"Il faut à l’industrie aérospatiale française un socle militaire" (Marwan Lahoud, Airbus Group)

Le directeur général délégué en charge de la stratégie et de l'international d'Airbus Group, Marwan Lahoud, qui préside aussi le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), explique pourquoi il est crucial de préserver en France une industrie de défense forte pour nourrir l’innovation dans le civil. Et de se préparer à la concurrence chinoise ainsi qu’à l’arrivée de nouveaux concurrents, tels SpaceX.
« Pour la France, l’industrie de défense est un investissement productif », Marwan Lahoud, directeur général délègue à la stratégie et à l’international d’Airbus Group / DR

LA TRIBUNE - L'industrie de défense française vit en permanence une épée de Damoclès au-dessus de sa tête avec des coupes budgétaires qui peuvent arriver à tout moment. Comment gérez-vous cette situation ?

Quand l'Etat a besoin de faire des économies, le budget de la défense est le premier vers lequel Bercy se tourne. D'un trait de plume, il peut supprimer des crédits dans le budget de la Défense avec des conséquences qui sont gérées par les industriels, qui s'adapteront quoi qu'il arrive, et les armées. Notre travail est d'adapter l'outil industriel à la demande. Depuis vingt ans, notre industrie s'est radicalement et profondément transformée, les armées aussi d'ailleurs. Il y a vingt ans, l'industrie aéronautique était extrêmement dépendante des crédits militaires. Aujourd'hui il existe très peu d'acteurs industriels de premier rang qui sont purement défense. Ce qui veut dire qu'il y a très peu d'acteurs très dépendants du budget de la défense. Si je prends par exemple Dassault Aviation - car tout le monde pense naturellement que l'avionneur ne vit que grâce au Rafale - et bien Dassault Aviation c'est 70 % de chiffre d'affaires dans le civil ! Pour Airbus Group c'est 80-20.

Vous avez besoin de visibilité...

... Exactement, nous avons besoin de voir. Et la seule exigence que nous avons face aux responsables politiques, nous dirigeants d'entreprises est : « dites-nous ce que vous prévoyez et surtout ne changez pas les règles au milieu de l'exercice ». Nous avons été rassurés par le président de la République et le Premier ministre.

Vraiment ?

Si à chaque fois qu'on nous annonce quelque chose, on commence par se dire : « je n'y crois pas », on ne peut pas avancer. Je crois à la parole du Président de la République et du Premier ministre. Mais je connais également l'équation économique du pays qui est compliquée.

Pourtant en tant qu'industriel de la défense, vous savez ce que valent les promesses des politiques...

... Nous allons regarder tout cela avec attention et vigilance. L'industrie dispose actuellement d'un cadre qui est la loi de programmation militaire (LPM) et d'un budget de la défense en 2014. L'exercice budgétaire est un art difficile. Mais la situation aurait été différente si les arbitrages du Président et du Premier ministre s'étaient terminés par une révision de la LPM. Ce n'est pas le cas et aujourd'hui, la LPM votée fin 2013 est maintenue. Elle va nous permettre de travailler avec un cadre bien défini. Mais évidemment, nous nous adapterons aux décisions conjoncturelles.

Indépendamment des arbitrages du Président, la défense a déjà perdu 1 milliard en six mois...

... C'est vrai que c'est une situation inquiétante mais c'est une inquiétude normale. Cela fait 20 ans que cela dure : les gels, les reports, les annulations sont des outils budgétaires qui ne sont pas nouveaux.

Très clairement vous demandez que les crédits restent inchangés sur toute la LPM...

... Ce qui est important pour nous, c'est que le cadre de la LPM ne varie pas, qu'il ne change pas de format. Je le trouve d'ailleurs très intéressant notamment avec l'apport de la révision triennale. Nous savons très bien qu'à chaque construction budgétaire, il y a des nouveautés qui sont introduites mais il faut qu'elles entrent dans le cadre tracé par la LPM.

Pour Airbus Group, existe-t-il des programmes en danger ?

