Dassault Aviation vole dans un ciel orageux

Le constructeur du Rafale et des Falcon connait quelques turbulences. Il réfléchit à un plan de transformation profond de l'entreprise qui n'exclut pas la fermeture de site(s), selon les syndicats.
Michel Cabirol
Dassault Aviation prévoit de livrer les premiers Falcon 8X au quatrième trimestre 2016

En dépit de la crise du marché de l'aviation d'affaires qui plombe les ailes de Dassault Aviation depuis plusieurs mois et de l'attente interminable d'un troisième contrat Rafale, l'avionneur tricolore, qui va publier ses résultats semestriels jeudi après bourse, a jusqu'ici évité de lancer des mesures de restructuration. Mais la situation de l'entreprise reste préoccupante, en raison d'une sous-charge de certains de ses sites à partir du deuxième semestre. Interrogé, Dassault Aviation n'a pas souhaité faire de commentaires, étant dans la période de confidentialité avant la publication des résultats ("quiet period").

Des mesures conjoncturelles ont donc été récemment présentées par la direction pour compenser la baisse de la charge de travail dans certains sites et pour tenir jusqu'à la fin de l'année sans conséquence sur l'emploi : prise obligatoire de la 5ème semaine de congés avant la fin de l'année, incitation au départ en retraite et arrêt de transferts de charge vers la sous-traitance (63,2% de la charge de travail, selon la CGT).

Des incertitudes pèsent sur Dassault Aviation

Ces mesures conjoncturelles permettraient d'attendre une éventuelle reprise du marché des jets d'affaires ainsi qu'une troisième commande export pour le Rafale venant d'Inde notamment (36 appareils). "Les seuls contrats Egypte et Qatar ne suffiront pas à se substituer au report de la commande française en cours", a d'ailleurs relayé la CGT. Le contrat indien permettrait en outre de sécuriser la cadence de production de deux Rafale par mois et ainsi de compenser le report des livraisons concernant la deuxième partie de la quatrième tranche Rafale (34 appareils restants à livrer sur les 60 appareils commandés par la France). Enfin, bonne nouvelle pour Dassault Aviation, qui a obtenu en début d'année le contrat de rénovation des Mirage 2000D, selon les syndicats.

Sur le marché de l'aviation d'affaires, Dassault Aviation souffre un peu plus que ses concurrents sur le segment haut de gamme. Sa part de marché aurait baissé, passant de 26% en 2014 à 19% en 2015, selon la CGT. Le carnet de commandes s'est d'ailleurs beaucoup effrité passant à près de 500 fin 2008, selon nos estimations, à 91 Falcon fin 2015 (contre 121 à fin 2014). Or l'avionneur est calibré pour livrer au moins 55 Falcon par an. Petite éclaircie dans un ciel tourmenté, l'avionneur prévoit de livrer les premiers Falcon 8X au quatrième trimestre 2016 à la suite de la récente certification de l'appareil en Europe (EASA) et aux Etats-Unis (FAA).

Par ailleurs, les problèmes de motorisation du Falcon 5X semblent bel et bien être résolus. "Le 5X est maintenu car on reprend confiance en la capacité du motoriste (Safran, ndlr) de réussir le moteur", a annoncé Eric Trappier aux syndicats. Une tendance qui est confirmée au sein même de Safran, selon nos informations. Enfin, "le PDG, annonce être toujours en réflexion pour le lancement d'un nouvel avion", a souligné la CGT.

Fermetures de sites?

Pas de casse sociale mais jusqu'à quand ? Un point sera fait de nouveau à la fin à la rentrée en septembre avec les syndicats qui sont partagés entre soulagement (pas de plan social pour le moment ni de chômage partiel) et inquiétudes sur l'avenir. D'autant qu'une étude sur un plan de transformation de l'entreprise est en cours, dont les conclusions sont attendues dès septembre. Puis des mesures structurelles pourraient être présentées en octobre. Un plan ambitieux qui permettrait à Dassault Aviation de redevenir compétitif par rapport à la concurrence, notamment celle de Gulfstream, qui baisse les prix et l'oblige à suivre cette tendance, selon les syndicats. A l'initiative de la CFDT, ils ont d'ailleurs déjà lancé une procédure de droit d'alerte économique.

