Armement terrestre : et pourquoi pas un pactole à l'exportation ? (3/3)

Avec l'appui du ministère de la Défense, l'industrie tricolore de l'armement terrestre négocie plusieurs gros contrats : en Inde, au Qatar, au Koweït et enfin au Royaume-Uni ainsi que dans les pays nordiques.
Michel Cabirol
Le VBCI de Nexter trouvera-t-il son premier marché export au Qatar?

Après des années d'échecs et d'espoirs déçus l'industrie française de l'armement terrestre va-t-elle enfin décrocher le pactole à l'exportation? Indéniablement la roue peut tourner de façon favorable même si les espoirs peuvent encore et toujours être déçus. D'une part parce que de nouveaux matériels performants vont prochainement arriver dans l'armée de Terre et, d'autre part, le VBCI, à l'image du Rafale longtemps mis en échec à l'international, finira bien par convaincre un premier client à l'export. Enfin, la conjoncture internationale aujourd'hui très instable est porteuse pour les industriels de la filière.

"Les besoins en armements terrestres restent considérables et l'instabilité qui demeure aux portes de l'Union européenne ne fait que souligner l'importance de maintenir une industrie de l'armement terrestre dynamique et répondant aux besoins opérationnels et capacitaires de nos forces armées", confirme le directeur du domaine armement et économie de défense de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM), Christophe-Alexandre Paillard.

Prise de conscience de Nexter pour l'exportation

Nexter a enfin pris véritablement conscience de l'effort qu'il devait accomplir pour séduire les clients à l'international... même si les résultats ne sont pas encore à la hauteur des espoirs du groupe et de son nouveau PDG. Ce dernier pourrait profiter des premiers jalons posés par son prédécesseur, Philippe Burtin, qui avait commencé à orienter son groupe vers l'exportation pour trouver de nouveaux relais de croissance. Stéphane Mayer devra amplifier cette orientation stratégique cruciale pour le groupe. Bref, Nexter doit changer de braquet pour concurrencer des rivaux agressifs qui proposent des matériels low-cost.

A l'export, a expliqué Stéphane Mayer lors de son audition à l'Assemblée nationale début mars, "nous répondons à de nombreux appels d'offres et investissons beaucoup pour les démonstrations et les réalisations de prototypes. Nexter Systems est dotée d'une équipe commerciale étoffée et n'hésite pas à ouvrir des bureaux commerciaux à l'étranger selon les opportunités qu'offrent les marchés. Nous bénéficions d'un bon support étatique : ministère de la Défense, direction générale de l'armement, état-major des armées, armée de terre".

Lire ou relire : Armement, le flop des exportations de matériels terrestres en 2015

Le programme Scorpion, enjeu de souveraineté nationale

L'Etat français, qui considère que son industrie de l'armement terrestre n'est plus un enjeu de souveraineté nationale, a fait toutefois une exception pour Scorpion. Le cœur de ce programme permettra l'intégration de tous les systèmes d'informations existants dans l'armée de Terre et renouvellera quasiment l'ensemble du parc des véhicules blindés. "On met Scorpion à part", avait-on expliqué au ministère de la Défense. Au regard de son caractère stratégique, le programme Scorpion a donc été verrouillé par le ministère de la Défense, qui a invoqué l'article 346 du traité européen permettant à un pays de  privilégier son industrie sous couvert d'enjeux de souveraineté nationales.

Car le programme Scorpion "représente l'intégralité de l'équipement de l'armée de terre et touche certains secteurs de souveraineté nationale comme la vétronique, la cryptologie, les liaisons de données...", avait-on expliqué au ministère. La vétronique est un enjeu pour les véhicules militaires permettant d'avoir à bord une architecture centralisée des systèmes d'information et de contrôle. Cette évolution importante dans la centralisation des ressources électroniques et informatique nécessite des calculateurs embarqués puissants et compacts. Du coup, la DGA a pu opter pour une consultation restreinte envoyée aux seuls groupes français de l'armement terrestre.

Pour le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, "l'enjeu" de ce programme "c'est aussi bien sûr de continuer d'améliorer leur positionnement à l'export, dans des secteurs qui devraient connaître une croissance nette dans les années à venir", avait-il assuré en juin 2014 lors du salon de l'armement terrestre Eurosatory. Le VBMR renouvellera le secteur des véhicules de transport de troupes protégés 6x6. Selon le ministre, "ce secteur voit la demande s'accroître, notamment pour des véhicules qui soient porteurs des meilleurs systèmes, ceux dans lesquels les industriels français sont parmi les meilleurs : optronique, vétronique, détection de tir, navigation..." De son côté, l'EBRC a "tous les atouts pour s'imposer, notamment pour ses performances en zone urbaine".

La France peut-elle décrocher de gros contrats?

