Les nanosatellites décollent tous azimuts

En pleine expansion, le marché des nanosatellites aiguise les appétits des fabricants de petits lanceurs. Les coûts de mise en orbite réduisent, ce qui donne naissance à une longue traîne de start-up, tant dans le secteur des lanceurs que dans celui des nanosatellites. La démocratisation de l'espace prend son envol.
Un assemblage de trois CubeSat, avec panneaux solaires déployables en orbite./ DR

Cinq, quatre, trois, deux... Ignition (mise à feu) ! De Kourou à Cap Canaveral en passant par Baïkonour, Ryad ou Bangalore, des fusées comme Atlas V, Delta II, Dnepr, Longue Marche, Minautor, Soyouz, Taurus, ou encore Vega devraient effectuer de 120 à 188 lancements d'ici à 2020, selon une étude du cabinet américain SpaceWorks.

Au bas mot, car le marché est loin d'être fermé, comme le montre l'arrivée, le mois dernier, de la fusée Falcon-9, proposée par un nouvel entrant, SpaceX, créé par Elon Musk, cofondateur de PayPal. Ces tirs s'ouvrent à un nombre croissant de petits satellites qui, dans l'ombre des gros et très gros (de 500 kg à plusieurs tonnes) opérés par des agences gouvernementales (Nasa, Esa, Cnes...) ou des multinationales, « squattent » le volume disponible restant dans les lanceurs.

Selon une étude autour du projet Perseus pour le Centre national d'études spatiales (Cnes), si 71 de ces petits satellites, acceptés en charge auxiliaire, ont été mis sur orbite entre 1999 et 2007, pour la seule année 2012, ce ne sont pas moins de 33 petits satellites qui ont ainsi rejoint l'espace. Et ce n'est qu'un début !

« Le nombre des lancements devrait être multiplié par 2,5 sur les cinq prochaines années », estime Roger Walker, ingénieur systèmes à l'Agence spatiale européenne (Esa).

Cette accélération est stimulée par la diversification des satellites en fonction de leur poids. On parle de minisatellites (de 100 kg à 500 kg), de microsatellites (de 10 kg à 100 kg), de nanosatellites (de 1 kg à 10 kg) et même de picosatellites (moins de 1 kg). Pour la seule période 2013-2015, SpaceWorks prévoit la mise sur orbite de près de 322 nanosatellites. Dont 86 % pèsent de 1 kg à 3 kg.

Pourquoi un tel engouement ?

D'abord, les gros clients, Nasa, Esa et Cnes en tête, se font à l'idée d'accepter, sous certaines réserves, d'autres satellites à bord de la fusée qui transporte la charge principale dont ils sont propriétaires. Seconde raison, l'accroissement du nombre de fabricants de lanceurs attirés par le business :

« Les petits satellites deviennent une source de revenus non négligeable pour les lanceurs et opérateurs de services de lancement », explique Spas Balinov, directeur général de NovaNano, une start-up française créée en 2009, qui s'est spécialisée dans le courtage en services de lancement, la fabrication de composants pour nanosatellites ainsi que de plates-formes de nanosatellites complets.

En témoigne l'ukrainien Dnepr, qui fabrique des lanceurs à partir d'un stock d'anciens missiles intercontinentaux balistiques : l'un de ses derniers vols vient de déployer 34 petits satellites ! Avec 22 % des lancements de satellites de 1 kg à 10 kg et 29 % de ceux de 11 kg à 50 kg sur la période 2000-2012, Dnepr est d'ailleurs, de loin, le leader mondial. Suivi par l'indien Polar Satellite Launch Vehicle (12 % et 9 % du marché). Pour sa part, Vega (Arianespace) en détient 6 % et 1 %.

Lancements moins chers et standardisation en vue

« On trouve des créneaux de lancement à 100.000 euros pour un satellite de 1 kg et à 1 million d'euros pour un satellite de 20 kg », reprend le DG de NovaNano, qui a négocié auprès de Soyouz son premier créneau de lancement le 19 avril dernier pour le satellite de radio amateur OSSI-1 du Sud-Coréen Future Electronic Technology Mixer.

