Les "vertus" de la dissuasion nucléaire

Par Patrick Cappelli  |   |  683  mots
La dissuasion nucléaire est-elle toujours d'actualité alors que la guerre froide a pris fin il y a 15 ans avec la chute du mur de Berlin ? Plus que jamais répondent en chœur les représentants de l'armée et des industriels.

« La dissuasion est aussi vieille que l'art de la guerre. Renoncer à la dissuasion nucléaire, c'est poser la question de l'indépendance de la France » a affirmé l'amiral Louis-Michel Guillaume, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique, lors du Paris Air Forum.

« La dissuasion répond à une menace. Or, celle-ci n'a pas disparue, donc pourquoi se priver d'une stratégie nucléaire et des moyens pour la mettre en œuvre ? » répond l'amiral Guillaume à ceux qui mettent en cause ce choix.

Dans la classe politique française, ils sont très peu nombreux, puisque tous les partis, excepté les écologistes, approuvent l'existence de la dissuasion nucléaire. Des hommes politiques qui doivent, selon le commandant des forces sous-marines, « comprendre que la stratégie  de dissuasion est inscrite dans un temps beaucoup plus long que le temps électoral. Les sous-marins de troisième génération seront encore en service en 2090 ! ».

Pour MBDA, filiale commune d'Airbus Group, de BAE Systems et de Finmeccanica spécialisée dans les systèmes de missiles, la dissuasion nucléaire est une activité marginale en termes de revenus, environ 5% pour MBDA France et 2,5% pour MBDA Groupe.

« Mais elle est au centre de notre posture de défense et contribue à l'autonomie stratégique de la France. Son importance va bien au-delà du simple chiffre d'affaires »  précise Antoine Bouvier, PDG de MBDA, qui se félicite « des accords signés avec le Ministère de la Défense qui assurent la pérennité de cette activité ».

Pérenniser les compétences

La dissuasion a un autre avantage : elle permet de garantir une supériorité technologique des armées françaises ainsi que l'existence de compétences très pointues. C'est le cas dans la marine, avec les SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins), comme l'explique Hervé Guillou, PDG de DCNS :

« Les SNLE devront être entretenus durant 40 ans. Ce qui veut dire le maintien dans la durée de 400 compétences différentes et expertises critiques ».

Le carnet de commandes bien rempli de DCNS pour ces sous-marins nucléaires d'attaque va aider la société privée (dont l'État détient 62% du capital) à maintenir ses volumes  de production et à financer des études sur des techniques comme l'acoustique ou l'invulnérabilité. Ces sous-marins lanceurs de missiles sont une vitrine technologique dont le succès ne se dément pas chez les acheteurs étrangers : « à chaque fois qu'il y a une visite officielle, on nous demande de visiter l'Île Longue (base des SNLE dans le Finistère) » évoque Hervé Guillou.

Mais pour rester crédible, notre système de dissuasion doit, selon Jean-Jacques Bridey, député-maire de Fresnes et membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, conserver l'ensemble de ses composantes aériennes et sous-marines, ainsi que la permanence à la mer, c'est-à-dire la capacité d'avoir au moins un sous-marin lanceur d'engins prêt à entrer en action 365 jours par an.

 Une arme pour les politiques

Le député-maire de Fresnes est conscient que cet effort doit être financé. Il estime que « le montant alloué à la dissuasion par la prochaine loi de programmation militaire en 2020 devra être augmenté ».

Néanmoins, certains continuent de mettre en doute cette doctrine nucléaire, un participant au forum parlant même de « ligne Maginot qui épuise nos ressources face à la menace terroriste ».

Un faux débat pour Jean-Jacques Bridey, pour qui « la dissuasion n'est pas là pour combattre la menace djihadiste. Elle garantit la sécurité de notre sol contre l'attaque d'un État. Il ne s'agit pas de faire un choix entre forces conventionnelles et atomiques, mais de ne pas négliger les menaces d'hier qui n'ont pas disparu ».

Impossible de clore le débat sans évoquer la possibilité d'une dissuasion à l'échelle européenne. Une éventualité tout simplement impossible pour l'amiral Guillaume :

« La dissuasion est avant tout une arme au service de la politique. Un choc de deux volontés, qui ne se partage pas. On ne peut pas voter la dissuasion. Une décision concertée est contraire à la doctrine ».