Car un tabou est tombé même si aucune décision n'a été prise pour le moment. Et le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier n'a pas cherché à rassurer les syndicats. Il n'a en effet ni confirmé, ni démenti d'éventuelles fermetures de sites. "Les inquiétudes ne sont pas levées et les perspectives esquissées nous font craindre le pire, notamment pour certains sites", a souligné la CFDT. Pour sa part, la CGT a écrit que "le PDG répond qu'aujourd'hui rien n'est figé mais qu'il ne s'interdit aucune solution".

Bref, sur les huit sites de Dassault en France, certains se sentent plus menacés que d'autres, à l'image de celui de Biarritz. Dassault Aviation a déjà démontré sa faculté à trancher, à l'image de sa décision en début d'année de délocaliser l'activité "complétion" (aménagement intérieur, finition, personnalisation) des Falcon (plus de 100 personnes en France) à Little Rock (Arkansas) pour des raisons de coûts.

Plan de transformation

Pour faire baisser ses coûts de structure, les réflexions du plan de transformation portent sur la culture de l'entreprise, la qualité de ses produits, dont certains ont rencontré des problèmes à la livraison, et son organisation. Ce plan va aussi concerner les nouveaux outils numériques et faire la part belle à l'innovation. Il est possible également que l'avionneur revoit le pilotage des programmes. Il devrait y avoir une implication plus forte des équipes de programmes dans tout le cycle de vie de l'avion ainsi qu'une plus grande imbrication de tous les métiers (études, essais en vol, achat, fabrication...)

Enfin, il est surtout question de rationaliser l'outil industriel sur une longue période. "Il va essayer de rationaliser au maximum les sites, c'est-à-dire éviter les doublons", note la CGT. Ce qui tombe sous le sens. Mais Dassault Aviation pourrait aller plus loin en profitant de moderniser ses produits pour rationaliser son outil de production. Ainsi, la future aile en composite (CORAC) pourrait être fabriquée sur un seul site alors qu'actuellement Biarritz et Nantes disposent tous les deux de ces compétences. Plus généralement, il y aurait enfin un intérêt de rapprocher les études de la fabrication dans le cadre de changements dans le pilotage des programmes.

Bref, Dassault Aviation, qui a dépensé 2 milliards d'euros en deux ans pour racheter des actions Airbus avant de les annuler, semble être à l'orée d'une période de grands bouleversements pour moderniser tous ses process...

Michel Cabirol

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Commentaires 5
à écrit le 22/07/2016 à 23:44
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l'inde, ils peuvent attendre longtemps, ils se font mener en bateau, l'affaire a commencé en 2003 avec un nouvel achat de M2000, ils n'ont pas achetés, il y a le MMRCA et le rafale a gagné après 6 ans d'évaluation, après 4 ans de négociation ils n'o...

à écrit le 19/07/2016 à 13:16
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[Coquille: "quite period" pour "quiet" - silencieux, "période de silence"]

à écrit le 19/07/2016 à 13:10
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la CGT comme seule source ... assez lamentable comme article M cabirol , nous etions habitues a mieux ... symptomatique d'une dérive journalistique française ou on fait des articles avec n'importe quoi

le 19/07/2016 à 15:06
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C'est curieux comme commentaire : 1/ contrairement à ce que vous dites et cela démontre une mauvaise foi de votre post, il n'y a pas seulement la CGT comme seule source. 2/ que vous considériez comme lamentable cet article, cela vous regarde si vous ...

le 19/07/2016 à 23:54
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Quelle que soit la source d'information, un petit coup d'oeil à l'outil industriel de Dassault en regard de ses ventes laisse effectivement penser que la situation ne peut pas continuer ad aeternam même avec la manne de l'entretien du matériel de l'a...

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