Les cinq défis de Dassault Aviation pour 2016

Entre l'aviation militaire qui cartonne et l'aviation d'affaires qui hoquette, Dassault Aviation a devant lui une année charnière pleine de défis.
Michel Cabirol
"Nous avons une chance inouïe de pouvoir vendre demain plus de Rafale que nous n'en avons jamais rêvé, a estimé le PDG de Dassault Aviation

Pour Dassault Aviation, 2015 aurait pu être une très belle année sur le plan économique. Mais cela n'a pas été le cas en raison essentiellement du trou d'air actuel sur le marché de l'aviation d'affaires. Pour autant, 2015 reste pour l'avionneur tricolore une année historique avec les deux premiers succès du Rafale à l'export l'an dernier en Égypte puis au Qatar. Ce qui fait bondir le carnet de commandes de 73%, à 14,2 milliards d'euros à fin 2015 (dont 7,8 milliards pour la défense export). Les réussites du Rafale à l'export, qui en appellent d'autres, atténuent la déception du PDG Eric Trappier sur les performances commerciales des Falcon.

"L'année a été difficile. (...) On est un peu déçu",  a confirmé Eric Trappier, en évoquant l'activité aviation d'affaires. D'autant que l'année 2014 avait été plutôt bonne pour les Falcon. "On a vraiment espéré avec cette prise de commandes de 2014 qui a été sûrement un rattrapage des années précédentes qui avaient été faibles". Dassault Aviation n'a livré que 55 Falcon, contre 65 escomptés.

En dépit de cette contrariété, Dassault Aviation ne perd toutefois pas de plumes, son chiffre d'affaires augmente de plus de 13,5% (4,1 milliards d'euros en 2015 par rapport à 2014 que le PDG considère comme une bonne année) en raison des acomptes versés par l'Égypte et le Qatar, et le résultat opérationnel progresse même si la croissance est plus modeste, de 2,2% (361 millions). Bref, comme souvent, l'avionneur qui célèbre cette année son centenaire, gère avec pas mal de réactivité les conséquences des a-coups de la conjoncture économique internationale sur ses activités, notamment celle de l'aviation d'affaires.

Finaliser au moins un nouveau contrat Rafale en 2016

Premier défi pour l'avionneur, finaliser cette année un ou des nouveaux contrats Rafale à l'export. C'est largement dans le domaine du possible pour Eric Trappier, qui a souligné que les succès de l'avion de combat en Égypte et au Qatar assuraient "la pérennité du Rafale, mais pas seulement, ces succès assurent la pérennité du Rafale à l'exportation". Quels pays pourraient signer? L'Inde bien sûr et les Émirats Arabes Unis (EAU), qui utilisent les Mirage 2000-9 au Yémen avec le soutien de Dassault Aviation. D'autres pays sont également intéressés à moyen terme comme la Malaisie où l'avionneur propose d'installer un chaine d'assemblage pour 18 appareils, la Suisse, la Belgique, voire le Canada ("Je rêverai de vendre le Rafale au Canada", a assuré Eric Trappier). Enfin, un pays surprise n'est pas non plus à exclure également.

"Nous avons une chance inouïe de pouvoir vendre demain plus de Rafale que nous n'en avons jamais rêvé, a estimé le PDG de Dassault Aviation. Le Rafale a une nouvelle vie devant lui.

Plus concrètement, le PDG de Dassault Aviation espère signer un contrat avec New Delhi pour la vente de 36 Rafale d'ici à la fin du premier trimestre. "On essaie de finaliser le prix", a-t-il souligné, précisant qu'il avait remis une nouvelle offre. Eric Trappier prépare déjà une deuxième commande de 90 Rafale. Pour cela, il discute avec des industriels indiens en leur proposant un véritable partenariat basé sur la politique du "Make in India" exigée par le Premier ministre, Narendra Modi. Cette fois, Dassault Aviation s'est assuré avec le feu vert de New Delhi le choix de ses partenaires industriels pour prendre la responsabilité de la qualité des avions fabriqués localement. Ce qui avait un point de discordance lors des précédentes négociations entre 2012 et 2015 (126 Rafale). "Nous avons la volonté de nous installer en Inde", a-t-il expliqué.

Assurer la transition avant la montée en cadence du Rafale

Aussi curieux que cela puisse paraître, l'augmentation des livraisons du Rafale passe d'abord par une baisse des cadences. Ainsi, après avoir livré 8 Rafale en 2015 (cinq à la France et 3 à l'Égypte), Dassault Aviation va en remettre 9 appareils à ses deux clients en 2016 (six et trois) et 4 en 2017 (un et trois). Pourquoi? La France a demandé à étaler les livraisons de son principal avion de combat dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2014-2019. Par ailleurs, la fabrication d'un Rafale s'étend sur trois ans environ, sachant que les premiers Rafale livrés aux Égyptiens étaient destinés à l'armée de l'air française. Ils ont été prélevés sur la chaîne d'assemblage.

