
La Suisse a donc fait le choix de ne pas froisser les Etats-Unis, qui voulaient absolument gagner les deux compétitions contre la France (Rafale, système de défense aérienne SAMP/T) et l'Europe (Eurofighter). Le rouleau compresseur américain a fait le reste (menaces ? promesses ?). Les Suisses ont baissé pavillon. Pouvait-il en être autrement face à l'hyper puissance américaine ? C'était annoncé depuis la visite de Joe Biden en Suisse et, surtout, à partir du moment où les Américains avaient fait de cet appel d'offres un objectif stratégique. C'est également un signal pour tous les pays intéressés par le Rafale, dont notamment la Finlande. Le reste est un long "blabla" du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) pour justifier le choix américain.
Le GSsA en embuscade
Le Conseil fédéral va donc proposer au Parlement l'acquisition de 36 avions de combat de type F-35A de Lockheed Martin et de cinq batteries Patriot produites par Raytheon. "Il ressort de l'évaluation que ces deux systèmes l'emportent quant à l'utilité globale tout en présentant les coûts globaux les plus bas", a assuré le DDPS. Le Conseil fédéral est "convaincu qu'ils sont les mieux adaptés pour protéger à l'avenir la population suisse contre les menaces aériennes". Il a pris ce mercredi sa décision. Selon la Suisse, le F-35A s'est "détaché en affichant l'utilité globale la plus élevée tout en présentant les coûts les plus faibles" : avec 336 points, il atteint le score le plus élevé en termes d'utilité globale, avec un écart net de 95 ou plus par rapport à ses concurrents.
Mais ce choix du Conseil fédéral va-t-il passer le cap d'une nouvelle votation souhaitée par le Groupe pour une Suisse sans armée, qui avait réussi à faire capoter l'appel d'offres gagné par le Gripen E en mai 2014 ? Le GSsA a lancé mercredi "une initiative Stop F35 !". "Le F-35 présente de nombreux défauts techniques, est complètement surdimensionné et extrêmement coûteux. De plus, les services secrets américains seront toujours dans le cockpit à l'avenir. C'est scandaleux en termes de politique démocratique", a expliqué le GSsA.
"La Suisse devrait devenir dépendante du Pentagone et jeter jusqu'à 25 milliards de francs suisses de l'argent de nos impôts par la fenêtre pour des jouets surdimensionnés ? Les solutions à des problèmes réels comme les soins ou la crise climatique sont laissées de côté. Par conséquent, comme annoncé en mai, nous lancerons une initiative contre le F-35. Avec cette élection, le Conseil fédéral ignore l'avis de la majorité de la population qui ne veut pas du F-35. On va faire s'écraser cet avion de chasse de luxe dans les urnes !"
Le F-35, moins cher que ses concurrents !
Selon le Conseil fédéral, le F-35A coûterait près de 2 milliards meilleur marché que ses concurrents. Plus c'est gros, plus çapasse avec les Américains. L'avion de Lockheed Martin a donc obtenu de loin le meilleur résultat en termes de coûts. "Il est le plus avantageux sur le plan de l'acquisition et de l'exploitation. Les coûts d'acquisition au moment des offres en février 2021 s'élèvent à 5,068 milliards de francs. Ils se situent donc clairement dans le cadre du volume financier de 6 milliards de francs suisses approuvé par les citoyennes et les citoyens", a expliqué le Conseil fédéral.
Le F-35A est également l'avion le plus avantageux de tous les fournisseurs au niveau des coûts d'exploitation. Ce serait là une grande première mondiale, une dédicace spéciale de Lockheed Martin à la Suisse, qui comme les autres pays européens verront probablement grimper la facture de cet avion. Ainsi, les coûts globaux qui regroupent les coûts d'acquisition et d'exploitation se montent à environ 15,5 milliards de francs sur 30 ans pour le F-35A. Résultat, la différence avec le deuxième candidat le moins cher est de l'ordre de 2 milliards de francs.
Le président démocrate du comité des services armés de la Chambre des représentant des Etats-Unis, Adam Smith, a clairement critiqué mardi les coûts exorbitants du F-35, l'appareil de Lockheed Martin. "Il ne fait aucun doute que toutes les personnes impliquées - certainement Lockheed Martin - pourraient faire un meilleur travail pour réduire les coûts de maintien en puissance, a-t-il déclaré au Defense Writer's Group. Le maintien en puissance coûte et cela varie, je comprends qu'ils atteignent 38.000 $ l'heure, et c'est incroyablement cher". Sauf pour la Suisse peut-être...
Autonomie des données garantie !
Dans sa décision, le Conseil fédéral a également tenu compte des dépendances technologiques du fabricant et du pays de fabrication. Selon le Conseil fédéral, ces dépendances ne peuvent pas être totalement exclues lors de l'acquisition de systèmes. "Le F-35A permet à la Suisse de déterminer elle-même les données qu'elle veut échanger avec d'autres forces aériennes par liaison de données ou les données logistiques qu'elle veut renvoyer au constructeur". Mais le F-35 est principalement un avion de coalition et échange en permanence des données, qui sont en grande partie exploitées aux Etats-Unis. Quant à l'exploitation et à la maintenance de l'avion, elles seront effectuées en Suisse par les Forces aériennes et RUAG Suisse.
En outre, dans le domaine des affaires compensatoires directes, le F-35A n'obtient pas le meilleur résultat au moment du dépôt de l'offre. "L'obligation de compensation de 60 % de la valeur de la commande doit être remplie dans son intégralité au plus tard quatre ans après la dernière livraison", a justifié la Suisse. Ce qui veut dire que Lockheed Martin n'a pas respecté les spécifications de l'appel d'offres. Deux poids, deux mesures par rapport aux autres concurrents.
Le Patriot meilleur que le SAMP/T
Selon le Conseil fédéral, le système de défense sol-air de longue portée, Patriot "se distingue de SAMP/T dans les quatre critères principaux, parfois de manière significative, notamment dans celui de l'efficacité". Le système est en mesure de protéger des secteurs de manière autonome ou conjointement avec les avions de combat. Il peut être engagé à clairement plus de 20.000 mètres d'altitude (verticalité) et sur une distance largement supérieure à 50 kilomètres (horizontalité). Ce que peut faire également le SAMP/T, selon nos informations. Un argument choc qui tombe à l'eau.
En outre, selon le Conseil fédéral, Patriot serait le système le plus avantageux en termes de coûts. Ce dont on peut douter au vu des prix jusqu'ici pratiqués par Raytheon en Europe. Mais grâce au talent de négociations des équipes suisses, les frais d'acquisition, renchérissement et TVA jusqu'à l'échéance du paiement compris, se montent à 1,970 milliards de francs pour les cinq systèmes. Les coûts globaux du Patriot s'élèvent à environ 3,6 milliards de francs sur 30 ans, coûts d'exploitation compris.
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