Méga-commande de missiles : la France suspendue à la décision du roi d'Arabie Saoudite

L'un des enjeux de la visite de François Hollande en Arabie Saoudite est l'obtention d'un contrat de 4 milliards d'euros pour Thales... à condition que le roi confirme son accord. Au-delà, les deux chefs d'Etat vont évoquer les dossiers chauds de la région : Iran, Liban, Syrie, Egypte...
Michel Cabirol
La signature du contrat Mark 3 est désormais une décision politique de l'Arabie Saoudite en faveur de la France

Le suspense va donc durer jusqu'au bout... pour Thales, qui aurait bien voulu éviter cette attente insoutenable. Le groupe électronique va-t-il ou non obtenir lors des entretiens entre François Hollande, qui se rend en Arabie Saoudite ce dimanche et lundi, et le roi Abdallah, la promesse de ce dernier de signer un contrat estimé à 4 milliards d'euros en vue d'équiper le royaume d'un système de défense aérienne de courte portée ? C'est l'un des enjeux de la visite du Chef de l'Etat, qui évoquera, outre la situation politique de la région (Iran, Liban, Syrie, Egypte...), ce dossier commercial lors de ses entretiens avec le roi, selon nos informations. Mais le souverain saoudien n'a pas pour habitude de participer à des cérémonies de signature lors de ce type de visite. Bien que chez Thales, on garde encore un petit espoir...

Initialement, pourtant, il était plutôt question que François Hollande remercie le roi pour la signature de ce contrat baptisé Mark 3, découpé en deux tranches (2,5 milliards puis 1,5 milliard d'euros pour les missiles). Ce ne sera vraisemblablement pas le cas puisqu'il manque toujours au bas du contrat la signature du ministre de la Défense, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud,qui est également depuis juin 2012, le prince héritier de la dynastie saoudienne. Le document est prêt - le prix et les spécifications techniques ont été arrêtés début septembre - et a même été paraphé par les deux parties, le ministère de la Défense (Moda) et la société ODAS, qui représente dans le royaume les intérêts des grand industriels de l'armement français, dont Thales.

Une décision politique

A la fin de l'été, le roi, interrogé par son cabinet, avait donc donné son accord à la signature de Mark 3. Mais peu de temps après, le prince Bandar ben Sultan ben Abdelaziz Al Saoud, chef des services de renseignements, avait lancé cet automne un audit sur toutes les négociations en cours et les contrats à la signature"Ils sont en train de revoir leur politique d'acquisition pour optimiser leurs achats", assurait alors un industriel à "La Tribune". Notamment en raison des relations actuelles très fraîches entre l'Arabie Saoudite et les États-Unis, précisait-il. C'est peut-être la raison de ce contre-temps. D'autres industriels rivaux (MBDA-EADS) estiment quant à eux que les Saoudiens ne veulent plus des systèmes Crotale NG proposés par Thales.

En tout cas, l'Elysée a une nouvelle fois tranché lors de la préparation de cette visite pour l'offre du groupe d'électronique. Et François Hollande, qui a adressé un courrier au roi Abdallah en ce sens, devrait évoquer ce dossier avec le monarque saoudien. D'autant que c'est le seul contrat dans le domaine de la défense qui peut être signé à tout moment. Aussi, la discussion entre les deux chef d'Etat va être disséquée par Thales et ses concurrents. "C'est le roi qui va trancher", résume une source proche du dossier. S'il promet à François Hollande une signature du contrat, ce ne sera plus question de temps. Ce geste en faveur de la France est désormais une décision politique, estime-t-on.

Liban, Syrie et Egypte au centre des discussions 

A la veille du Nouvel An, François Hollande sera surtout en Arabie saoudite pour évoquer les crises qui secouent le Moyen-Orient, à commencer par le Liban, la Syrie ou l'Egypte. Un an après s'être entretenu avec le roi Abdallah lors d'une brève escale entre Beyrouth et le Laos, le président français retrouvera le souverain saoudien dimanche lors de cette visite officielle, en plein désert, à Rawdat Khurayim, à 60 km au nord-est de Ryad.

François Hollande sera accompagné de quatre ministres, Laurent Fabius (Affaires étrangères), Arnaud Montebourg (Redressement productif), Nicole Bricq (Commerce extérieur) et Jean-Yves Le Drian (Défense) ainsi que d'une trentaine de dirigeants d'entreprises parmi lesquelles EDF, Areva, Alstom et Thales.

L'Arabie Saoudite partenaire de référence pour Paris

Au chapitre diplomatique, l'Arabie saoudite, souligne-t-on à Paris, "prend des responsabilités croissantes" au Moyen-Orient où elle fait désormais figure de "partenaire de référence" pour la France. Mais le royaume est devenu aussi le premier client de la France dans la région avec des échanges qui ont dépassé 8 milliards d'euros en 2013 dont 3 milliards d'exportations françaises, même si la balance reste structurellement déficitaire compte tenu des importations de pétrole saoudien.