A compter de 2018, le Qatar recevra ses premiers appareils. D'ailleurs, Eric Trappier prévoit cette année-là "une montée très forte" des livraisons de Rafale. Mais il n' a pas souhaité s'engager sur un niveau de livraisons. Pour augmenter à cadence trois (Dassault est déjà plus ou moins à cadence deux), l'avionneur doit d'abord remporter deux autres contrats, l'Inde bien sûr, et pourquoi pas les Émirats Arabes Unis (EAU). Dans ce contexte, l'industriel a anticipé cette année une baisse de son chiffre d'affaires par rapport à celui de 2015.

Reconstituer le carnet de commandes des Falcon

Il n'y a pas encore le feu... mais l'obtention de commandes supérieures aux livraisons est un des challenges cruciaux de 2016, et bien sûr à plus long terme : les ventes de Falcon ont toujours été depuis 2008 inférieures aux livraisons à l'exception de 2014 (66 Falcon livrés, 90 commandés). Le carnet de commandes s'est beaucoup effrité passant à près de 500 fin 2008, selon nos estimations, à 91 Falcon fin 2015 (contre 121 à fin 2014). C'est un défi très, très ambitieux pour les vendeurs de Dassault Aviation.

Pourquoi? Alors que le constructeur prévoit de livrer 60 Falcon en 2016, dont les premiers exemplaires de son nouvel appareil le 8X au cours du second semestre, l'environnement économique, notamment dans les pays émergents, n'est pas très favorable actuellement au marché de l'aviation d'affaires. "On sent bien que le marché aujourd'hui est encore un peu mou", a expliqué Eric Trappier. Certains pays émergents ne vont pas bien comme le Brésil et la Russie, où Dassault Aviation est bien implanté, d'autres voient leur croissance ralentir comme la Chine. L'Inde ne semble pas encore mature pour le marché de l'aviation d'affaires, l'avionneur n'ayant pas souhaité investir massivement.

En outre, le principal marché de Dassault Aviation, les États-Unis, qui a généré le gros des ventes en 2015, est "plus plat aujourd'hui", a reconnu Eric Trappier. Il s'est interrogé à haute voix sur l'impact des élections américaines et de la baisse du prix du pétrole sur les ventes d'avions d'affaires aux États-Unis.

Le marché de l'occasion reste par ailleurs difficile avec des prix qui baissent. "L'avantage est beaucoup plus donné à ceux qui achètent qu'à ce qui vendent", a-t-il expliqué. Résultat, ceux qui vendent pour acheter des avions neufs sont pénalisés, notamment aux États-Unis où l'achat d'avion d'affaires est considéré comme un investissement. Enfin, le retard du 5X va compliquer la tache de Dassault Aviation pour relancer les ventes. Eric Trappier s'attend en outre à "quelques annulations" des commandes de 5X (voir ci-dessous).

Rester compétitif

Sur le marché de l'aviation d'affaires déjà difficile, Dassault Aviation est aussi confronté à  une guerre des prix. "Nous sommes sous la pression de la baisse des prix de nos concurrents", a souligné Eric Trappier. Et son principal rival américain, "Gulfstream baisse lui aussi ses prix", tandis que Bombardier, qui serait dans une problématique de recherche de cash, "va chercher les ventes le couteau entre les dents".  Mais pas question de vendre à perte pour Dassault Aviation.

En dépit de la baisse de l'euro, Dassault Aviation, qui réfléchit sur le long terme, va "faire un exercice de gains de compétitivité et de baisse des prix pour répondre favorablement à cette agressivité de nos concurrents". L'avionneur va baisser ses coûts de revient, qui impactent directement les prix de vente des Falcon. Eric Trappier s'est engagé à une véritable transformation de l'avionneur "afin d'atteindre un niveau d'efficacité industrielle et de performances économiques capable de battre la concurrence tout en dégageant des marges nécessaires aux investissements futurs".

Gérer le retard du 5X

Sur le 5X, Eric Trappier n'a pas été par quatre chemins : "la réalité dépasse le pire de nos cauchemars". Il a annoncé que les premières livraisons de l'appareil étaient repoussées au premier semestre 2020, contre 2017 jusqu'ici. Le PDG de Dassault Aviation, qui s'est dit "déçu de ce contre-temps important", a précisé que le groupe recevra des compensations de la part de Safran calculées sur "la globalité du nouveau calendrier" en cours d'évaluation "pour limiter la casse chez Dassault Aviation". D'autant que le patron de l'avionneur avait expliqué dans un courrier adressé aux salariés que le 5X a "reçu un excellent accueil du marché".

