"Dans vingt ans, Yves Rocher sera toujours une entreprise familiale"

Bris Rocher a repris, au décès de son grand-père il y a deux mois, les rênes de l'entreprise familiale. A l'occasion du cinquantième anniversaire du groupe, il fait le point sur l'année 2009, plutôt bonne, et sur sa stratégie pour l'avenir.

La Tribune  : Yves Rocher fête cette année ses 50 ans. Projetons nous en 2020. A quoi ressemblera alors le groupe ?

Bris Rocher : je voudrais qu'il soit plus international. Aujourd'hui, nous réalisons 65% de nos ventes en dehors de France, et pour une grande partie dans la zone euro. Il nous faut accélérer notre développement au-delà. Nous sommes un groupe exportateur, nous devons devenir un groupe d'envergure internationale. Il nous faut donc produire à proximité de nos réseaux de distribution.

En implantant de nouvelles usines ?

Plutôt en faisant appel à la sous-traitance. Cette stratégie exige un plan de transformation. Ce sera un sacré boulot. Cela prendra entre cinq et dix ans. Il nous faudra aussi continuer à rénover nos marques, à leur donner un nouveau souffle. La marque Yves Rocher a adopté un plan de transformation en 2007. Il commence à être opérant. Nous avons lancé de nouveaux produits, adopté un nouveau concept. L'ensemble des magasins seront rénovés sous quatre ans. Cela exige beaucoup d'investissements : 200 millions d'euros d'euros pour les 1.700 magasins à travers le monde.

A l'étranger, procéderez-vous par des ouvertures en propre ou sous franchise ?

Il nous faut alors être pragmatique. En Chine, cela n'a pas de sens d'ouvrir des magasins. Leur ouverture mobiliserait trop de cash. Et il y a là-bas une flopée de grands magasins où nous pouvons nous installer. En inde, nous sommes entrés dans les pharmacies. A l'inverse, au Vietnam et en Corée, nous avons ouvert des magasins.

Quels sont les pays prioritaires inscrits sur votre feuille de route ?

Le groupe n'est pas présent dans les dix premiers marchés mondiaux de la cosmétique. Les trois premiers sont les Etats-Unis, le Japon et le Brésil. Ce sont des marchés qu'il nous faut étudier. Et notamment le Brésil où il existe un vrai potentiel de développement. Nous n'avons que 100 points de vente en Chine. C'est trop peu significatif. L'idée serait d'y accroître notre part de marché. A l'inverse, nous avons de l'avance en Russie où nous sommes entrés très tôt, dés 1991. Yves Rocher y dispose de 200 magasins. Et c'est maintenant notre troisième marché, derrière la France et l'Allemagne. Stanhome sera lancée en Asie, en commençant par les Philippines en 2011. Car la vente directe aux particuliers est très bien profilée pour les pays émergents où l'appareil de distribution n'est pas encore au point.

Pourriez-vous procéder à des acquisitions ?

Nous pourrions nous le permettre, puisque le groupe est totalement désendetté aujourd'hui. C'était l'objectif que nous nous étions fixé pour 2009 et il a été atteint. La croissance externe n'est pas une priorité pour nous, sauf, éventuellement, pour reprendre un réseau de magasins. Nous avons déjà de très belles marques à développer.

A l'international, serez-vous un fabricant ou un distributeur ?

Toute la transformation de la marque Yves Rocher a été de développer son image de fabricant et récoltant. Notre activité de distributeur est la plus visible aux yeux des consommateurs, grâce à notre réseau de magasins. Il nous faut dès lors mettre en avant notre rôle de fabricant. Nous sommes Made in France, et même Made in Bretagne. Cela ne se savait pas. Nous avons cherché cet équilibre plus balancé entre les deux versants de la marque. Il faut aussi qu'elle demeure une marque accessible. Or, notre modèle exportateur nous amène à la positionner haut de gamme. D'où la recherche de production locale. En Russie, nous produisons déjà trois millions de produits. Au Brésil, nous avons déjà deux usines pour Yves Rocher et Stanhome.

Que fait Petit Bateau au sein de votre portefeuille ?