Le Liban s'invitera sans nul doute dans les conversations, deux jours après l'attentat à la voiture piégée commis vendredi à Beyrouth et qui a coûté la vie à un proche conseiller de l'ex-Premier ministre Saad Hariri, hostile au régime syrien et à son allié le Hezbollah. Les dirigeants français et saoudien devraient discuter des moyens de conjuguer leurs efforts dans deux domaines jugés "cruciaux" par l'Elysée : le soutien à l'armée libanaise et la question des réfugiés syriens.

Convergence sur l'Iran

Ryad s'inquiète des interférences iraniennes dans les affaires arabes et notamment au Liban où son influence s'exerce également via le Hezbollah, tandis que la France s'oppose à un accord sur le nucléaire iranien aux conditions de Téhéran et qui conduirait à une normalisation des relations avec Téhéran. Paris soupçonne le programme nucléaire iranien de dissimuler des finalités militaires. François Hollande devrait ainsi réitérer sa volonté de présenter des "exigences fortes à l'égard de l'Iran sur le dossier nucléaire mais aussi, et de manière plus générale, sur son comportement dans la région", dit-on encore à l'Elysée.

Après leur rencontre à Rawdat Khurayim, les dirigeants français et saoudien se retrouveront pour un dîner de travail avant que le président français ne gagne l'ambassade de France à Ryad pour y tenir une conférence de presse et y recevoir la communauté française. Le lendemain, le chef de l'Etat français poursuivra ses entretiens avec les dirigeants saoudiens et participera à un déjeuner d'hommes d'affaires des deux pays.

Au-delà du Liban, François Hollande et les dirigeants saoudiens devraient balayer le champ complet des crises régionales. S'ils estiment de la même manière, selon Paris, qu'il "n'y a pas de solution politique autour de Bachar al-Assad", le numéro un syrien, ils divergent en revanche sur l'Egypte. Ryad apporte un soutien inconditionnel au nouveau pouvoir égyptien alors que Paris prône un large dialogue national.

Perspectives commerciales

Ce rapprochement diplomatique avec Ryad devrait aussi être l'occasion de marquer des points sur le plan économique. Les relations commerciales ont été marquées par "de beaux résultats en 2013" avec le métro de Ryad revenu à Alstom, l'équipement de la Garde nationale saoudienne par la France par le missilier MBDA ou la mise à niveau d'une partie de la flotte saoudienne par DCNS et Thales, souligne-t-on à l'Elysée où l'on s'attend encore à de "brillantes" perspectives l'an prochain.

Outre ses gigantesques besoins en infrastructures qui font rêver les géants du BTP comme Vinci ou Bouygues, le pays poursuit la modernisation de ses équipements militaires qui pourrait déboucher sur d'importants contrats pour Paris. Outre Mark 3, la France s'intéresse de près aux besoins de la marine du royaume. Avec l'aval de l'Arabie Saoudite, François Hollande abordera le contrat de Sawari 3, qui portent sur la vente de six frégates multimissions Fremm de DCNS et la création d'une force sous-marine. Soit entre 15 et 20 milliards d'euros. "Il existe une forte volonté de Ryad d'avancer rapidement sur ce dossier, assure-t-on à La Tribune. C'est en plus un projet fédérateur pour la France et les groupes DCNS, Thales, EADS et MBDA".

Paris vise des investissements saoudiens en France

Paris aimerait participer au programme nucléaire saoudien et livrer ses Airbus à la compagnie Saoudia, mais aussi attirer davantage d'investissements "productifs" saoudiens en France, comme ceux qui ont permis le sauvetage du volailler Doux.

"Les grands programmes d'équipement saoudiens correspondent aux domaines d'excellence des entreprises françaises. La France offre, quant à elle, des opportunités pour les investissements saoudiens qui peuvent y trouver le savoir-faire, les technologies et les services qu'ils recherchent", explique ce dimanche François Hollande dans une interview au quotidien saoudien Al Hayat.

Michel Cabirol

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Commentaires 26
à écrit le 09/01/2014 à 13:02
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et ces beaux voyages perclus de luxe, c'est le contribuable qui crache au bassinet..... et les patrons du CAC40 qui emmagasinent les bénéfs, pas le pays.....

à écrit le 31/12/2013 à 22:37
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Selon la gauche le président Sarkozy ne devait pas aller aux JO de Pékin car les droits de l'homme n'y étaient pas respectés! Actuellement la quenellophobie anti-raciste et anti-nazie d'Etat bat son plein en France étayée est-il dit sur une v...

le 06/01/2014 à 18:08
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110 % d'accord avec vous!!! félicitations!! un commentaire d'une lucidité de 800 watts.

à écrit le 30/12/2013 à 15:57
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Avec la vanne de M.Hollande sur l'Algérie,comment considérer cette démarche en Arabie???? Il s'agit d'une agitation pour dévier des préoccupations réelles de la France,car marcher sur le terrain US,n'est pas du niveau Gaulois,quel-qui soit. avant d...