En attendant l'arrivée de ces nouveaux matériels, les industriels de la filière nourrissent de bons espoirs pour décrocher le pactole à l'exportation. Plusieurs campagnes commerciales arrivent à maturité et leurs chances ne sont pas négligeables. A commencer au Qatar, où Nexter a répondu depuis plusieurs années à une offre pour plus de 300 véhicules blindés de type VBCI, un contrat estimé à 2 milliards d'euros, pour équiper les forces terrestres qataries. "Nous nous sommes montrés actifs pour faire des démonstrations destinées à adapter une tourelle dotée d'une arme plus puissante que celle dont les VBCI sont équipés en France", avait précisé Stéphane Mayer lors de son audition à l'Assemblée nationale. Réponse du Qatar en 2017.

En Asie, Nexter est également "très occupé en Inde par deux contrats". Le premier, qui pourrait être le contrat du siècle en matière d'artillerie, porte sur une commande de 1.400 canons de 155 millimètres tractés, pour lequel le groupe propose le Trajan. Un contrat évalué à un milliard d'euros. "Soit un montant jamais atteint dans le domaine de l'artillerie", avait précisé Stéphane Mayer. Nexter fait partie des deux derniers candidats avant la décision finale. Le deuxième contrat vise l'acquisition de 800 canons montés sur camion, pour lequel Nexter propose le Caesar. À titre de comparaison, la France n'a que 77 Caesar. Réponse de l'Inde en 2017 et 2018. Toujours en Asie, le Caesar continue à séduire comme en Malaisie intéressée par une vingtaine de canons, ainsi qu'en Indonésie.

En Europe, Nexter dispose de deux opportunités majeures : d'une part, au Royaume-Uni avec 300 à 400 véhicules blindés de type VBCI, à l'horizon de 2018, d'autre part, en Scandinavie pour des systèmes d'artillerie, plus précisément en Norvège où Nexter a récemment fait une campagne de démonstration, et au Danemark (Caesar) et en Finlande. Par ailleurs, le Titus (en coopération avec Tatra), un véhicule 6x6 blindé polyvalent low-cost, intéresse la Tchéquie. Enfin, au Moyen-Orient, le groupe lorgne en Arabie Saoudite une commande de chars Leclerc et de blindés Titus. D'autres potentialités existent dans le domaine de l'artillerie et des véhicules de troupes en Egypte.

De son côté, Renault Trucks Defense (RTD) continue à labourer le Moyen-Orient. "Ces dernières années, nous avons livré au total plus de 600 blindés, plus de 2 000 camions au Moyen-Orient et en Afrique, dynamique appelée à prendre de l'ampleur dans les prochaines années", avait expliqué le président de Volvo Group Governmental Sales et PDG de Renault Trucks Defense et Panhard, Emmanuel Levacher, lors de son audition à l'Assemblée nationale en janvier dernier.  Notamment le Koweït, après avoir signé un contrat pour 120 Sherpa Scout avec la garde nationale koweïtienne, s'est engagé à acquérir 120 blindés légers, des 4X4 Sherpa Light ainsi que des VAB Mark3.

"Au Moyen-Orient, nos gammes de produits de blindés Sherpa et VAB Mark3 sont particulièrement appréciées et intéressent de nombreux clients - Égypte, Liban, Koweït. En Afrique, nos matériels ACMAT sont très réputés et équipent de nombreux pays, amis ou alliés traditionnels de la France", a expliqué Emmanuel Levacher.

En Egypte, RTD mène des négociations portant sur plusieurs matériels : camions, blindés légers, blindés moyens. En 2015, RTD a livré au Caire plus de 1.500 camions. Bref, les occasions sont nombreuses pour les groupes français de gonfler leur carnet de commandes.

Lire ou relire Pourquoi la France peine à exporter ses matériels terrestres (2/3)

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 23/07/2016 à 14:26
Signaler
Actuellement notre pays conduit une guerre d'américains, une. Frappe aérienne coute extrêmement chère, 30 000 à 40 000 euros l'heure de vol du Raffale et 150 000 euros pour la bombe guidée.... Sa fait chere le 4x4 pour éliminer 2 barbus. Il faut bie...

à écrit le 21/07/2016 à 12:52
Signaler
La frappe optimum de l'objectif serait-elle par voie terrestre ....L'action ponctuelle pourrait-elle être celle, via un commando blindé face à des corpuscules ennemis...? Dans un absolu minimum de risques, il serait plus neutre d'utiliser l' obse...

à écrit le 20/07/2016 à 11:35
Signaler
voyez vous nos VAB et nos tanks sont blindés archis blindés les 5 cotés sauf le plancher c'est du carton pate pour respecter les spécifications du poids max roulant spécifié par nos ingénieurs de l'armement ha ha

le 24/07/2016 à 9:31
Signaler
Je ne peux vous dire si s'est pour respeçter la spécificité du PTRA, mais il est claire que les plancher de nos véhicules sont mal étudier pour résister au mine... Pourtant une simple forme en V pourrai les rendrez bien plus efficace. Tous cela reste...

le 24/07/2016 à 9:31
Signaler
Je ne peux vous dire si s'est pour respeçter la spécificité du PTRA, mais il est claire que les plancher de nos véhicules sont mal étudier pour résister au mine... Pourtant une simple forme en V pourrai les rendrez bien plus efficace. Tous cela reste...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.