Armement : Qatar, l'énigme

Sait-on en France qui décide au Qatar à l'exception de l'émir ? Pas sûr car cela semble aujourd'hui éminemment plus complexe... C'est d'ailleurs peut-être pour cela que la France avance en aveugle sur le Rafale à Doha, qui n'a toujours pas répondu à un courrier envoyé par François Hollande il y a une vingtaine de jours environ.
Michel Cabirol
Dans le domaine de l'armement, le jeune émir Tamim ben Hamad Al Thani fait lanterner la France

Mais que veut finalement Doha? C'est la question qui trotte dans la tête de la plupart des dirigeants des grands groupes de l'armement français. Car, près de deux ans après son accession au trône, le jeune émir, Tamim ben Hamad Al Thani, n'a conclu ni dans un sens ni dans l'autre aucune des campagnes commerciales pourtant très prometteuses pour la France. Notamment celles où un protocole d'accord a déjà été signé comme pour les (hélicoptères de transport NH90 (Airbus Helicopters) et les avions ravitailleurs MRTT (Airbus Defence).

Ces campagnes prometteuses le sont depuis plus de trois ans maintenant alors que la Coupe du Monde, prévue en hiver 2022, approche à grand pas. "Nous avons deux interrogations, résume pour "La Tribune" un patron du secteur, nous ne connaissons pas clairement les objectifs de Qatar en matière d'achats d'armement et nous n'avons pas identifié quels sont les leviers à actionner pour faire avancer un dossier quand il arrive au Palais". Car, clairement une fois qu'un dossier est transmis par le ministère de la Défense au Palais de l'émir, il se perd dans les couloirs.

Le Palais, une boite noire?

"Le Palais est une véritable boite noire, nous ne savons pas ce qui s'y passe", confirment des sources concordantes, qui connaissent pourtant très bien le pays. "Au Qatar, c'est extrêmement compliqué, souligne un industriel qui négocie depuis plus de 20 ans avec les Qataris. Et si l'on regarde ce qu'a fait Hamad Ben Khalifa Al-Thani dans l'armement, il n'a pas fait une seule opération d'envergure entre 1995-2013, mais en revanche il a beaucoup pratiqué la diplomatie financière. Conclusion, le Qatar fait très peu d'acquisition dans la défense à l'exception du domaine défense anti-aérienne pour protéger les installations gazières".

Ce qui fait dire aujourd'hui à certains grands industriels que la garde rapprochée de l'ancien émir, et/ou ce dernier lui-même tire encore les ficelles. Toutefois, Tamim ben Hamad Al Thani s'appuierait beaucoup sur le chef d'état-major des forces armées qatariennes, le général Ghanim bin Shaheen al Ghanim qui aurait sa confiance.

Une lettre de François Hollande à Al Thani

Du coup, la France rame. Mais le fil des discussions n'est pas rompu. Loin de là. En piste pour la vente de 24 Rafale (+ 12 option), Dassault Aviation et ses partenaires (Safran et Thales) ont récemment envoyé une proposition engageante (Best and final offer) à Doha, qui aurait fait tiquer. Dans la foulée, François Hollande a envoyé il y a une vingtaine de jours un courrier à l'émir Al Thani. Pas de réponse à ce jour, selon nos informations, alors qu'en novembre l'émir souhaitait pourtant conclure les négociations sur le Rafale avant la fin de 2014. D'ailleurs, il aurait été très mécontent que l'Égypte lui souffle le premier contrat Rafale, et l'aurait fait savoir à son équipe de négociateurs.

L'autre dossier prioritaire concerne la vente des trois frégates ATBM (défense antimissile balistique) de 4.000 tonnes, armées de missiles Aster 30 (MBDA et Thales) et de missiles mer-mer Exocet (MBDA). Un dossier à 2,5 milliards environ (sans les armements) qui avance plutôt bien.

Et les États-Unis?

