La panne sèche des commandes, qui affole Airbus...

La raréfaction des commandes interpelle les dirigeants du groupe aéronautique. Le démantèlement du service SMO (Strategy Marketing Organization) et l'arrêt des paiements aux intermédiaires plombent l'action commerciale d'Airbus.
Michel Cabirol
Il y a clairement un trou d'air dans les commandes chez Airbus, confie-t-on en interne à la Tribune. Un sentiment qui est confirmé au plus haut niveau de l'État français.

Ces dernières semaines, les commandes se font plus rares chez Airbus. Plusieurs contrats prêts à être signés par le constructeur européen lui ont été soufflés in extremis par son rival américain Boeing. Dans le groupe, on évoque des contrats en Inde avec Jet Airways (75 appareils), en Égypte (six 787), ou encore en Turquie (40 787)... Il y a clairement un trou d'air dans les commandes, nous confie-t-on en interne. Un sentiment qui est même confirmé au plus haut niveau de l'État français : "zéro business actuellement" pour Airbus, assure-t-on sans aucune circonvolution.

Bien sûr, cette situation n'a pas échappé à la direction d'Airbus, qui, selon une source interrogée par La Tribune, est affolée par les dernières mauvaises nouvelles venant du front commercial. Même si deux à trois commandes peuvent encore changer la donne et... in fine masquer la situation réelle. Le comité exécutif s'est donc récemment et longuement attardé sur les raisons de cette panne sèche. Trois raisons principales ont été identifiées : la conjoncture baissière dans l'aéronautique, le retour en force des groupes américains avec Donald Trump très agressif et la situation interne qui paralyse des commerciaux du groupe. "Les Américains profitent effectivement de notre état de faiblesse en étant encore plus agressifs", confirme-t-on à la Tribune.

Les intermédiaires qui ne sont plus payés

Pour autant, les résultats du premier semestre 2017 ne confirme qu'une petite décélération des prises de commandes (37,2 milliards contre 39,1 milliards au premier semestre 2016). Sans plus. Mais pour un vieux routier, cela s'explique par le fait que l'avionneur européen a réussi à conclure des commandes dont les négociations avaient été entamées fin 2016. "C'est l'effet élastique", précise-t-il. Désormais Boeing cartonne et rafle les plus belles commandes du moment.

Et, dans le même temps chez Airbus, un bon commercial est un commercial qui fuit les contrats, estime un bon connaisseur de ces dossiers. Plus question donc de mettre à risque la réputation d'Airbus. "Aucune affaire ne le mérite", affirme-t-on en interne. "Cela met en péril l'existence même du groupe", assène une autre source interne. En même temps, Airbus a de quoi voir venir avec un carnet de commandes qui culmine à 981 milliards d'euros à fin juin (contre 1.060 milliards fin 2016).

"Il n'est plus question de prendre le moindre risque dans des pays difficiles, explique-t-on au sein de la direction d'Airbus. On préfère passer notre tour et laisser les autres groupes gagner. C'est une ligne très claire chez nous". Et de conclure, "Airbus aura raison sur le long terme". Ainsi soit-il...

"Nous n'avons pas mesuré toutes les conséquences de notre stratégie sur tous les deals du moment", fait-on valoir. Il est sûr que travailler sans intermédiaire dans certains pays condamne Airbus à ne pas gagner de contrats. Le PDG d'Airbus en a parfaitement conscience. "Nous avons découvert des irrégularités, qui nous ont conduits en septembre, à suspendre tout paiement vers nos intermédiaires commerciaux, explique-t-il dans une interview au Monde. Cela nous a incités à radicalement changer nos usages dans ce domaine".

Les forces commerciales démantelées

Surtout, Tom Enders a démantelé le service SMO (Strategy Marketing Organization), dirigé par Marwan Lahoud et, avant lui, par Jean-Paul Gut. Une équipe qui disposait d'un réseau et d'une influence incroyables à travers le monde. SMO, qui fait actuellement l'objet de soupçons de faits de corruption, a fait gagner des milliards d'euros de commandes au groupe. Non seulement Airbus a perdu une partie de sa force de "super vendeurs" avec la disparition de SMO mais aussi il a arrêté de payer les intermédiaires qui travaillaient pour le groupe. "Notre réseau d'influence a été pillé par la faute de Tom Enders, assure un ancien de la maison, dépité. C'est la destruction totale du système commercial d'Airbus en France". Résultat, moins de contrat. Beaucoup moins.

