Airbus et Safran lancent une OPA sur les activités spatiales de l'Etat

Safran et Airbus Group veulent mettre la main sur l'autorité de design des lanceurs logée au Centre national d'études spatiales (CNES) et sur Arianespace. L'Etat resterait le maître d'oeuvre de la stratégie spatiale.
Michel Cabirol
Airbus Group et Safran vont créer une entreprise commune dans le domaine des lanceurs
Airbus Group et Safran vont créer une entreprise commune dans le domaine des lanceurs (Crédits : reuters.com)

C'était dans l'air depuis un bon petit moment, notamment dans les esprits des deux industriels Airbus Group et Safran, partenaires de longue date dans tous les programmes de lanceurs européens et de missiles balistiques. Derrière la coentreprise (joint-venture) entre Safran et Airbus Group dans le domaine des lanceurs spatiaux, se cache en fait le vrai objectif de cette opération : mettre enfin la main sur l'autorité de design des lanceurs aujourd'hui, un bijou de technologies logé au Centre national d'études spatiales (CNES) ainsi que sur Arianespace (détenu à 34,6 % par le CNES), responsable des approvisionnements et de l'assemblage final des lanceurs en Guyane et de l'ensemble des opérations de lancements. Ce qui était une incongruité depuis trop longtemps aux yeux des deux industriels dans l'organisation de la filière spatiale.

Arianespace et le CNES vendus ?

Le seul à jouer cartes sur table, c'est le PDG de Safran, Jean-Paul Herteman. "Dans notre idée, la nouvelle entité a vocation aussi à intégrer l'opérateur de lancement Arianespace et les compétences de la direction des lanceurs du CNES", a-t-il déclaré en présence du PDG d'Arianespace Stéphane Israël et du directeur du CNES Jean-Yves Le Gall, en sortant d'une réunion à l'Élysée. C'est ce que disait déjà dans une interview accordé à La Tribune, Stéphane Israël : "L'industrie souhaite récupérer l'autorité de design, les institutions étant davantage dans un rôle d'autorité de certification".

Pourquoi ? Pour récupérer notamment les budgets de développement de l'État français sans qu'ils ne passent entre les mains du CNES, accusé d'avoir "trop de gras" par les industriels et qui sera bientôt réduit au rôle d'une direction générale de l'armement (DGA). Cette opération en deux temps a la bénédiction du président de la République, qui a reçu les impétrants tôt lundi matin et a salué "l'ambition commune affichée par les groupes Airbus et Safran dans le domaine du spatial", une "étape majeure vers la consolidation de la filière spatiale européenne, génératrice d'emploi, porteuse d'avenir, et élément de souveraineté".

C'est ce que confirme la secrétaire d'État chargée du dossier spatial, Geneviève Fioraso. "Les industriels seront responsables de toute la chaîne de valeur, de la conception jusqu'au lancement et la commercialisation, a-t-elle expliqué, l'État restant maître de la stratégie". C'est à eux de trouver la forme juridique adéquate, avec le CNES et Arianespace, a-t-elle précisé. "Le calendrier est serré, on a jusqu'à la fin de l'année pour arriver à ça". La seule question qui se pose : l'État va-t-il maintenant brader ses bijoux ?

SpaceX, un modèle subventionné par la NASA...

Pour forcer la main à l'État et ouvrir son coffre-fort, il fallait donc une action des deux industriels, qui ne pouvait que contraindre les pouvoirs publics à bouger, et un chiffon rouge. En regroupant leurs forces dans les lanceurs spatiaux, les deux industriels ont trouvé le moyen de faire bouger l'État, qui va très certainement abandonner son leadership dans la conception des lanceurs spatiaux. Le chiffon rouge, c'est bien sûr SpaceX, diabolisé pour le danger que l'américain représente mais surtout envié par les industriels pour son modèle intégré. Sauf que ce modèle ne tient que par les aides massives de la NASA au lanceur Falcon.

Mais les industriels ne veulent retenir que les succès de ce modèle bancal bâti dans l'un des pays les plus protectionnistes au monde, les Etats-Unis. Dans une interview accordée le 9 juin à l'AFP, Tom Enders, qui s'est beaucoup investi dans la réussite de cette opération entre Safran et Airbus Group, n'avait pas caché son admiration devant "la vitesse de décision et d'exécution, la capacité de prendre des risques" d'entrepreneurs comme le fondateur de SpaceX, Paypal et Tesla Motors, le milliardaire Elon Musk.