« De fait, les lanceurs préfèrent passer par les courtiers avec lesquels ils ont développé une relation de confiance afin de massifier la collecte de projets de satellites à lancer. »

Le courtier américain Spaceflight Services affiche ouvertement ses tarifs sur Internet : 90.700 euros pour 1kg en orbite basse (jusqu'à 2.000 km d'altitude) à 2,360 millions pour 20 kg en orbite géosynchrone (35.784 km au-dessus de l'équateur). L'Américain est talonné, entre autres, par le Néerlandais Isis, le Danois GomSpace et le Français NovaNano. Pour presser encore davantage les prix de lancement, certains pensent à lancer qui une navette, qui un missile à partir d'un avion en altitude.

« Au Cnes, il y a eu un tel projet avec Dassault. Mais il n'y avait pas assez de satellites à lancer. Le projet a été abandonné. À présent, ces réflexions redeviennent d'actualité », confie Didier Vassaux, directeur des activités transverses à la direction des programmes du Cnes.

En effet, S3 (Swiss Space System) conçoit une navette spatiale qui décollera à 10000 d'altitude du dos d'un Airbus A300 et atterrira en vol plané afin d'être réutilisée à la demande. S3 prévoit son premier vol commercial en 2018 à un prix de 8,2 millions d'euros par vol pour 250 kg de charge utile, soit 33000 euros le kilogramme.

Au pays de la Nasa

De son côté, l'Américain Generation Orbit Launch Services (GOLS) préfère recourir à un petit jet privé, le G3 de Gulfstream, et à un missile de chez Ventions qui va emporter de petites charges de 40 kg. Lauréate en novembre 2012 du concours NewSpace Business Plan de la Nasa - qui, depuis, lui a passé une commande de 1,5 million d'euros -, la start-up compte procéder à son premier lancement en 2016.

Prix du lancement : 730.000 euros, soit moins de 20.000 euros le kg. Qui plus est, GOLS compte réduire le délai de notification du lancement à 1 jour ! Autre moteur de cette démocratisation de l'espace : la création d'un standard de nanosatellite baptisé CubeSat. Déployé pour la première fois dans l'espace en 2003, ce nanosat a été inventé par les professeurs Bob Twiggs (université de Stanford) et Jordi PuigSuari (California Polytechnic State University). Ce cube, qui embarque ses panneaux solaires sur ses facettes, pèse 1 kg et mesure 10 cm d'arête.

« Grâce à cette standardisation, des start-up, issues généralement d'universités, ont émergé pour concevoir et fabriquer des composants ou des plates-formes complètes de nanosatellites, remarque Roger Walker, de l'Esa.

Aujourd'hui, il est possible de faire un nanosat entièrement à partir d'éléments sur étagère pour 200.000 à 300.000 euros. On peut aussi assembler les CubeSat par 2, 3, 6 ou 12 pour composer un satellite spécifique plus grand et plus puissant. »

De fait, les universités américaines sont à l'origine d'une vingtaine de start-up. Comme Deep Space Industries, GeoOptics, Planet Labs, Planetary Resources, Pumpkin ou Skybox. Cette dernière vient de lever 65 millions d'euros pour fournir, grâce à une constellation d'une vingtaine de satellites, des images spatiales d'observation de la terre. Notamment pour indiquer aux chaînes de supermarchés le taux d'occupation des parkings de ses concurrents. Autre belle levée de fonds, les 9,5 millions d'euros de Planet Labs qui se positionne en concurrent direct de Skybox.

Les constellations de nanosats, voi d'avenir

De son côté, l'Europe compte moins de startup mais de belles pépites. À commencer par l'écossaise Clyde Space et l'anglaise Surrey Satellite Technology Ltd (rachetée par EADS Astrium), toutes deux spécialisées dans les microsatellites. En nanosat, citons GomSpace et Isis qui offrent le courtage de lancement, le test spatial (amplitude thermique, pression, radiations...) des composants, la fabrication de sous-systèmes et platesformes complètes ainsi que les services de liaison au sol et de collecte de données satellitaires.