Ce qui vaut pour la France, vaut également pour les autres pays. Y compris les États-Unis, qui ont pourtant convoqué les Qataris à Washington pour les obliger à signer des contrats. Mais à ce jour, selon les sources interrogées par La Tribune, rien n'a été signé, y compris les accords d'une valeur de 11 milliards de dollars annoncés en juillet 2014 entre Doha et Washington (missiles Patriot et hélicoptères Apache).

Lors de IDEX à Abu Dhabi en février, de très nombreux hauts responsables qataris sont partis en plein cœur du salon pour Washington pour négocier d'autres accords d'une valeur de plus de 20 milliards de dollars. Notamment l'acquisition d'environ 70 avions de combat F-15 de Boeing avec un volet support très complet, comprenant la mise à disposition de pilotes américains. "Les F-15 pourraient passer avant le Rafale", craint-on même à Paris.

Michel Cabirol

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Commentaires 13
à écrit le 26/03/2015 à 21:08
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Au Qatar une non réponse persistante correspond à un niet définitif.

à écrit le 24/03/2015 à 9:59
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LE QUATAR A SURTOUT BESOIN D ACCORD DE PROTECTION INTERNATIONNALE PARS LES TEMPTS QUI COUR DE REVOLTE ARABES? ILS ACHETERAS A CELUI QUI LUI SIGNERAS CETTE ACORD LA ???

à écrit le 23/03/2015 à 18:52
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Qatar veut acheter 70 F-15 et peut-être 36 Rafale en plus des autres avions et hélicoptères qu'ils ont déjà. Je me demande simplement qui va voler tout ces avions avec leur 2 millions d'habitant. Autrement cela fait un peu cher comme figuration.

à écrit le 23/03/2015 à 18:00
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70 F15 + support = plus de vente de Rafale c'est claire (ni de f35)... il ne faut pas se leurrer le Quatar aec 70 !! F15... est couvert pour 40 ans. Dommage car le Rafale fait mieux avec un meilleur rendement.

à écrit le 23/03/2015 à 16:49
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On voit ici l'un des avantages d'être une dictature pétrolière par rapport à une démocratie. Tout se décide "dans une boite noire". Les discours sont faits au bon moment, les décisions se font éventuellement quand c'est aussi le bon moment, et les cl...

le 23/03/2015 à 17:34
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je pense que l on peut convenir,que si c'est encore plus opaque dans une dictature, les affaires de défense restent également opaque en démocratie. Qui savait par exemple que Sarko nous ferait rentrer dans l'OTAN? Ca ne me choque pas qu il y ait du...

à écrit le 23/03/2015 à 15:38
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On dit plutôt qatarien (comme saoudien) et non qatari qui est la version anglophone (comme saudi)

à écrit le 23/03/2015 à 14:15
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Au moins la vente à l'Egypte est faite et les accomptes payés ! Si cela a fâché les Qataris, ils n'avaient qu'à décider plus vite. On ne peut pas refuser une vente certaine au motif d'une vente hypothétique. Cela fait quand même plusieurs années que...

à écrit le 23/03/2015 à 13:54
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Au delà des moyens financiers (qui ne font pas défaut au Qatar), il faut se demander quels militaires vont se servir des équipements et pour quoi faire. Il y a 11 à 12 0000 militaires qataris. Ce n'est pas énorme non plus. Il va s'en dire qu'il ne vo...

à écrit le 23/03/2015 à 12:46
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qui le Qatar arme t'il ?

à écrit le 23/03/2015 à 10:20
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La lecture de cet article laisse à penser que le Qatar dispose de moyens financiers, mais beaucoup moins de moyens logistiques. Pour vendre, il faut aussi assurer l'emploi de ses matériels

à écrit le 23/03/2015 à 9:42
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Merci pour ce retour intéressant : tous ces contrats non notifiés représentent une note imposante! Cette histoire de 70 F-15 parait très surprenante! Il ne faut pas se leurrer, si jamais il y avait une telle acquisition, l'achat de Rafale deviendrai...

à écrit le 23/03/2015 à 8:33
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Il semblerait que ce ne soit pas seulement pour les décisions d'armement qu'il s'agisse d'une boite noire.

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