Avions gouvernementaux : Matignon très mauvais payeur

Selon un rapport du ministère de la Défense, "certaines autorités ne règlent pas leur dette avec diligence" à l’Hôtel de Brienne. Notamment Matignon. Environ 2% des factures restent impayés.
Michel Cabirol
Les services du Premier ministre n'ont réglé que 2,14 millions sur une facture totale de 4,3 millions d'euros en 2013

S'agissant des avions à usage gouvernemental, "certaines autorités ne règlent pas leurs dettes avec diligence (au ministère de la Défense, ndlr) et seuls 60 % des montants facturés sont perçus dans l'année. 2% environ restent impayés", révèle un rapport du ministère de la Défense. Qui sont les mauvais payeurs ? Pour le coup, le ministère de la Défense reste étonnamment très discret.

Matignon et huit ministères mauvais payeurs

En revanche, le député René Dosière (PS, Aisne) a demandé en août 2014 au ministre de la Défense de lui communiquer pour l'année 2013 le montant des sommes réclamées à la présidence de la République, au Premier ministre et à chaque ministère pour leurs déplacements effectués avec les appareils de l'escadron de transport, d'entraînement et de calibrage (ETEC) de l'armée de l'air.

Cinq mois après, l'Hôtel de Brienne lui a répondu. Très exactement le 6 janvier 2015. Alors que l'Elysée a scrupuleusement remboursé au centime près ses factures (6,5 millions d'euros en 2013), Matignon est plutôt mauvais payeur en ne payant que la moitié de la "douloureuse". Depuis 2010, les vols à bord des appareils de l'ETEC sont facturés aux ministères et à Matignon. Effectivement, les services du Premier ministre n'ont réglé que 2,14 millions sur une facture totale en 2013 de 4,3 millions d'euros. A l'époque, Jean-Marc Ayrault, qui était partisan de couper plus durement dans le budget de la défense, était le locataire de Matignon (15 mai 2012 au 31 mars 2014). La réponse ne dit pas en revanche si Matignon s'est acquitté de sa dette après 2013.

Sur 19 ministres qui ont fait appel à l'ETEC, onze ont payé leur dette dès 2013. Les huit autres (Éducation nationale, Justice, Économie et Finances, Affaires sociales, Intérieur, Travail, Réussite éducative et Ville) n'ont en revanche pas réglé entièrement leur facture en 2013. Les montants ne sont pas extraordinairement élevés. Par exemple, sur une facture de 517.163 euros, le ministère de l'Intérieur n'a payé que 470.679 euros. Soit un différentiel de 46.484 euros. Il restait une facture de 9.210 euros à payer au 1er janvier 2014 au ministère de l'Éducation nationale et de 20.546,5 euros au ministère de l'Économie et des Finances.

Une flotte pas assez utilisée

Les auteurs du rapport du ministère de la Défense regrettent également que cette flotte (1 Airbus A330-200 et 6 Falcon : 2 Falcon 7X, 2 Falcon 2000LX et deux Falcon 900) ne soit "pas employée au maximum de son potentiel".  L'Elysée a utilisé l'A330 à huit reprises en 2012, 16 en 2013 et 5 pendant les sept premiers mois de 2014. De son côté, Matignon l'a utilisé 4 fois en 2012, 7 fois en 2013 et 3 fois en 2014. En 2013, le coût horaire de l'Airbus A330, qui n'est utilisé en principe que pour des vols hors d'Europe, s'élevait à 20.776 euros, celui du Falcon 7X à 4.742 euros, du Falcon 2000 (4.251 euros) et du Falcon 900 (3.998 euros).

En revanche, elle donne "toute satisfaction à ses utilisateurs". La disponibilité de ces appareils récents est "excellente", selon le rapport : 99,8% pour l'A330 et 93% pour les Falcon en 2013. "Cette situation est notamment due à l'activité limitée de cette flotte, au regard de celle réalisée par les avions commerciaux", explique le rapport. A côté de l'activité de transport de VIP qui représente environ 60 % de l'activité totale, la part restante est principalement réalisée pour l'instruction des pilotes, en raison du nombre d'équipages imposé par les contraintes de disponibilité. En outre, l'A330 a servi à des missions au profit des troupes françaises et de rapatriement sanitaire (27 missions en 2012, 16 en 2013, 7 sur les six premiers de 2014).