Des synergies ?

Airbus Group et Safran resserrent leurs liens pour proposer une nouvelle famille de lanceurs compétitifs, polyvalents et performants, afin de répondre aux besoins commerciaux et institutionnels du marché, expliquent Safran et Airbus Group. "Notre objectif principal reste l'amélioration de la compétitivité de notre activité lanceurs, a expliqué Tom Enders cité dans le communiqué commun d'Airbus Group et de Safran. Le programme Ariane est un immense succès depuis trente ans, mais pour qu'il demeure viable et compétitif, nous devons mettre en place une structure industrielle nettement plus efficace. C'est ce que les clients attendent de notre part. Notre accord avec Safran est le point de départ d'une aventure passionnante qui verra naître une filière européenne de lanceurs plus intégrée, plus performante et donc plus rentable". A suivre...

Dans un premier temps, Airbus Group, qui n'a pas hésité récemment à tailler dans ses effectifs dans les activités espace, et Safran devraient créer une joint-venture de programmes, regroupant leurs contrats de programmes civils et leurs principales participations dans le domaine des lanceurs commerciaux. A terme, des actifs industriels seraient apportés afin de créer une entreprise à part entière, leader mondial, et détenue conjointement. La création et le début des opérations de la joint-venture sont prévus avant la fin de l'année 2014.

Les deux groupes n'ont jusqu'ici guère évoqué les synergies. Mais elles devraient se jouer à la marge même si ce n'est neutre. Grâce à une entité intégrée, les deux partenaires géreront "plus efficacement les interfaces, ce qui fera gagner du temps et in fine de l'argent", explique un bon connaisseur des dossiers spatiaux. Et puis les deux partenaires devront définir la façon dont ils travaillent en commun, notamment l'organisation industrielle. Ils devront organiser enfin la gouvernance.

Michel Cabirol

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Commentaires 12
à écrit le 07/07/2014 à 9:26
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après avoir donné les clés de l'enseignement supérieur francais aux ricains voilà qu'on leur lègue toute notre techno spataile...ces gens sont à ce point nuls qu'ils prévoient pas l'avenir: ils ne gouvernent pas !!!!...là les sociallistes font bien ...

à écrit le 17/06/2014 à 16:11
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Et comme l'autre pays le plus protectionniste au monde est l'Allemagne, dans 15 ans, tout sera en Allemagne et plus rien en France.

le 26/06/2014 à 16:28
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C'est effectivement un risque (Avec AIRBUS Group) espérons que Safran fera la balance

à écrit le 17/06/2014 à 13:24
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Et dans 10 ans on va pleurer quand GE fera une OPA sur notre fleuron national et nos technologies!

à écrit le 17/06/2014 à 10:45
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Le CNES est une réussite incontestable sur fonds publics, avec la volonté affichée de notre indépendance et ce depuis des années. Par delà les ambitions des uns et des autres il ne faudrait pas que la logique financière "court termiste" par nature vi...

à écrit le 17/06/2014 à 10:18
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On dirait qu'ils son désespérés, Space X va tout défoncer. La tribune, vous n'avez pas rédigé il y a quelques mois un article intitulé "les 8 atouts d'arianespace pour rivaliser avec Space X"? Chacun se rassure comme il peut ha ha ha ...

à écrit le 17/06/2014 à 9:11
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63% du capital de Safran est coté, entendez, détenu par des fonds anglosaxons (qui possèdent en moyenne + de 50% du CAC). Chez AirbusGroup c'est 68% du capital qui est coté, donc probablement aussi US. Si AIrbusGroup et Safran accèdent au CNES, le ...

le 17/06/2014 à 20:52
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que d'âneries et de clichés condensés en si peu de lignes. impressionnant

le 18/06/2014 à 22:06
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@ allo: ces quelques lignes sont très pertinentes au contraire!

le 26/06/2014 à 16:26
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Effectivement c'est un ramassis d'inepsies

à écrit le 17/06/2014 à 8:56
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Ou comment un habile système performant de recherche et développement spatial en équilibre entre subvention d'état et la récupération des bénéfices de la commercialisation des lanceurs, va tomber entre les mains de la scupidité financière. ca va marc...

à écrit le 17/06/2014 à 8:13
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Encore une industrie performante qui est ce qu'elle est grâce aux subventions d'État donc via un financement par le peuple qui va passe dans le giron du secteur privé... Et bien sûr, le montant de sa vente sera très loin de refléter sa valeur réelle ...

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