Il n'y a pas de programmes en danger tant que le cadre ne change pas. La LPM a confirmé nos programmes : A400M, avions-ravitailleurs MRTT, hélicoptères de transport NH90 et les programmes de satellites militaires. Il reste en revanche à réussir son exécution. Nous resterons très vigilants sur l'exécution et la préparation du budget 2015 pour éviter que les glissements ne se traduisent par une altération majeure de l'économie générale de chaque programme.

Où en est Airbus Group dans ses discussions avec la direction générale de l'armement (DGA) pour étaler vos programmes ?

Les négociations sont en cours. C'est fait pour le NH90 depuis l'année dernière. Sur l'A400M et le MRTT, nous sommes sur le point d'aboutir. Une des obligations de la DGA avant de signer un contrat est d'avoir une assurance raisonnable que l'Etat peut honorer ses engagements. Actuellement, il n'est pas illogique qu'il y ait un peu de flottements dans les négociations tant de notre côté que du côté de la DGA.

Les risques de délocalisation et le chantage à l'emploi ont-ils pesé dans vos discussions avec l'Etat ?

Je trouve beaucoup trop réducteur de dire que c'est un chantage à l'emploi et que l'Etat a cédé au maître-chanteur. Nous n'avons jamais fait de chantage. En revanche, nous avons mis en avant, non seulement les créations d'emplois dans le civil, mais aussi la contribution positive de l'industrie de défense à l'économie du pays, à la balance commerciale, aux transferts technologiques du militaire vers le civil... Pour la France, c'est un investissement productif. Il n'y a pas d'industrie aéronautique civile de grande envergure qui ne fonctionne sans un pendant militaire dans le monde entier. On ne peut pas faire des économies sur un secteur qui marche en France.

Sans un budget de la défense raisonnable, l'industrie aéronautique civile française peut-elle perdre son leadership ?

C'est l'une des thèses que nous avons soutenue. L'industrie aérospatiale française n'a de sens que si elle est en même temps présente dans le secteur de la défense. C'est encore vrai aujourd'hui même si le chiffre d'affaires de l'industrie française entre civil et militaire s'est inversé depuis 20 ans. Le ratio est 70-30, voire 75-25 pour civil. Mais, je le répète, il faut à cette industrie aéronautique ce socle militaire qui lui permet de fonctionner et de rester parmi les meilleurs du monde. Tous les grands pays aéronautiques fonctionnent comme cela à l'image des Américains, des Chinois, des Russes et même des Brésiliens. Ce message est bien passé et il a été entendu par les pouvoirs publics.

Le succès de cette industrie repose sur la dualité. Quelles sont les prochaines technologies militaires qui vont profiter au civil ?

C'est toujours compliqué en matière de transferts de technologies du militaire vers le civil. On ne cite que les exemples passés et on a dû mal à donner des exemples de technologies militaires qui seront exploitées dans le civil. Pour citer un exemple, je suis convaincu que les technologies des vols autonomes (drone) migreront vers le civil.

Ira-t-on vers des avions commerciaux sans pilote ?

Pas sans pilote. Mais on va adapter des technologies militaires (liaisons de données, liaisons sol-bord, des liaisons bord-sol...) au secteur commercial.

Où vous en êtes sur le programme de drone Male européen ?

L'équipe industrielle est dans une phase de marketing prospectif. Nous tentons de convaincre les Etats que ces technologies sont importantes et intéressantes à développer. Mais il ne faut pas perdre de vue que ce programme n'est inscrit dans aucune LPM des pays où sont implantés les industriels partenaires. Nous voulons travailler sur les technologies entre maintenant et l'échéance de la LPM française pour lancer un développement rapide lors des prochaines LPM. Avec nos partenaires, nous souhaitons faire de la réduction de risques en développant des briques technologiques et des éléments du drone, voire un démonstrateur.

Avez-vous déjà obtenu des PEA ?

Pas pour le moment, nous discutons avec les différentes DGA, nous espérons en avoir. Nous avions déjà eu un financement du ministère de la Défense français quand nous avions commencé à développer le programme EuroMale.

