Pourquoi le ministère des Armées investit dans la très prometteuse start-up Kalray

Par Michel Cabirol  |   |  644  mots
Les processeurs de Kalray équiperont les missiles de MBDA et les drones des armées françaises
A travers son fonds d'investissement Definvest, le ministère des Armées est entré dans le capital de Kalray, leader européen des microprocesseurs de nouvelle génération pour systèmes embarqués critiques.

Pionnier des processeurs dédiés aux nouveaux systèmes intelligents, Kalray a annoncé mercredi l'entrée à son capital d'Alliance Ventures, le fonds de capital-risque de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, et de Definvest, le fonds géré par Bpifrance pour le compte du Ministère des Armées. Cette opération, qui a pris un peu de retard, s'élève à un total de 10 millions d'euros, incluant les actionnaires existants et les nouveaux investisseurs. Elle constitue la deuxième tranche d'une levée de 23,6 millions d'euros initiée en juin 2017 auprès de Safran Corporate Ventures, le fonds d'investissement asiatique Pengpai et de ses actionnaires historiques ACE Management, CEA Investissement, EUREKAP! et Inocap Gestion.

Les fonds levés vont permettre à Kalray d'engager le déploiement commercial du processeur existant et de finaliser le développement de la nouvelle génération, qui devrait être lancée en 2019. Cette start-up est également entrée dans sa phase d'industrialisation, qui lui demande des investissements massifs.

Pourquoi la défense investit dans Kalray

Soutenue depuis 2010 par la Direction générale de l'armement (DGA), Kalray "figure parmi ces start-ups et PME françaises innovantes qui développent des technologies de rupture à la fois très prometteuses et stratégiques pour notre pays", a estimé le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, cité dans le communiqué commun de Kalray, ministère des Armées et Bpifrance. Dans l'entourage de la ministre des Armées, on confirme que Kalray a aujourd'hui un temps d'avance sur les technologies américaines et chinoises, notamment dans la miniaturisation des processeurs et la vitesse de calcul combinées à l'intelligence articifielle.

Ainsi, cette start-up, créée en 2008 par essaimage du CEA, a développé depuis presque dix ans une technologie de processeurs dont la puissance de calcul rapportée à l'énergie consommée est sans équivalent pour cette taille de composants. Pour quelles applications dans le domaine de la défense? Principalement pour les futurs systèmes embarqués critiques. A commencer dans les missiles - MBDA est d'ailleurs dans le capital de Kalray -, et plus précisément dans les autodirecteurs mais également sur les drones (traitement embarqué des images et calcul de la trajectoire).

Les processeurs dits intelligents permettent d'analyser à la volée et de manière intelligente des flux très importants d'informations, de réagir et de prendre des décisions en temps réel. Leur usage se démocratise dans des secteurs en forte croissance comme les réseaux informatiques de nouvelle génération, les véhicules autonomes, la santé ou encore les drones et robots. Kalray a choisi dans un premier temps de se focaliser sur deux marchés, les datacenters intelligents et les voitures intelligentes, qui représentent chacun un potentiel de plus d'un milliard d'euros.

Un ancrage en France

Lancé en novembre dernier et doté de 50 millions d'euros, abondés via le budget R&T du ministère des Armées (720 millions d'euros en moyenne par an), Definvest, qui a investi deux millions d'euros, signe donc sa première opération. "Le ministère des Armées se tient résolument aux côtés de l'innovation et de tous ceux qui osent, a expliqué la ministre des Armées Florence Parly, citée dans le communiqué. Ce premier investissement, c'est un signe fort pour tous les entrepreneurs, les chercheurs, les ingénieurs : la défense croit en vous, investit pour vous".

L'entrée du fonds Definvest dans le capital de Kalray permet au ministère de bien ancrer cette start-up en France dans le cadre d'un pacte d'actionnaires. Et ce au moment où cette start-up nourrit des ambitions aux États-Unis et intéresse également la Chine, via le fonds d'investissement Pengpai. Pour Kalray, il faudra trouver un équilibre entre l'accès autonome du ministère à ses technologies et son développement à l'international.