Rajeunissement de la flotte lancé en 2007

L'ensemble de la flotte a fait l'objet d'un rajeunissement à partir de 2007 sur décision de Nicolas Sarkozy. Cette opération, qui a démarré en février 2008 et s'est terminée en octobre 2012, a permis de renouveler une partie de la flotte précédente (qui comptait deux Airbus A319 CJ, quatre Falcon 50 et deux Falcon 900). Elle a permis d'accroître le rayon d'action du gros porteur (A330-200) en remplaçant les deux Airbus 319 par un unique appareil au rayon d'action dépassant les 12.000 km pour atteindre les capitales d'Asie sans escale. Cet appareil garantit la continuité de l'action présidentielle et gouvernementale, grâce à des capacités de communication modernes, variées et sécurisées.

L'A330 ayant été acheté d'occasion à Air Caraïbe, ses moteurs ont été remplacés par des moteurs neufs. Les deux Airbus 319 ont été vendus pour un montant de 62 millions d'euros. Les quatre Falcon 50 ont été cédés à la Marine pour être transformés en avions de surveillance maritime. Le remplacement des deux Falcon 900 a été reporté compte tenu de leur activité prévisionnelle. Ils peuvent rester en service jusqu'à 2020.

Ces nouveaux appareils ont été achetés et mis en œuvre par le ministère de la défense, qui en assure l'intégralité du financement sur son budget. En outre, cette opération n'a pas été intégrée à la Loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014.

Rénovation des infrastructures

L'arrivée de ces nouveaux appareils dans la flotte de l'ETEC a également nécessité une adaptation des infrastructures sur lesquelles ils stationnent. Selon le rapport du ministère de la Défense, l'A330 qui ne peut stationner à Villacoublay en raison de son envergure (le double de celle de ses prédécesseurs), est basé à Evreux. Des travaux ont dû être réalisés en 2012 dans l'aménagement des parkings, affirment les deux auteurs du rapport. Des travaux complémentaires de renforcement devraient être réalisés en 2015, estiment-ils. Les manœuvres avec les passagers se font à Orly.

Pour les nouveaux Falcon plus grands, les aires aéronautiques ont dû être rénovées, avec notamment la réfection de la piste, l'élargissement des voies de circulation et la création de parkings aéronautiques. Il a également été nécessaire d'aménager les hangars, en particulier pour les mettre aux normes incendie, thermiques et d'éclairage.

Le coût de rénovation des infrastructures s'élève à 80 millions d'euros : 7 millions pour l'A330, 24 millions pour les deux Falcon 7X, 24 millions pour les deux Falcon 2000 et 24 millions pour les deux Falcon 900.

Combien coûte cette flotte?

Selon le rapport du ministère de la Défense, le coût d'acquisition des sept appareils s'est élevé à 432 millions d'euros, qui se décomposent en 217 millions pour l'A330, 95 millions pour les deux Falcon 7X, 64 millions pour les deux Falcon 2000 et 56 millions pour les deux Falcon 900. Le coût d'utilisation se décompose en 322 millions d'euros pour l'A330, 110 millions pour les Falcon 7X, 109 millions pour les Falcon 2000 et 170 millions pour les Falcon 900. Soit au total 711 millions d'euros.

"En se fondant sur le coût complet à l'heure de vol calculé par l'armée de l'air pour 2014, et en estimant que le nombre d'heures de vol sera chaque année identique à celui constaté en 2013, le coût complet sur trente ans peut être estimé à 950 millions d'euros pour l'A330, 313 millions pour les Falcon 7X, 264 millions pour les Falcon 2000 et 397 millions pour les Falcon 900, soit un total de 1,924 milliard d'euros", a estimé le rapport du ministère de la Défense.

Au total, le coût global de possession de cette flotte peut être estimé à 2,065 milliards d'euros. Au coût précédent, le ministère de la Défense rajoute celui des évolutions qui seront nécessaires aux appareils au cours de leur vie : 26 millions d'euros pour l'A330, 13 millions pour les Falcon 7X, 14 millions pour les Falcon 2000 et 8 millions pour les Falcon 900. L'Airbus en mobilise près de la moitié.