Tom Enders a récemment expliqué qu'il ne se lancerait plus dans des programmes européens. Est-ce trop compliqué et trop risqué financièrement ?

Il y a façon et façon de faire des programmes européens. Des programmes ont bien marché comme le missile air-air Meteor et le missile de croisière de longue portée Scalp. C'est de cela dont il faut s'inspirer. Pour l'A400M, nous le referions certainement différemment.

C'est-à-dire ?

Il y aurait un nombre moins important de clients de lancement, une délégation plus forte en exécution et un maître d'œuvre fort. Il faut une demande des clients plus homogène, une négociation plus assurée, une conduite de programme carrée - ce qui veut dire prendre des décisions qui ne font pas plaisir - du côté de l'industrie avec un groupe leader. Idem pour les agences. Il fallait donner de l'autorité à l'agence exécutive de programmes en l'occurrence l'OCCAR. Car chaque fois qu'elle voulait bouger, il fallait qu'elle demande l'accord à tous les pays. L'un des problèmes - on l'a vu au moment de la crise - est que les Etats sont revenus sur les termes contractuels du contrat. Et chaque Etat a négocié selon son envie. Il n'y avait pas de vision unifiée de ce qu'est la demande.

Pour Airbus, quelle est la répartition idéale des capacités de production du groupe Europe et hors Europe ?

Aujourd'hui la répartition est de 90 % dans les quatre pays Airbus. Il faut que le groupe ait plus de monde en dehors. Une répartition 80-20 serait déjà un bon objectif. Nous ne nous sommes pas fixés d'horizon pour l'atteindre. Cela dépendra beaucoup des circonstances et de la croissance du groupe.

Quelle est votre cible hors d'Europe ?

Nous voulons être près de nos clients. Donc en Asie, qui fait l'essentiel du marché civil. Il va falloir que l'on aille plus loin en matière de localisation asiatique de nos capacités. Il ne faut pas non plus oublier le marché de renouvellement des compagnies américaines. C'est ce qui explique que l'on a monté une ligne d'assemblage d'A320 en Alabama.

Avez-vous déjà des projets mûrs ?

Non, mais nous regardons, nous sommes dans une phase exploratoire.

Avez-vous finalisé l'achat de votre banque ?

C'est toujours en cours. Elle servira à nous sécuriser contre le risque bancaire comme en 2008 et 2009 et essentiellement pour des besoins de gestion de trésorerie. Si ces crises devaient survenir à nouveau, nous pourrions continuer de travailler avec nos contreparties bancaires.

Cette banque gérera-t-elle toute la trésorerie du groupe ?

Noooooon. La gestion de la trésorerie est du ressort de notre trésorerie centrale. La banque est un des instruments à la disposition de la trésorerie centrale pour gérer la trésorerie du groupe.

Certains s'étonnent du rachat d'une banque allemande et s'inquiètent déjà de sa gestion par les seuls Allemands ?

Nous avons dépassé tout cela. Il faut en finir une bonne fois pour toute sur le franco-allemand. Il n'y a pas de Français et d'Allemands, il n'y a que les meilleurs pour chaque poste. Mais c'est plus facile quand vous êtes mécontent de dire : « c'est parce que je suis Français que les Allemands m'en veulent et réciproquement ». C'est beaucoup plus facile que de dire « je n'ai pas bien travaillé, on me réduit mes compétences parce que je ne suis pas bon etc... » A ceux qui disent qu'il n'y aura pas de Français pour gérer cette banque, je les rassure : il y aura des Français. Mais on s'en fiche. L'essentiel est qu'ils soient compétents et qu'ils s'occupent de la trésorerie du groupe. A mon sens, il n'y a pas eu de problèmes franco-allemands chez EADS puis chez Airbus Group. Il y a des problèmes de personnes qui ont instrumentalisé des sujets franco-allemands.

Pourquoi une banque allemande ?

Tout simplement parce qu'il y avait une licence bancaire disponible. En outre, nous avons organisé une compétition entre différents pays en fonction de qui nous paraissait être le plus simple en matière de gestion d'établissement bancaire. Nous avons regardé le marché. Cette banque était disponible, on l'a donc achetée.