"Structurellement, il fallait tout changer, indique-t-on pourtant en interne à La Tribune. Tom Enders a pris la bonne décision. Trop de voyants rouges s'étaient allumés". Pour autant, il semble désormais urgent pour Airbus de se rabibocher avec ses anciens intermédiaires. Mais la situation est catastrophique : ils sont furieux - Airbus est d'ailleurs menacé par plusieurs plaintes, confie-t-on à La Tribune - et travaillent aujourd'hui pour des rivaux. "On va regarder si nos intermédiaires sont sains", indique-t-on à La Tribune. Il était temps, plus de trois ans après l'arrêt des paiements... Comment? Airbus va "construire un dossier pour pouvoir payer les intermédiaires sur la base d'opérations de due diligence". En clair, des vérifications avant une transaction, une opération classique avant le rachat d'une société. Ce qui ne sera pas facile pour des personnes habituellement très discrètes...

Michel Cabirol

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Commentaires 29
à écrit le 19/10/2017 à 21:20
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Curieux, un article sur la Croix sur ATR qui cartonne et ici sur airbus qui péréclite; est-ce la fin des avions à turboréacteurs?

à écrit le 19/10/2017 à 10:40
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Il est sur qu'à bord d'un Air Bus la panne sèche cela peut poser un grave souci....;-) Certains vont être nommés ailleurs avec ... un parachute doré. D'autres seront éjectés sans autre forme de procès. Amen. Bref. La malhonnêteté ou la dissimulatio...

à écrit le 18/10/2017 à 22:35
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Les ricains collent une amende de 10b€ à BNPP, menacent les dirigeants d'Alstom et les obligent à vendre l'entreprise à GE, ... et nos grandes entreprises continuent d'acheter du conseil anglo-saxon à qui mieux mieux. Nous avons un caractère maso bi...

à écrit le 18/10/2017 à 19:12
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Je pense qu'il y a du Trump là dessous

à écrit le 18/10/2017 à 16:26
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Eh beh! si airbus coule on est mal. Quand je repense à ces cadors critiquant l'allemagne car son economie reposait par trop sur son commerce extérieur... Alors que la france son commerce exterieur c'est airbus ou c'est mare... Single point of failure...

à écrit le 18/10/2017 à 14:28
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Après la prise de contrôle de la branche énergie de Alsthom par GE, et donc l'assurance que l'Europe obéira au doit et à L'oeil aux consignes US, les américains convoitent airbus. Quoi de mieux que de provoquer sa faillite pour ensuite racheter à vil...

à écrit le 18/10/2017 à 14:15
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impressionnant le parti pris pro Lahoud de l article. Le gars gagnait des contrait en graissant les pattes des acheteurs et l auteur trouve ca normal. Evidement le jour ou il se fait pincer (ce qui apparemment est en cours) il y a amende et le contra...

à écrit le 18/10/2017 à 14:10
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Aussi illusoire que la "guerre propre"

à écrit le 18/10/2017 à 14:05
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Pour moi c'est un peu comme si la police voulait ne plus" payer " ses indiques. On se tire une balle dans le pied!

à écrit le 18/10/2017 à 12:53
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Airbus qui pleure pour recevoir encore plus de subvention des pouvoirs publiques pour les gaspiller pour acheter la partie déficitaire de Bombardier et payer les primes des cadres dirigeants.

à écrit le 18/10/2017 à 12:13
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De toute façon les temps seront plus durs pour Airbus à moyen terme avec l’arrivée en force des chinois ! Toulouse et sa mono-industrie aéronautique est en train de manger son pain blanc.

le 18/10/2017 à 12:41
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Toulouse n'est pas plus monoaéronautique que ne l'est Seattle. Les fanatiques européistes pronent le démantèlement de l'industrie française soit prétexte de faire face au "géant" chinois. On avait pourtant bien fait face au géant américain. Votre gén...

le 18/10/2017 à 14:15
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Fabriquer des avions de ligne à la chaine est beaucoup plus complexe que de fabriquer des voitures, des trains, des bateaux. Car un avion de ligne n'a pas le droit de tomber en panne quand il est en plein ciel ! Voilà pourquoi aucune compagnie au mon...

