Le scandale de corruption qui secoue le deuxième groupe industriel italien

Par Frank Paul Weber  |   |  772  mots
Pier Francesco Guarguaglini, président de Finmeccanica
Finmeccanica, géant italien dans les activités de défense et d'aéronautique, est sens dessus dessous: certains des responsables commerciaux ont été arrêtés pour malversations, corruption alimentant des caisses de partis politiques. A cela s'ajoute un conflit dans la gouvernance du groupe, entre les numéros un et deux de Finmeccanica. Le tout dans un contexte de pertes et d'une lourde dette. Du coup le groupe contrôlé par l'État italien veut céder au plus offrant ses activités ferroviaires.

Près de 71.000 salariés, et 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires : le groupe italien Finmeccanica est à l'échelle de son pays un géant.

Deuxième groupe industriel de la Péninsule après Fiat, Finmeccanica est depuis des mois en pleine tempête tant en raison de sa piètre performance financière que pour sa gouvernance controversée. Lundi soir, l'administrateur délégué du groupe, Giuseppe Orsi, en poste depuis un peu plus de six mois, a demandé, selon Il Sole 24 Ore, la démission de la dirigeante d'une de ses filiales (Selex Sistemi Integrati), Marina Grossi, épouse dans le civil du président de Finmeccanica, Pierfrancesco Guarguaglini.

Malgré cette mise en demeure du principal dirigeant de sa société-mère, Marina Grossi, apparemment soutenue par le conseil d'administration de Selex SI tout acquis à sa cause, a refusé de démissioner.

En cause, non pas cette singulière cohabitation du couple Guarguaglini-Grossi à la tête du management - souvent dénoncée mais jamais remise en cause - mais le scandale entourant l'octroi de marchés à Selex SI par la société privée du contrôle aérien italien, l'Enav. Des opérations auraient été surfacturées pour créer des caisses noires alimentant la corruption de dirigeants, notamment politiques. Le directeur commercial de Selex SI, Manlio Fiore a été arrêté. Le directeur commercial du groupe, Paolo Pozzessere, avait, lui, démissionné dès cet été à la suite d'accusations de corruption lors d'appels d'offres à l'étranger.

"Quelques unes des négociations pour la vente de produits de Finmeccanica, en Colombie, en Arabie saoudite, en Malaisie, semblent fortement liées au paiement de transactions illicites", rapporte le parquet de Naples, cité par Il Messagero. Parmi les personnes impliquées figurerait le directeur commercial de Whitehead Alenia Systemi Subacquei (WASS), la filiale sous-marine de Finmeccanica, Filippo D'Antoni, par ailleurs gendre de Guarguaglini... WASS coopère notamment avec Thalès Underwater Systems (TUS) pour l'équipement en systèmes de sonars des frégates franco-italiennes Horizon.

L'affaire fait désormais la "une" des journaux de l'autre côté des Alpes. Au point que le président de Finmeccanica a dû publier ce mardi matin un communiqué concernant son propre rôle dans le scandale.

Pier Francesco Guarguaglini y déclare "de façon catégorique de n'avoir jamais créé de caisses noires, et n'avoir jamais octroyé ni donné l'ordre d'octroyer des sommes d'argent à des personnalités politiques et/ou des partis". Il en faudra beaucoup plus pour arrêter les révélations qui surgissent désormais de toutes parts, noatmment d'anciens collaborateurs de Finmeccanica.

Déjà, sans ces problèmes plutôt "familiaux", les rapports entre le nouvel administrateur délégué de Finmeccanica Orsi et son président Guarguaglini n'étaient déjà pas au beau fixe : la semaine dernière, le président de Finmeccanica n'a même pas assisté au conseil d'administration durant lequel Orsi a dû annoncer une perte de 324 millions d'euros à fin septembre. La semaine prochaine au plus tard, un "règlement de compte" est attendu entre les deux hommes. Giuseppe Orsi, bien que nommé avec l'appui de figures de la coalition de Silvio Berlusconi, détrôné il y a peu de la direction du pays, essaie tant bien que mal de faire le ménage au sein de Finmeccanica.

Les pertes annoncées le 15 novembre, notamment la charge "exceptionnelle" de 753 millions d'euros sur le seul exercice 2011 en raison de "non conformités" de pièces du Boeing 787 déjà livrées, ont fait dégringoler, ce jour là, le titre de Finmeccanica de 20% à la Bourse de Milan. Depuis le début de l'année, la valeur boursière du groupe a chuté de 62%, le groupe ne valant plus que 1,86 milliard d'euros, presque quatre fois moins qu'il y a dix-huit mois. Une mauvaise nouvelle pour l'Etat italien, actionnaire à hauteur de 32,4% du groupe. Le Trésor italien devra déjà faire une croix sur d'éventuels dividendes pour 2011. La dette du groupe a elle gonflé de 1,5 milliard d'euros en à peine neuf mois.

Du coup, pour réduire la dette et augmenter la trésorerie, l'administrateur délégué vient d'annoncer la cession pour 1 milliard d'euros d'actifs d'ici à la fin 2012.

Giuseppe d'Orsi a évoqué en particulier la vente "de la totalité du secteur ferroviaire" de Finmeccanica, soit sa filiale AnsaldoBreda, construisant des trains, et AnsaldoStS, spécialisée dans la signalétique ferroviaire. Les noms des concurrents Bombardier et Alstom sont avancés dans la presse italienne comme de possibles acquéreurs, probablement à vil prix au vu de l'urgence de vendre du coté italien.