Le groupe chinois Comac développe un avion court et moyen-courrier de plus de 150 sièges, un créneau que se partagent Airbus et Boeing. Vu l'avance technologique que vous avez, la menace est-elle vraiment sérieuse ?

Il ne faut pas prendre la menace chinoise à la légère. Le pire qui puisse nous arriver, c'est l'excès de confiance. Les Chinois feront de bons avions et les vendront. C'est indéniable. Pour autant, il ne faut pas jouer non plus à se faire peur en disant qu'ils sont à nos portes. Le sujet n'est pas là. Il est de savoir comment nous pouvons continuer à faire la course en tête. Nous ne serons pas capable de les concurrencer sur les packages financiers qu'ils pourront proposer aux compagnies aériennes, même si nous sommes déjà très compétitifs sur ce plan. Seule notre avancée technologique nous permettra de conserver notre avance. Nous devons être en mesure de concevoir des avions qui réduisent davantage les coûts opérationnels des compagnies aériennes que les leurs, tout en proposant des offres plus élaborées qui incluent toute une série de services attachés à la vente de l'avion comme la gestion de la flotte des compagnies ou la formation de leurs personnels.... En outre, nous disposons de deux points forts que les industriels chinois n'ont pas et que nous devons développer : le réseau de commercialisation et de maintenance et notre réputation. Ce sont là les points de compétitivité d'Airbus face aux Chinois.

En termes de produits, quelles seront les prochaines étapes d'Airbus ?

Vous le savez, nous avons lancé plusieurs programmes ces dernières années. Aujourd'hui, il y a des améliorations incrémentales à faire. Nous avons deux grands sujets. Nous devons trancher sur la remotorisation de l'A330, un biréacteur long-courrier de 200 à 300 sièges. Il y a un marché pour l'A330 Neo. Mais il faut voir si nous avons les bras nécessaires pour le mener à bien, sachant que nous avons encore des activités de développement. J'espère que nous serons à même de prendre une décision rapidement. Le second sujet est la gestion des cadences, des livraisons de l'A320 Neo, qui connait un énorme succès. Ce dernier effectuera son premier vol d'essai en septembre pour une mise en service en 2015.

Le PDG d'Emirates souhaite une remotorisation de l'A380, qu'en pensez-vous ?

Nous prenons en compte avec grand intérêt les remarques d'Emirates. Mais chaque chose en son temps. Nous devons non seulement analyser si nous pouvons supporter un tel projet mais aussi mesurer la taille de ce marché. Le calendrier de la mise en service est un facteur important. Nous regardons.

Avec 324 ventes en 14 ans, l'A380 n'a pas rencontré le succès espéré lors de son lancement en 2000. Lancé l'A380 fut-il une erreur ?

Cela ne sert à rien de regarder derrière soi. Aujourd'hui, avec le carnet de commandes existant, nous avons globalement sécurisé un niveau de production convenable. Certes le carnet de commandes est moins confortable que celui de l'A320, de l'A330 ou de l'A350, mais il reste très correct. L'avion répond aux attentes des compagnies aériennes et des passagers. Avec du recul, le retard pris dans les livraisons des premiers exemplaires nous a été préjudiciable (la première a eu lieu fin 2007 contre mars 2006 avec une montée en cadence très poussive, ndlr). Cela a complètement modifié les hypothèses de travail dans la mesure où les compagnies se sont tournées vers d'autres appareils qui n'étaient pas forcément des concurrents naturels de l'A380, comme le B777. Si nous avions livré à l'heure, nous aurions reçu plus de commandes. Nous aurions été seuls sur notre marché. Au moment où le prix du baril de pétrole augmentait fortement, l'avantage compétitif de l'A380 aurait poussé les compagnies à prendre le risque d'opérer un avion de grande taille.

D'où l'intérêt de l'A380 Neo ?

Chaque chose en son temps.

Comment expliquez-vous l'annulation de la commande de 70 A350 par Emirates ?