à écrit le 30/12/2013 à 10:52
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Je suis un peu perdu avec cet article cire pompes... ,c'est une blague ou de la désinfo ordinaire...?

le 06/01/2014 à 18:11
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Il faut cirer les pompes des Saoudiens et des Qataris, mon cher, Europe et pays émergents de plus en plus nos concurrents, c'est tout qu'il nous reste à faire.

à écrit le 30/12/2013 à 1:39
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La France est déjà gagnante dans cette visite avec l'importante aide apportée à l'Arabie Saoudite au Liban qui bénéficie aux français. Reste à équilibrer les échanges avec la première, mais aux français de se sevrer du pétrole et là ils sont très en ...

à écrit le 29/12/2013 à 20:10
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Quelles vont être les contreparties exigées par les saoudiens pour la signature du précieux papier? Nous ne le saurons jamais mais gageons que Hollande en quête d'un succès commercial à l'export, après le bide brésilien saura se montrer très concilia...

à écrit le 29/12/2013 à 19:59
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Si c'est comme avec le Brésil. Annonce quand Normal Ier sera revenu au pays.

à écrit le 29/12/2013 à 17:08
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Si on signe ce contrat ridicule, je n'ose même pas imaginer la contre partie ? Quel bijoux de famille, quel accord sera en réalité accepté pour un effet d'annonce de quelques heures ?!! Si c'est remis en question c'est bien pour une raison, et l'une ...

à écrit le 29/12/2013 à 15:00
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Combien de mosquées en France en échange de ce contrat?

le 29/12/2013 à 15:21
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@jeer: Vous êtes très mal renseigné! L'Arabie Saoudite n'a pas besoin de mettre sur la balance un contrat d'armement pour la construction de mosquées en France. L'Arabie Saoudite finance depuis plusieurs décénies, et dans tous les pays occidentau...

le 29/12/2013 à 17:54
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Réaction simpliste d'un petit frontiste..

le 30/12/2013 à 8:45
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@@jeer C'est pourtant comme ça que ça se passe.

le 30/12/2013 à 10:27
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et combien d’églises construite dans les pays musulman?

le 30/12/2013 à 11:39
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@ameno: Zéro église, zéro temple boudiste et autre! Même mieux en Arabie Saoudite et autres pays progressistes de la région, toute autre religion est interdite, vous pouvez prier dans votre cave mais attention à ne pas être dénoncé par votre voi...

à écrit le 29/12/2013 à 14:00
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Bof comme d'habitude! On nous parle de contrats faramineux incessemment sur le point d'être signés à la mode "Rafale". On connaît la suite... Une seule question se pose: Pourquoi est-ce que les médias jouent le jeu des politicards en mal de gloire...

le 29/12/2013 à 16:07
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Assez bien vu... Comme DAB les Média vendent la peau de l'ours, et même font ce qu'il faut pour que l'ours s'enfuie... Chez les autres (américains, ou Brits, généralement). C'est comme en sport, les média titrent toujours, on va gagner, on va gagner,...

le 29/12/2013 à 18:58
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C'était pas NS qui était aux affaires....? Alors laissez les grandes personnes travailler. Bonne année 2014.

le 29/12/2013 à 20:30
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Que cela soit Hollande ou Sakozy aux affaires importe peux! La France (le pays en général pas son dirigeant) a une image désastreuse à l'étranger. La France n'est plus considérée comme digne de confiance, comme un partenaire sûr! Est-ce vraimen...

à écrit le 29/12/2013 à 12:14
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Sûrement suspendu à l'islamisation de la France.... Voilà sûrement une réalité des commandes des saoudiens ....

à écrit le 29/12/2013 à 10:18
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Il n'y a rien de commercial dans cette histoire, FH s'est rendu en Arabie Saoudite pour vendre le vote de la France aux Saoudiens lors d'une éventuelle résolution de guerre contre la Syrie. Ne soyons pas dupes. Ceci faisant la France se dénigre davan...

à écrit le 29/12/2013 à 9:52
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FH fanfaronne moins que NS, c'est certain, mais pour les résultats, c'est à peu près pareil. Quelle bande de bras cassés.

à écrit le 29/12/2013 à 9:52
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S'il s'en occupe c'est foutu, heureusement sur place il y a de vrais professionnels, Flamby fera de la figuration. Il faudra simplement l'empêcher de sortir de son texte pour qu'il évite de sortir une blague du café du commerce. Blague qui ne fait mê...

à écrit le 29/12/2013 à 8:38
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Peut-être parlera-t-il aussi des Droits de la femme, de la démocratie, des libertés, de l'esclavage, etc.....

à écrit le 29/12/2013 à 8:08
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il va bien balancer une vanne dont il a le secret pour faire capoter l'affaire.

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