"Le marché que l'on vise reste très intéressé par cet avion. Certains clients vont garder leur confiance dans le 5X".

Dassault Aviation a été affecté par les retards de développement du moteur SilverCrest de Safran destiné au Falcon 5X, qui pourrait être certifié en 2018 (contre début 2015). La filiale de Safran, Snecma, est contrainte de faire "des modifications importantes" sur certaines pièces à long cycle, comme le carter, a précisé Eric Trappier. Ce qui oblige le motoriste de refaire l'intégration du moteur. Du coup, Dassault Aviation a gelé sa fabrication.

Michel Cabirol

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Commentaires 17
à écrit le 13/03/2016 à 8:34
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le premier vol d'essai de notre avion supersonique.2018

à écrit le 12/03/2016 à 10:38
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@ BONJOUR : Une toute petite question suis je bien abonné au journal LA TRIBUNE et non à la PRAVDA ??????????

à écrit le 12/03/2016 à 9:45
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Excellents résultats pour D'assaut industrie nous avons la une véritable réussite industrielle .

à écrit le 11/03/2016 à 23:39
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@ BONSOIR : j'ai comme l'impression que mon commentaire concernant ce sujet encore été censuré : Lisons nous LA TRIBUNE ou la PRAVDA ? Simple question ni voyez surtout pas malice !

à écrit le 11/03/2016 à 11:41
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C'est "amusant" : plus moyen de lire les commentaires pourtant comptabilisés... :-(

le 11/03/2016 à 19:45
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en neffet!

à écrit le 11/03/2016 à 10:23
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Trouvez vous normal que l'achat de Rafales par l'état Français, donc avec l'argent du contribuable, ne soit pas soumis au votes des députés. Dassault Aviation a, sans que son offre passe au parlement, toute latitude pour imposer ses prix dans une tot...

le 11/03/2016 à 12:51
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Tiens, un commentaire avisé d'un copain de Depardieu... Quel avion par exemple ?

le 11/03/2016 à 15:47
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C'est réellement n'importe quoi. Le Rafale est supérieur a toutes les avions russes, sauf évidemment le SU 35 qui est un avion 5eme génération mais il n'est pas livrable actuellement. Et ile est multi rôles au contraires des avions Russes tous desti...

le 11/03/2016 à 16:56
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L'achat des Rafales comme tout matériel militaire important est régit par la Loi de Programmation Militaire (LPM dans le jargon administratif), donc soumis et voté par les parlementaires. Il n'y a donc pas de captation de la démocratie ! Dassault n'a...

le 11/03/2016 à 17:15
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Un avion multirôle est moins performant au regard de chaque spécificité d'une mission que le multirôle doit accomplir, qu'un avion à fonction unique qui possède tous les atouts technologiques à sa mission unique. Le multirôle a été adopté en France p...

le 11/03/2016 à 18:44
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pourquoi, Mr Poutine fait il lui adopter par la DOUMA le choix de ses militaires!!!!!! lui pourrait faciliment, celle ci étant à son tempo, j'ignore depuis combien de temps vous n'êtes pas allé en Russie car depuis 2003 le pays en vraiment en grande...

le 12/03/2016 à 11:37
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La LPM est une loi de programmation qui comprend plusieurs postes budgétaire pour toutes les armes dont le Rafale. Et bien je persiste et signe que chaque poste d'achat de matériel que ce soit avion ou autre doit être passé au peigne fin par les dépu...

le 12/03/2016 à 11:47
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Les Mirages III ont pu être vendu à l'export grave à la guerre des 6 jours, et les militaires israéliens ont fait apporter des modifications notables au système d'armes du Mirage, sans les quelles l'exportation massive qu'a connu le Mirage III n'aura...

le 12/03/2016 à 11:53
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Les sukhoi sont supérieur en puissance que les rafales et surtout le Su 35 qui a fait la démonstration en vol de la figure du cobra, et qui montre l'agilité de cet avion en combat rapproché ce que ne peut pas faire le Rafale. En outre, durant l'inter...

le 12/03/2016 à 13:07
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inférieur ? vous connaissez mal le sujet ? , les avions russe c'est gros moteur, gros radar, gros gun c'est tout, les signature radar des avions russes sont extrêmement mauvaise, su30,su35,mig35, d'après les retours d'exercice, le su30 mki est tot...

le 12/03/2016 à 15:39
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Mais ai je parlé de radars dans mon commentaire ? Non je parle de système de brouillage, et si la l'Armée Russe arrive dans l'hypothèse d'un autre conflit a faire en sorte comme dans l'acheminement de leur matériel au début de leur intervention en Sy...

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