Emirates a toujours voulu rationaliser sa flotte autour de l'A380 et du B777. Compte tenu de la réputation de la compagnie, cette annulation de commandes est une mauvaise nouvelle. Mais nous pouvons transformer cette mauvaise nouvelle en opportunité puisque nous avons des avions disponibles plus tôt.

La certification de l'A350 se déroule bien, comme se présente la montée en cadence ?

La certification se présente en effet correctement. Le premier appareil sera livré à Qatar Airways au quatrième trimestre. Quant à la montée en cadence, c'est un sujet lourd pour toute la chaîne des fournisseurs, y compris internes. Mais, c'est un problème classique dans l'industrie aéronautique.

Au-delà de l'A350, c'est toute la gamme, en particulier l'A320, qui va monter en cadence ? Y-a-t-il un risque que les sous-traitants ne tiennent pas le rythme?

J'ai tellement vu dans le passé des commentaires péremptoires affirmant que l'on ne pourrait jamais produire 15 A320 par mois puis 20 puis 30, puis 40 et aujourd'hui nous nous dirigeons vers une production de 46 appareils par mois. Ce sont des niveaux de production élevés et nous sommes très prudents dans la gestion de notre montée en cadence. Si l'on se contentait de suivre le carnet de commandes, on pourrait monter beaucoup plus vite. Mais les époques difficiles que nous avons connues nous appellent à la prudence.

Le secteur aéronautique est porté par une forte demande ? Cela va-t-il continuer d'après vos prévisions ?

La demande augmente de plus de 5 % par an depuis presque 10 ans. A priori, ce rythme devrait continuer au cours des prochaines années. Il y a un lien entre le PNB par tête d'habitants et la demande de transport aérien. Vu le potentiel de croissance en Chine et en Inde, nous sommes confiants. D'ici à 2025, le potentiel de marché s'élève à 25.000 avions.

Le GIFAS dénonce les aides que l'Etat de Washington a décidé d'accorder à Boeing pour son B777X. Allez-vous déposer plainte à l'OMC comme cela a été fait pour le B787 ? (en 2004, juste après celle déposée par Boeing contre l'A350 première version, ndlr).

Je ne dis pas que nous ne porterons pas plainte. Nous avons passé 10 ans sur la plainte précédente. Le fait que l'OMC ait condamné les exemptions fiscales des Etats d'un pays fédéral, n'empêche pas l'état de Washington d'accorder une aide de 8,7 milliards de dollars à Boeing pour son B777X.

Vous allez continuer à demander des avances remboursables ?

La question ne se pose pas car il n'y a pas de programmes nouveaux. Il faut être pragmatique. Si nous pouvons nous entendre avec les Etats sur ce sujet, si le système est bénéfique pour eux et pour nous, il serait dommage de nous en priver. Mais pas à n'importe quelles conditions non plus. Pour les Etats, c'est un bon investissement.

Dans l'espace en créant une société commune avec Safran, Airbus Group a-t-il enfin privatisé Ariane 5 ?

Je dirai qu'il vaut mieux avoir 50 % de quelque chose que 100 % de rien plus tard. Pour rester compétitifs face à des concurrents qui arrivent d'autres horizons comme Elon Musk, le PDG de SpaceX ou d'autres qui viendront de mondes complètement différents, il fallait changer complètement la gouvernance et la manière de concevoir les lanceurs futurs. Avec SpaceX, nous avons un entrepreneur qui vient d'un monde différent, qui ne s'embarrasse pas de problématiques de gouvernance. SpaceX coupe avec le modèle d'économie mixte que l'on retrouve partout, moitié institutionnel, moitié piloté par les agences spatiales.

Oui mais SpaceX est lui aussi soutenu par la Nasa...

