Hermès : pourquoi Bernard Arnault s'accroche

Alors qu'Hermès et LVMH s'apprêtent d'ici vendredi à publier des chiffres d'affaires record pour 2010, l'intérêt de Bernard Arnault pour la belle maison artisanale tient du long terme. Sûr d'apporter un savoir-faire de gestionnaire, le roi du luxe compte sur les divisions des trois branches familiales.
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Bernard Arnault ne lâchera pas Hermès. Malgré la commandite qui verrouille le pouvoir de décision, en dépit du holding, qui pourrait bientôt rendre plus de la moitié des actions invendables, le patron de LVMH gardera un pied dans la porte de la forteresse, même réputée imprenable.

"Il est aujourd'hui dans une situation très confortable", chantent en choeur son entourage et les observateurs extérieurs. Ses 17% d'Hermès acquis en octobre, devenus 20% en décembre, lui ont déjà rapporté - grâce à un montage financier sur lequel il reste à faire la lumière - une formidable plus-value. Demain, "Dieu", comme le surnomment ses collaborateurs, a encore tout à gagner et presque rien à perdre, sinon sa réputation. Si le cours de Bourse d'Hermès continue de grimper, la rente sera de plus en plus juteuse, tandis que la hausse de l'ISF (impôt sur la fortune) asphyxiera au reste les membres des familles Guerrand, Dumas et Puech qui s'en acquittent encore. Si, au contraire, le cours chute, rien de bien méchant pour le multimilliardaire. Mais les héritiers Hermès, qui verront fondre leur patrimoine, seront poussés à vendre une partie de leurs actions. Parmi eux, quelques-uns ont des activités qui nécessitent beaucoup de cash. Comme Patrick Guerrand-Hermès, actionnaire du Polo Club de Chantilly et propriétaire de chevaux. Ou encore Renaud Mommeja qui, depuis 2006, s'est offert le vignoble de Château Fourcas-Hosten, dans lequel il investit beaucoup avec son frère Laurent. Sans parler des plus de 30% d'exilés fiscaux ayant déjà fui un ISF parfois difficile à payer sans vendre quelques parts.

Bernard Arnault croit surtout dur comme fer à la supériorité de son "business model" du luxe et aux bonnes pratiques de gestion qu'il offrirait en dot. Lors de sa rencontre avec Patrick Thomas et Bertrand Puech au Bristol, quelques jours après son entrée éclair, il leur aurait proposé de travailler en commun sur les achats d'espace publicitaire, le recrutement ou encore la recherche des meilleurs emplacements de boutiques dans le monde. Ce à quoi il s'est vu retourner un refus net... Mais pas forcément définitif, espère-t-il sans doute secrètement. Les grands directeurs d'Hermès entretiennent déjà depuis des années des relations cordiales, voire amicales, avec ceux de LVMH, comme Philippe Pascal, en charge de l'horlogerie-joaillerie, ou Yves Carcelle, patron de Louis Vuitton, afin de s'installer ensemble dans les mêmes avenues à l'international.

Sans attendre une reconnaissance de son talent, Bernard Arnault compte bien s'infiltrer dans les failles du nouveau système de défense Hermès en cours de constitution. Comme de nombreux observateurs extérieurs, le PDG de LVMH a un doute sur les 73% de capital prétendument détenus par la famille. "Les membres ont dû se rassembler en novembre pour compter leurs parts, ils n'avaient pas de chiffre exact avant, et tout le monde a-t-il dit la vérité ?", s'interroge un ancien dirigeant d'Hermès. Il pourrait donc y avoir plus de flottant disponible que prévu. Comme le holding ne rassemblerait, s'il se créait, que 52 personnes et 62,8% du capital, selon les déclarations de l'Autorité des marchés financiers, Bernard Arnault compte aussi sur les quelque 10% détenus par les membres restants qui refusent d'enfermer leurs parts.

Enfin, le tycoon du luxe fera tout son possible pour tirer parti des dissensions familiales. Les membres des trois branches ne seraient en effet pas aussi unis qu'ils l'affichent. Seulement une dizaine travaillent dans l'entreprise car chaque famille fait attention à ce que les cousins ne prennent pas trop de pouvoir. Même si, en la matière, les Dumas ont gagné la partie depuis longtemps. Certains ont également quitté l'entreprise ou en ont été écartés pour divergence de vues ou d'intérêts. Pascale Mussart (Guerrand), qui codirigeait la création artistique avec Pierre-Alexis Dumas, a été évincée par celui-ci. Louis de Saint-Michel, mari d'une fille de Catherine Dumas, a été remercié de son poste au prêt-à-porter masculin pour entrer en 2006 chez... Parfums Christian Dior (propriété de LVMH). Laurent Mommeja aurait lui aussi été écarté de son poste à l'art de vivre, avant de racheter son vignoble.

Enfin, la messe est loin d'être dite en matière de succession à la direction générale. De grandes pointures familiales, comme Pierre-Alexis Dumas ou Guillaume de Seynes, sont en lice. Bernard Arnault ne se prive pas de rappeler que Patrick Thomas, 63 printemps, devra bientôt laisser la main. A 62 ans, le patron de LVMH ne semble en revanche pas du tout conscient qu'il puisse un jour être trop âgé pour voir Hermès tomber dans son escarcelle.

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