Dépenses militaires en Europe : du jamais-vu depuis la fin de la Guerre froide

En 2022, les dépenses militaires de l'Europe ont atteint 480 milliards de dollars, une progression record depuis plus de trois décennies, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Un mouvement à la hausse qui concerne le monde entier. Tout continent confondu, ces dépenses ont, en effet, atteint 2,240 milliards de dollars, soit 2,2% du PIB mondial. En cause, le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 et les tensions croissantes en Asie de l'Est.
Le Royaume-Uni est le deuxième donateur à l'Ukraine derrière les Etats-Unis.
Le Royaume-Uni est le deuxième donateur à l'Ukraine derrière les Etats-Unis. (Crédits : STRINGER)

2.240 milliards de dollars, c'est le niveau record atteint par les dépenses militaires en 2022 tout continent confondu, soit 2,2% du PIB mondial, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Il s'agit, à l'échelle planétaire, de la huitième année consécutive de hausse pour les investissements dans les armées.

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À l'échelle européenne, ces dépenses ont atteint 480 milliards de dollars en 2022, connaissant ainsi une progression record depuis plus de trois décennies, selon un rapport de référence publié ce lundi. Elles avaient déjà augmenté de plus d'un tiers en dix ans. Concrètement, le Vieux continent a dépensé, après déduction de l'inflation, 13% de plus pour ses armées en 2022, selon le rapport. C'est à la fois la plus forte croissance enregistrée depuis plus de 30 ans, et le retour - en dollars constants - au niveau des dépenses de 1989, année de la chute du mur de Berlin. « C'est du jamais vu depuis la fin de la Guerre froide », a insisté Nan Tian.

Guerre en Ukraine, tensions en Asie de l'Est

Un phénomène qui s'explique par le déclenchement de la guerre en Ukraine, envahie par la Russie, le 24 février 2022. « Ils sont tirés par la guerre en Ukraine, qui pousse les budgets européens vers le haut, mais aussi par les tensions non résolues et croissantes en Asie de l'Est » entre la Chine d'un côté et, de l'autre, les Etats-Unis et leurs alliés asiatiques, a souligné le chercheur Nan Tian, un des coauteurs de l'étude, auprès de l'AFP.

À elle seule, l'Ukraine a multiplié par sept ses dépenses, qui ont bondi à 44 milliards de dollars - soit un tiers de son PIB. Et ce, sans compter plusieurs dizaines de milliards de donations d'armement venues de l'étranger, précise le Sipri. En effet, le mois dernier, un autre rapport du Sipri avait montré que les importations d'armement en Europe avaient quasiment doublé (+93%) en 2022, tirées par les livraisons massives vers l'Ukraine devenue troisième destination mondiale.

Les dépenses russes ont, elles, progressé de 9,2%, selon ses estimations. « Mais même si l'on enlève les deux nations en guerre, les dépenses en Europe ont augmenté significativement », a précisé le chercheur.

Et la tendance devrait continuer à s'accélérer dans la prochaine décennie. On pourrait « potentiellement » voir des niveaux de croissance similaires à 2022 durant plusieurs années, a ainsi estimé le chercheur du Sipri.

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Les Etats-Unis et la Chine en haut du classement

Après avoir considérablement baissé dans les années 1990, les dépenses militaires mondiales étaient reparties à la hausse depuis les années 2000. Elles avaient été dans un premier temps tirées par les investissements majeurs de la Chine dans son armée, puis par le regain des tensions avec la Russie après l'annexion de la Crimée en 2014.

Dans le détail, ce sont les Etats-Unis qui occupent le haut du classement, représentant, à eux seuls, 39% des dépenses mondiales l'an passé. Avec la Chine, numéro 2 (13%), ils représentent plus de la moitié des investissements militaires du globe. Les suivants, Russie (3,9%), Inde (3,6%) et Arabie Saoudite (3,3%) arrivent loin derrière.

De son côté, « la Chine investit massivement dans ses forces navales, pour accroître sa portée vers Taïwan évidemment et au-delà vers la mer de Chine méridionale », a rapporté Nan Tian. En face, le Japon, mais aussi l'Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et plus loin l'Australie, tentent de suivre la cadence.

Le Royaume-Uni, à la première place en Europe

En Europe, c'est le Royaume-Uni qui occupe la première place et la sixième position à l'échelle mondiale (3,1% du total mondial) devant l'Allemagne (2,5%) et la France (2,4%) - des chiffres qui incluent les donations à l'Ukraine. Le Royaume-Uni est, en effet, le deuxième donateur derrière les Etats-Unis et « dépense traditionnellement plus que l'Allemagne et la France et a aussi donné plus que l'Allemagne et la France », a encore indiqué Nan Tian, accentuant son statut de première nation européenne en termes de dépenses militaires.

Des pays comme la Pologne, les Pays-Bas ou la Suède font partie de ceux qui ont le plus augmenté leurs investissements militaires au cours de la décennie écoulée. Des armements modernes mais très onéreux, comme l'avion de combat américain F-35, expliquent aussi certains bonds de dépense, comme pour la Finlande, qui a acquis l'an passé 64 appareils.