Michel Cabirol

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 17
à écrit le 10/12/2015 à 5:22
Signaler
Toujours ce fameux prestige de la France dont nous devrions être fier, l'égo surdimensionnel des élites, la désinvolture en somme, le contraire de l'exemplarité, depuis belle lurette cela saute aux yeux ! à croire qu'il nous offre un miroir où le ...

à écrit le 09/12/2015 à 22:03
Signaler
Faut se calmer avec Valls les gars... L'article évoque l'année 2013, c'était Ayrault à Matignon cette année-là.

à écrit le 09/12/2015 à 17:48
Signaler
Quel mauvais donneur de leçon. Non seulement le Premier Ministre ne paie pas ces dettes mais fait condamner les autres sociétés pour défauts de paiements. Avant de l'ouvrir sur tout. On se doit d'être irréprochable . Que ce mauvais suive sa belle par...

à écrit le 09/12/2015 à 17:39
Signaler
En espérant que Mr Dosieres dans ses décomptes des sommes dues n'a pas oublié d'inclure le vol Le Bourget-Berlin du 1er Ministre pour aller assister à la finale de la Ligue des Champions !!

à écrit le 09/12/2015 à 17:02
Signaler
excellente disponibilité ?? forcément , vu l'utilisation qui en est faite. est ce que quelqu'un a calculé les économies faites si on se contentait de faire appel à des sociétés privées pour affrêter des avions selon la demande ?

à écrit le 09/12/2015 à 15:59
Signaler
Les entreprises doivent régler leurs fournisseurs rapidement, mais l'Etat traine les pieds en ce qui le concerne. Il n'y a donc pas intérêt à travailler pour l'Etat de façon notable (dans son CA) sinon c'est un truc à faire faillite. Il y avait de g...

à écrit le 09/12/2015 à 13:54
Signaler
Pourquoi ne pas utiliser les règles que tout citoyen, lorsqu'il ne paye pas ses impôts, s'expose à endurer lorsqu'il ne règle pas ses dettes auprès du Gouvernement ?

à écrit le 09/12/2015 à 13:25
Signaler
En matiere de vol l'etat est un expert! Et tous les 5 ans nous choisissons le meilleur, nous sommes donc servis!!

à écrit le 09/12/2015 à 12:29
Signaler
Mais gare au citoyen, pas trop prés du pouvoir, qui oserait ne pas régler ce que l'Etat lui impose , en retard, Bercy est sans pitié. Moralité seules les entreprises qui ont les reins solides commercent avec l'Etat, ça coûte plus cher évidement ! ...

à écrit le 09/12/2015 à 9:57
Signaler
Ça ne coûte donc rien à manolito d'emener sa famille voir jouer le Barça. Les pauvres quant à eux peuvent souffrir, une certaine idée de la république...

à écrit le 09/12/2015 à 9:37
Signaler
Cette question porte sur des échanges de budget d'un ministère à l'autre : les retards de paiement de l'état envers des tiers est bien plus grave ! En ce qui concerne ces avions... je veux bien croire que des Falcon sont nécessaires pour une souples...

à écrit le 09/12/2015 à 9:20
Signaler
Et pendant ce temps notre cher locataire de Matignon, va voir un match de foot a Berlin (finale C1) opposant deux équipes étrangères, en Falcon !! qui du reste doit faire parti des impayés....Trop fort le Manu !!!

à écrit le 09/12/2015 à 8:58
Signaler
C'est normal que Valls ne paie pas, il est habitué à voyager à l'œil avec toute sa smala aux frais du contribuable dans un avion de la république pour aller regarder un match de foot où il n'y a aucune équipe française et après on est étonné.

à écrit le 09/12/2015 à 8:12
Signaler
quelle surprise!! l'etat paye mal, et en retard? he ben pourquoi croyez vous qu'ils font des lois sur les delais de paiement ( pour les autres) et impriment une liste des entreprises ' mauvaises payeurs', lachee a la vindicte populaire? vous croyez...

à écrit le 09/12/2015 à 7:34
Signaler
Les militaires aimeraient bien avoir aussi le même taux de disponibilité de leur matériel !!

le 09/12/2015 à 15:38
Signaler
Deux exemples : 50% des navires sont indisponibles faute de budget maintenance et 80% des Hélicoptères Tigre.

à écrit le 09/12/2015 à 7:19
Signaler
Nous attendons un commentaire des excuses de Mr Macron, notamment sur les delais de paiement....

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.