« Aujourd'hui, 80 % des CubeSat sont lancés partout dans le monde par des universités ou des agences spatiales gouvernementales dans un but pédagogique : apprendre aux élèves ingénieurs à relever des défis du spatial », souligne Julien Hennequin, responsable commercial d'Isis qui réalise un chiffre d'affaires 2012 de 5 millions d'euros avec 50 personnes.

Pour faciliter cette dissémination des nanosats, Clyde Space, GomSpace et Isis ont ouvert des boutiques électroniques. Celle d'Isis, CubeSatShop.com, donne ainsi accès à tous les composants sur étagère pour fabriquer un satellite complet.

« Nous distribuons ainsi les produits d'une quinzaine de partenaires. Dont GomSpace, Pumpkin, Clyde Space, ESL (Afrique du Sud), Head (Chine). Bien sûr, nous ne vendons pas à n'importe qui », tente de rassurer Julien Hennequin qui commercialise l'équivalent d'une dizaine de CubSat.

 Bien entendu, l'expérimentation scientifique et la démonstration technologique sont de puissants moteurs de développement.

« Avant d'embarquer dans un grand satellite le dernier processeur d'Intel, on peut tester son durcissement, notamment aux radiations, dans un nanosat. Une fois la démonstration faite, on pourra alors l'intégrer plus facilement à un gros satellite », décrit Frédéric Saigné, directeur de la Fondation Van Allen, à l'origine du premier centre spatial universitaire français qui vient d'être inauguré à Montpellier.

Mais à vrai dire, l'avenir réside dans les constellations de 20 à 50 nanosats. En témoigne le premier satellite de la constellation Triton, qu'Isis a mis en orbite le mois dernier. Objectif à terme : collecter pour deux fois moins cher les signaux radio spécifiques qu'émettent les bateaux (identité, cargaison, destination, etc.).

« L'intérêt, c'est de dire au capitaine de réduire sa vitesse pour économiser du carburant car il y a beaucoup d'attente à Rotterdam, souligne Julien Hennequin. Quant aux douanes, elles sauront quels bateaux contrôler en priorité. Par ailleurs, ce système aidera à repérer les navires suspects dans les zones de piraterie... »

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>>> FOCUS

ROBUSTA, LE PREMIER NANOSATELLITE ÉTUDIANT FRANÇAIS

En février 2012, 300 étudiants de l'université Montpellier 2 ont vu le fruit de plusieurs années de travail concrétisé par le lancement, à Kourou, de Robusta, le premier nanosatellite étudiant français. Une démonstration de la volonté de la région à construire une filière complète de nanosatellites étudiants dans la capitale languedocienne.

Dans un premier temps a ainsi été créée la Fondation Van Allen, qui rassemble du beau monde : le Cnes, l'Esa, le constructeur de satellites Astrium, le fabricant de circuits électroniques en trois dimensions 3D Plus, le leader européen des contrôles de systèmes satellitaires, Intespace, et l'Université de Montpellier 2 (UM2). Objectif ? Financer des satellites étudiants en développant des relations avec les industriels et créer le premier Centre spatial universitaire (CSU) français.

Un centre qui accueille déjà sa première start-up, Systheia, portée par la société suisse Micro Camera & Space, spécialisée dans les microcaméras - dont celle qui est à bord du robot Curiosity actuellement sur Mars. Le CSU vient d'annoncer la construction d'un bâtiment de 2.000 m2 pour 2015 ainsi que le lancement du programme Janus : la construction de 15 nanosatellites étudiants dans toute la France, financés par le Cnes, en complément du programme européen QB50 de 50 CuberSat provenant de toute l'Europe.

 

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Commentaire 1
à écrit le 13/03/2015 à 22:17
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S' il vous plaît , je veux que vous m' aidiez à un objectif (TTC pour nanosatellite);Si vous avez des informations

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