2% du PIB tchèque consacré à la défense l'année prochaine

La République Tchèque a, elle aussi, prévu de renforcer son budget. Le pays a décidé de consacrer dès l'année prochaine 2% de son PIB à la défense, comme le requiert l'OTAN, suite à un projet de loi adopté vendredi dernier par le Parlement. En comparaison, le budget de l'État de cette année prévoit que les dépenses consacrées à la défense correspondront à 1,52% du PIB. « Nous avons promis cela à l'OTAN dans les années 1990 et nous avons échoué à tenir notre promesse », a déclaré la ministre de la Défense, Jana Cernochova, devant le Parlement.

Le nouveau projet de loi, qui doit encore être signé par le Sénat et par le président Petr Pavel, ancien général de l'OTAN, devrait entrer en vigueur en juillet et concernera le budget de l'année prochaine. Il « ancre l'obligation pour le gouvernement de proposer des dépenses en matière de défense dans le budget de l'État d'au moins 2% du PIB », a déclaré Jana Cernochova.

La République Tchèque, qui a rejoint l'OTAN en 1999, a été contrainte de revoir ses dépenses de défense après l'invasion de l'Ukraine par la Russie et depuis laquelle le gouvernement tchèque a fourni à l'Ukraine une aide militaire et humanitaire substantielle, notamment des armements lourds, tels que les chars. Le Parlement a également assoupli les conditions pour rejoindre l'armée et a augmenté les primes pour les nouveaux réservistes.

400 milliards d'euros de 2024 à 2030 pour la France

Côté français, l'ambition est également à un renforcement du budget alloué aux dépenses militaires. En témoignent les propos du président de la République en janvier dernier lors des vœux aux armées. « Je solliciterai de la représentation nationale que nous puissions consacrer sur la période 2024-2030 un effort budgétaire de 400 milliards d'euros. Ce qui permettra de couvrir un total de 413 milliards d'euros de besoins militaires afin de renouveler ce précieux outil militaire qui sert notre liberté, notre sécurité, notre prospérité et notre place dans le monde », avait ainsi annoncé Emmanuel Macron à Mont-de-Marsan, Une nouvelle loi de programmation militaire (LPM), signal de l'ambition de la France pour « être prêts à des guerres plus brutales, plus nombreuses et plus ambiguës à la fois », avait assuré le chef de l'État et des armées.

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Commentaires 11
à écrit le 24/04/2023 à 20:32
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Bonjour, Ils est claire que le monde se réarmement.... Donc la bonne question n'est ils pas le moment de réactivité la conscription.... car actuellement les jeune génération de français n'ons aucune formation militaire... donc en cas de guerre ce...

le 24/04/2023 à 21:54
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L’armée de Terre recrute chaque année 11 000 jeunes qui, après avoir signé un contrat, sont formés et intègrent ses rangs. Mais depuis 2021, une nouvelle recrue sur trois démissionne avant terme.

le 25/04/2023 à 20:27
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Bonjour, Pour info une classe d'âge en France (les garçons qui vons avoir 18 ans cette année) plus ou moins 800 000 jeunes homme et autant de jeune fille . Ensuite, la non fidélisation des recrues ( engagé) n'as rien de nouveau, d'ailleurs un sous ...

à écrit le 24/04/2023 à 15:39
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la paix en ukraine parait lointaine... Ca se terminera dans l apoteose nucleaire. C est evident,,,,,on n a pas reussi a arreter l engrenage et l intensite de la guerre va crescendo....le bouquet final est inevitable. 2025 probablement

à écrit le 24/04/2023 à 9:40
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il faut dire qu'on s'était un peu endormi , la défense était devenue la variable d'ajustement budgétaire ; nous ne somme plus dans un monde de bisounours ou il il suffit de protester pour être entendu

le 24/04/2023 à 10:18
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Les américains ont réveillé le monde en faisant croire à l Ukraine qu'elle entrerait dans l'OTAN pour provoquer Poutine qui n'avait pas besoin de ça et en multipliant l'entrisme à Taiwan pour énerver la Chine. Bref les usines d'armement US tournent à...

le 24/04/2023 à 19:36
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@ Calamar La réalité est plus nuancée. La Chine et la Russie font de grandes manœuvres militaires et ont beaucoup investis ces dernières années. Il est assez logique que l’achat d’armes augmente.

à écrit le 24/04/2023 à 9:30
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"Si vis pacem, para bellum". Avec en face des dictatures Chinoises et Russes, monter en puissance avant qu"il ne soit trop tard est une nécessité. Stratégiquement, la guerre est avant tout un problème économique. Pousser l'adversaire à dépenser beauc...

à écrit le 24/04/2023 à 9:22
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Cela dépense l'argent du contribuable par voie de l'endettement mais cela ne forme pas de militaire patriote, ni de défense civile ! L'IA fera tout à leur place ? ;-)

à écrit le 24/04/2023 à 9:02
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"Dépenses militaires en Europe : du jamais-vu depuis la fin de la Guerre froide" Une folie... Il est temps de restaurer une belle qualité de diplomatie et d'admettre que le monde est pluriel. Il faudrait aussi que l'ONU soit capable de stabiliser des...

le 24/04/2023 à 9:37
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@Albert L'heure n'est pas à la détente et le sera encore moins dans le futur. L'affrontement Est/Ouest est inévitable. Il ne se traduira pas par une guerre généralisée, mais par quelques conflits locaux très violents et surtout par une guerre économ...

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