L'armée française passée au révélateur de l'intervention libyenne

Par Michel Cabirol  |   |  614  mots
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Avec l'opération Harmattan, les états-majors ont dû se résoudre à faire des arbitrages en raison de certaines lacunes en termes de capacités et des contraintes budgétaires.

Cocorico ! La France s'en est tirée avec les honneurs en Libye où les avions de l'armée de l'air et de la Royale avaient réalisé à fin septembre environ 4.500 sorties et les hélicoptères de l'armée de terre une trentaine de raids sans aucune perte. Soulagés par le succès de leurs hommes et des matériels sur le terrain, les états-majors sont actuellement tout sourire à l'heure des retours d'expérience (retex) de Libye. Pour autant, l'opération Harmattan a révélé certaines lacunes capacitaires des armées au moment où elles étaient déjà engagées dans de nombreux conflits (Afghanistan...) et soumises à une lourde restructuration.

C'est le cas notamment pour la marine. L'intervention en Libye « démontre que le format de notre marine est aujourd'hui juste suffisant pour répondre aux ambitions de défense et de sécurité de notre pays », a regretté le chef d'état-major de la marine, l'amiral Bernard Rogel, devant la commission de la Défense. Très clairement, il a dû faire des arbitrages et n'a pu honorer « toutes les demandes, notamment certaines prévues par le contrat opérationnel de la marine ». Par exemple, la France n'a pas pu compter pendant quatre mois sur des sous-marins d'attaque (SNA) patrouillant dans les eaux de l'Atlantique. La marine a retiré de l'opération contre la piraterie Atalanta (l'avion de patrouille maritime à long rayon d'action), l'Atlantique 2, et a dû annuler deux missions sur quatre de lutte contre le narcotrafic en Méditerranée.

Le délégué général pour l'armement (DGA), Laurent Collet-Billon, a également constaté que la Libye a « fait aussi apparaître quelques insuffisances [...] prévisibles dans la mesure où elles correspondent à des opérations différées en raison d'arbitrages budgétaires ». Les principales lacunes ont été identifiées dans les drones de surveillance dits MALE (Moyenne altitude, Longue endurance) et les avions ravitailleurs, les États-Unis ayant assuré 80 % des missions de ravitaillement en vol en Libye. Paris a d'ailleurs commandé à Dassault Aviation un nouveau système de drones MALE, sur la base du Heron TP fabriqué par la société israélienne IAI, en vue de le livrer aux armées françaises en 2014. En revanche, le premier exemplaire du programme MRTT (avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport) ne sera livré qu'en « 2017 au lieu de 2010, et le dernier en 2024 », selon le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Jean-Paul Paloméros.

L'armée demande des bonus

Mais c'est le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements qui a le plus préoccupé les états-majors. « Cette bataille du MCO, nous l'avons en partie gagnée, a expliqué le général Paloméros. J'en veux pour preuve le fait que depuis près de sept mois, nous volons en permanence en Libye et en Afghanistan et sur tous les théâtres, avec une disponibilité de l'ordre de 95 % ». Mais « cet effort a un prix et une influence sur l'entraînement et la régénération de nos forces. Ainsi nos jeunes ont-ils moins volé que nous l'avions prévu : de 110 à 130 heures pour les pilotes de chasse alors que les objectifs sont de l'ordre de 180 heures, conformément aux standards OTAN ». L'armée de l'air demande un bonus de 120 millions d'euros pour rattraper ce retard. C'est aussi le cas pour la marine qui revendique 100 millions en raison d'un « surcroît de dépenses inhabituel sur les périmètres MCO naval et aéronaval », selon l'amiral Rogel, qui déplore que « la disponibilité des forces n'a pu être maintenue qu'au prix d'une tension extrême sur nos moyens de soutien ».