de défense. Car l'Occar permet de réduire les duplications et assure une meilleure rationalisation industrielle et opérationnelle. L'Italie et la France ont d'ailleurs récemment confié à l'Occar le programme satellitaire Musis.

 

Pourquoi les programmes en coopération sont-ils aussi peu nombreux ?

Il existe un déphasage au plan calendaire et budgétaire dans le lancement des programmes dans les différents pays. Il y a également une réelle difficulté à faire converger les besoins des armées européennes. Enfin, les industriels se livrent parfois à une compétition féroce qui nuit à la mise en place de programmes en coopération. Et la dispersion des moyens industriels (trois avions de combat européens...) ne facilite pas non plus la coopération.

 

En même temps, le NH90, un des programme phares de la coopération européenne, a été confié à une agence de l'Otan, la Nahema.

Dans le cadre de la restructuration de ses agences de programmes, l'Otan pourrait étudier le transfert à l'Occar de la gestion de ce programme. Cela aurait une certaine logique.

 

L'Agence de défense européenne (AED) est-elle en concurrence avec l'Occar ?

Non, les deux organisations sont complémentaires et partenaires. L'AED travaille en amont en identifiant les besoins capacitaires et les possibilités de coopération entre les pays. Elle n'a pas vocation à gérer les programmes à l'exception de certains projets de R&D et d'étude de réduction des risques. Nous avons convenu d'éviter strictement les duplications et de nous focaliser sur ce que les deux organisations peuvent apporter chacune de plus efficace aux nations. Avec le programme Essor (Software Defined Radio), nous avons montré un bon exemple de complémentarité.

 

L'axe franco-britannique est-il une menace pour l'Occar ?

Ce n'est pas du tout une menace. L'Occar sait aussi bien accompagner une coopération bilatérale que multilatérale. Nous sommes les mieux placés pour gérer des programmes franco-britanniques. D'ailleurs, la France et la Grande-Bretagne devraient confier prochainement à l'Occar un démonstrateur portant sur la lutte contre les mines maritimes. A terme, il devrait déboucher sur un programme destiné à succéder aux actuels chasseurs de mines.

 

Quel est l'avenir de l'Occar ?

L'une des grandes idées fortes pour pérenniser l'Occar est de s'occuper de la gestion des programmes tout au long de leur vie c'est-à-dire d'être en charge non seulement des phases de développement et de production, mais également du soutien en tant que maître d'ouvrage pour le compte des Etats. C'est déjà le cas pour des programmes comme le Tigre et le Cobra, et bientôt pour les missiles de défense aérienne (FSAF) et pour l'A400M. La France et la Grande-Bretagne, qui ont une approche commune, ont l'intention de confier à l'Occar le soutien des A400M. La Turquie nous consulte. L'Espagne et la Belgique sont moins pressées. Enfin, l'Allemagne n'a pas encore complètement défini sa politique sur ce dossier.

 

Si l'Occar obtenait la gestion d'un futur programme d'avions de combat, elle aurait une plus grande légitimité...

Bien sûr il serait très important que l'Occar soit partie prenante d'un tel programme sur le long terme ... mais ce n'est certainement pas pour demain. Il nous faudra déjà être présents au moment des étapes intermédiaires, par exemple dans le développement d'un Ucav à la suite des démonstrateurs européens en cours de développement. En outre, nous participons aux discussions dans le cadre de l'AED en vue de la mise en place d'une formation commune des pilotes d'avions de combat.

 

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Commentaire 1
à écrit le 08/06/2011 à 7:47
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l'OCCAR est vouée à l'immobilisime tant qu'une véritable définition de l'europe du futur n'aura pas lieu. L'europe des nations restera une pomme de discorde permanente. Mais il faut convenir que ce choix est apprécié de tous nos dirigeants. La coqui...

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