L'histoire va continuer. Petit Bateau est une belle marque. Et le groupe Yves Rocher est un développeur de marques. Chacune a sa place en son sein, pour peu qu'elles répondent aux critères de « love-brand » (marque affective, ndlr). Mais le fait d'avoir deux marques, Stanhome et Petit Bateau, qui ne font pas partie du monde des cosmétiques. Cela nous permet de lisser les risques par rapport à la conjoncture. L'enjeu en vaut la chandelle. Cela nous a permis de traverser les crises comme celle que nous venons d'affronter. Notre chiffre d'affaires connu une légère décroissance en 2009, de l'ordre de 2%. Or, Stanhome a enregistré un progression de chiffre d'affaires de 12% à taux de change constants (250 millions d'euros en 2009).

La crise de la consommation a-t-elle été favorable à Yves Rocher, enseigne connue pour ses petits prix ?

Oui, on a fait une bonne année. En France, Yves Rocher est en légère progression. Le premier semestre a été compliqué, le deuxième s'est très bien déroulé. Les magasins Yves Rocher transformés au nouveau concept présentent une progression d'activité de 14% sur un an. C'est superbe, compte tenu de la conjoncture !

La crise vous a-t-elle présenté des opportunités immobilières ?

Je le croyais, mais finalement non, pas plus que cela. La France a été épargnée par la crise. Jusqu'en avril, le groupe avait stoppé son expansion, dans l'attente de notre nouveau concept. Depuis, nous l'avons déployé.

Quel est l'avenir de la cosmétique en ligne ?

Il n'est pas sûr que la vente à distance doive aller on-line. La VAD, entendu comme la vente par correspondance et le web, s'est contrastée. Nos ventes en ligne ont progressé de plus de 20% en 2009. Elles sont désormais rentables, car nous avons trouvé les clefs de croissance. Le secteur de la vente par correspondance est lui en souffrance, si on observe les difficultés de Quelle ou de La Redoute. Pour autant, chez Yves Rocher, la vente par correspondance ne s'en sort pas mal ! Le retour sur investissement y est bien meilleur qu'en magasin. Cela me laisser penser que ce métier a toute sa place dans le groupe. Il ne disparaître pas ni en France, ni à l'international. Mais il faut ré-inventer une relation avec la consommatrice à travers ce média. C'est pourquoi nous avons entamé une réflexion, au sein d'un groupe de travail ; des tests de nouveaux types de mailings sont en cours.

La famille Rocher détient 77% du capital. Le reste appartient à Sanofi-Aventis. Pourriez-vous racheter les actions détenues par Sanofi-Aventis ?

On le pourrait. Mais détenir 77% du capital équivaut à en détenir 100%. Et il n'est jamais inutile d'avoir à son conseil d'administration des membres de Sanofi Aventis. Et personne ne serait prêt à prendre ses participations, à part nous. Or, j'ai 31 ans. Donc, j'ai un peu plus de temps devant moi que pas mal de monde !

Quelles sont vos prévisions de chiffre d'affaires pour 2010 ?

Je ne me suis pas fixé d'objectif chiffré. Pour le moment, depuis le début de l'année, nous sommes sur une croissance de 3% à 4%. Mais que notre chiffre d'affaires soit de 3,5 milliards d'euros ou de 10, peu importe, du moment que cela nous rend plus heureux ! Nous n'avons pas grand-chose à prouver. Notre objectif est de bâtir sur des fondations solides. Et je ne suis pas sûr que la course sans fin à la croissance le permette.

Dans vingt ans, est-ce que le groupe sera toujours indépendant ?

Oui, il le sera. Tout est organisée pour cela le soit, d'un point de vue financier et successoral. Dans 20 ans, le groupe Yves Rocher sera toujours une entreprise familiale. C'était le rêve de mon grand-père et de mon père. Par ma filiation, c'est un point d'honneur. Et c'est plus sain pour le groupe. Car, les entreprises familiales ont démontré combien elles étaient plus pérennes que les autres. La nécessité les oblige à la rigueur. Et la rigueur, c'est sain.

 

 


 

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