Certes, ils bénéficient du marché institutionnel de la Nasa. J'aimerai bien d'ailleurs qu'Arianespace ait plus de lancements institutionnels de la part de l'Europe. Pour autant le modèle SpaceX est entièrement privé avec un entrepreneur, loin d'être un philanthrope, qui met son argent personnel. Et le modèle fonctionne. Contrairement aux idées reçues jusqu'ici, de nouveaux entrants bousculent les acteurs traditionnels et obtiennent un retour sur investissement. SpaceX a peut-être déjà un retour sur investissement. Cela va donner des idées à d'autres tycoons. Aussi, pour répondre à cette concurrence et ne pas être condamné à terme à disparaître, il fallait, avec Safran, changer la gouvernance d'Ariane, changer notre façon de voir. C'est pour cela que nous avons créé une société commune regroupant les systèmes de lanceurs d'Airbus et la propulsion de Safran.

Pensez-vous d'une façon plus générale qu'il y a une volonté américaine de nuire aux intérêts aérospatiaux français ?

C'est une mauvaise lecture des Etats-Unis, qui est d'ailleurs assez répandue en France. Pour autant il est vrai que les Etats-Unis, sans que cela soit organisé, disposent de tous les instruments pour lutter contre tous leurs concurrents et nous sommes clairement des concurrents. Mais la règlementation Itar n'a pas été construite pour nuire aux autres pays mais pour protéger les Etats-Unis.

Des intermédiaires turcs ont déposé une plainte en France contre le groupe pour des différends commerciaux. Comment réagissez-vous ?

Il y a beaucoup de fantasmes autour de ces sujets, beaucoup de « on dit ». C'est facile de raconter une histoire. Airbus travaille avec beaucoup de fournisseurs. Il peut y avoir des différends commerciaux Airbus dispose d'un système de conformité modèle, dans lequel je me suis investi personnellement. Tom Enders y est très attaché pour éviter non seulement qu'il y ait des mauvaises pratiques mais aussi qu'il n'y ait même pas de soupçons de mauvaises pratiques. Quant aux accusations de détournement de fonds à des fins personnelles, cela relève de la diffamation.

Quel est l'effet pour le groupe d'un euro qui reste campé à 1,35 ?

L'effet principal est que l'on doit se couvrir pour nous protéger d'un dollar trop faible, qui reste la principale devise de facturation de notre secteur. Et que ces achats de couvertures nous obligent à dépenser du cash ce qui rend notre résultat plus volatil qu'il ne devrait l'être. Nous serions évidemment plus à l'aise avec un euro autour de 1,20 car le coût de nos couvertures serait alors plus raisonnable. Vendre en euros, on ne demande que ça, mais les compagnies aériennes moins... et celles qui le font ne souhaitent pas le rendre public.

Louis Gallois, ancien patron d'EADS a beaucoup contribué à changer la politique économique de la France avec une priorité donnée à la compétitivité des entreprises. François Hollande va-t-il assez loin avec son pacte de responsabilité ?

L'intention du rapport Gallois, qui connaît bien le secteur aéronautique, était bonne. Mais les seuils de réduction des charges patronales ne sont pas assez élevés pour résoudre nos besoins de compétitivité. C'est d'ailleurs vrai pour toutes les entreprises exportatrices, où les niveaux moyens de diplôme, donc de salaires sont plus proches du niveau de 3,5 smic qu'avait proposé Louis Gallois. Le pacte de responsabilité va plus loin que le Crédit impôt compétitivité emploi. Nous avons l'intention de jouer le jeu. Nous avons fait des propositions au niveau des branches professionnelles du secteur en termes d'investissement et d'emploi et nous sommes impatients de voir aboutir la démarche lancée par François Hollande et Manuel Valls en faveur des entreprises. Je reconnais qu'un basculement important s'est produit lorsque le gouvernement a dit et reconnu que ce sont les entreprises qui font l'emploi. Il faut maintenant passer du discours aux actes et proposer un dispositif d'ensemble qui fonctionne, renforce la compétitivité de nos industries durablement.

Quel sera l'effet du pacte pour l'industrie aéronautique ?

Cela va surtout jouer en faveur des exportations car cela va nous permettre de compenser un peu la force de l'euro et nous rendre plus compétitifs sur le plan commercial.

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Commentaire 1
à écrit le 07/07/2014 à 21:37
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" Il n'y a pas de Français et d'Allemands, il n'y a que les meilleurs pour chaque poste. " Mais oui, Marwan, mais oui.....

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