C'est une victoire incroyable pour le Rafale aux Émirats Arabes Unis (EAU). D'abord en raison du montant des deux contrats, qui est vertigineux : 16 milliards d'euros, dont 14 milliards pour les 80 Rafale au standard F4 fabriqués par Dassault Aviation et 2 milliards pour les armements fournis par MBDA (missiles air-air Mica NG et missiles de croisière Black Shaheen, variante émirienne du Scalp français). Il n'est pas exclu non plus que les EAU achètent également dans les mois qui viennent des bombes guidées AASM de Safran. Ensuite, par le nombre d'avions de combat commandés par les EAU (80 avions). Enfin, au regard de l'histoire longtemps contrariée du Rafale qui a vraiment eu du mal à atterrir aux EAU. Au final, c'est tout simplement le plus important contrat d'armement jamais signé par la France au cours de la Ve République. Et les exportations d'armes françaises en 2021 vont pulvériser le record de 2015 (16,9 milliards d'euros), en atteignant un sommet himalayen d'environ 28 milliards d'euros en 2021 (quatre contrats Rafale). Du jamais vu !
"Avec les Émirats arabes unis, nous scellons aujourd'hui la vente de 80 avions Rafale et 12 hélicoptères Caracal. En confiance, nous agissons ensemble pour notre sécurité", a twitté Emmanuel Macron.
Les deux contrats ont été mis en vigueur par les Émirats Arabes Unis dans la foulée de leur signature par le prince héritier Cheikh Mohammed Bin Zayed Al-Nahyan, ministre de la Défense et l'homme fort des EAU. Le contrat est entièrement financé par les Émirats Arabes Unis sans aucune demande de financement, selon nos informations. Les livraisons vont débuter à partir de 2026 avec des Rafale F4.1, qui est le premier standard du Rafale F4, et courront jusqu'à la fin de l'année 2030. Soit moins de dix ans après la signature du contrat. Cette méga-commande donne de la charge à la chaine Rafale, qui fait vivre 400 entreprises françaises, jusqu'en 2031. Dassault Aviation va devoir porter les cadences du Rafale au moins à trois par mois pour assurer les livraisons des avions à la France, l'Égypte et aux EAU. Les missiles seront quant à eux livrés entre 2027 et 2031.
Signe de confiance vis-à-vis de la France
Les Émirats Arabes Unis, qui sont le 7e pays à voler sur Rafale (France, Égypte, Qatar, Inde, Grèce, Croatie), ont choisi le même appareil, dont l'armée de l'air française sera dotée à terme. En cours de développement, le standard F4 du Rafale sera mis en service en deux étapes successives en France, en 2023 puis en 2025, afin de bénéficier des technologies et des innovations dès qu'elles seront disponibles. La validation du standard F4 est prévue pour 2024, avec certaines fonctions disponibles dès 2022. Le choix des Émiriens est donc un vrai signe de confiance vis-à-vis de la France de la part d'Abu Dhabi et de Cheikh Mohammed Bin Zayed (MBZ) alors que l'appareil est en cours de développement.
Au-delà du contrat de fourniture des Rafale et des armements, la France et les EAU ont signé deux arrangements techniques pour accompagner l'armée de l'air émirienne à se doter le plus facilement possible de cet appareil. D'une part entre la Direction générale de l'armement (DGA) et son homologue émirienne Tawazun pour le suivi du contrat et l'appui au client ainsi que le partage de la feuille technologique du Rafale F4, qui seront modernisés au fur et à mesure de la certification des nouvelles versions. D'autre part entre les deux armées de l'air pour renforcer leurs échanges opérationnels sur ce nouvel appareil, qui va travailler en réseau à l'image du F-35 (connectivité).
Des négociations qui ont duré un an
Après plusieurs échecs de la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et celle de François Hollande (2012-2017), Emmanuel Macron est donc le président qui a obtenu ce fameux contrat tant convoité aux Émirats Arabes Unis. Il peut notamment remercier Florence Parly, la ministre des Armées, qui a beaucoup œuvré pour décrocher cette commande en allant quatre fois aux EAU durant cette période (novembre 2020, puis février, août et novembre 2021). Tout comme Jean-Yves Le Drian, qui a tissé de véritables relations de confiance depuis son passage à l'Hôtel de Brienne (2012-2017) avec MBZ.
Ces négociations entre les EAU, la France et Dassault Aviation ont réellement débuté en novembre 2020. Les EAU, qui avaient dans leur flotte 62 Mirage 2000-9, souhaitent alors acquérir 60 Rafale. Un calendrier des négociations est fixé dès novembre 2020. Il sera tenu par les deux parties. C'est au salon de l'armement d'Abu Dhabi en février 2021 (IDEX) que les Français commencent à croire très sérieusement en leurs chances. C'est aussi à cette occasion que les industriels français remettent leur offre à Abu Dhabi. Florence Parly est d'ailleurs à ce moment-là à la manœuvre lors du salon IDEX. Puis, les négociations se poursuivent tout au long du printemps et, finalement, les Émiriens reviennent vers les Français à la fin de l'été en leur annonçant qu'ils veulent acquérir 80 Rafale au lieu des 60 annoncés initialement.
Les négociations s'achèvent au moment du salon aéronautique de Dubaï (14-18 novembre). Attendue à Dubaï, Florence Parly passe d'abord par Abu Dhabi avant d'aller soutenir les industriels tricolores au salon aéronautique. C'est à Abu Dhabi que le contrat de vente des 80 Rafale est conclu entre MBZ et Dassault Aviation. Puis, dans la foulée, Florence Parly signe avec son prestigieux homologue émirien, Mohammed Bin Zayed, l'accord intergouvernemental. Les "initiés" conviennent alors de garder cet accord secret jusqu'à la visite d'Emmanuel Macron le 3 décembre à Dubaï. Le président, qui n'aime pourtant pas les contrats d'armement, a participé à sa façon à l'obtention d'un contrat historique pour l'industrie de l'armement française.
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