à écrit le 18/10/2017 à 12:01
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Plus de commandes?? tiens donc! Boeing aurait il versé des pots de vins pour récupérer les commandes? ah ben non vu que les USA accusent Airbus de l'avoir fait ;)

à écrit le 18/10/2017 à 11:42
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Quelle bonne idée d'avoir donné Airbus aux Allemands ! Encore un raté de plus pour les Français. Bientôt plus rien du tout pour le commerce extérieur.

le 18/10/2017 à 14:10
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Ha bon ? Toulouse, Nantes, Saint Nazaire ont été annexé par l'Allemagne ? :)

le 18/10/2017 à 21:43
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@Jason Bourne: La partie allemande du fuselage A350 a été donnée à Aerotec, filiale d'airbus située en allemagne La partie française a été donnée à Spirit, aux USA ... Il n'y a plus que la pointe avant qui est fabriquée en France à Meaulte

le 19/10/2017 à 11:35
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@coucou. Airbus a toujours travaillé avec des sous traitants américains et si Spirit a été choisi , c'est qu'il n'y avait pas d'entreprises européennes assez solide. De plus, le site de production de Spirit pour les A 350 se trouve à...NANTES (OU S...

le 19/10/2017 à 19:46
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Sans compter, en plus des divers sites en France, que l'Allemagne a perdu de la force, Tom Enders a déplacé le siège social à Blagnac!!! Ce n'est plus à Münich.... Tom est plus français qu'allemand. Ensuite, encore une info qui montre bien la non con...

à écrit le 18/10/2017 à 11:22
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Mais bien sûr comme si les américains n'avaient aucun intermédiaire douteux. Tom Enders est la vierge effarouchée de l'année. on ne se remet pas d'un trou de plusieurs années dans les commandes... Airbus version Germano Enders va tout simplement ...

le 18/10/2017 à 12:15
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A lire votre commentaire, on voit bien que vous n'avez jamais fait d'affaires avec les Allemands. Ils sont extremement efficaces et pugnaces.

à écrit le 18/10/2017 à 11:21
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Après alstom, le haro américain sur airbus se prépare. Les conséquences du néolibéralisme sont catastrophiques.

à écrit le 18/10/2017 à 10:08
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Difficile de trouver le juste milieu dans le monde du grand commerce international.... Les enjeux sont plus complexes que de vendre un,avion.... Au vu des sommes en jeux, bcp veulent leur part de,gateau, sans compter un cros zeste de géopolitique ...

à écrit le 18/10/2017 à 8:46
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Et voilà le travail ! Un peu de British, un peu d'US, une hypocrisie hallucinante sur des commissions évidentes et bye bye Airbus ! Ce sera surement racheté par un groupe chinois ou US version Alstom ! Tout ça est organisé et montre bien à quel poin...

à écrit le 18/10/2017 à 8:42
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A ce stade il faut liquider Tom Enders. Il a sabré le résultat de milliards d'aides publiques.

à écrit le 18/10/2017 à 8:24
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Il va peut être s'interroger sur la direction du PDG Tom Enders: serait-il payé en sous main par le concurrent Boeing?!

à écrit le 18/10/2017 à 7:37
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je ne sais pas si Tom Enders a raison, "Airbus aura raison sur le long terme" en tout cas il pourrait bien faire les frais d'avoir eu, le cas échéant, raison trop tôt...

le 19/10/2017 à 7:01
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Des commissions pour des commerciaux....seulement! Personne d'autres ne mangent du gâteau ? Whouaaaa un scandale couve....et les US et chinois sont à l'affut. Moi je dis bravo! On n'a encore rien retenu des scandales précèdent....

le 19/10/2017 à 7:02
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Des commissions pour des commerciaux....seulement! Personne d'autres ne mangent du gâteau ? Whouaaaa un scandale couve....et les US et chinois sont à l'affut. Moi je dis bravo! On n'a encore rien retenu des scandales précèdent....

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