Argument santé : les industriels contournent les règles de Bruxelles

D'ici à janvier, Bruxelles devrait sévir en matière d'allégations santé sur les produits alimentaires. Mais tout n'est pas interdit pour autant.
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Depuis quelque temps, Danone teste en toute discrétion sur la région parisienne une nouvelle boisson. Sorte d'Actimel du fruit, baptisé C Optima, ce jus 100% naturel vante ses 200 mg de vitamine C. Mais, contrairement à Actimel, ici pas besoin de dossier scientifique coûteux à présenter devant la redoutable Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Efsa. Juste une évidence : le produit contient beaucoup de vitamine C. "C'est malin car chacun comprend que c'est bon pour la santé sans avoir à faire la moindre promesse", observe la fondatrice du cabinet Nutrimarketing, Béatrice de Reynal.

Bien utile alors que la réglementation européenne sur les promesses santé devrait enfin entrer en application. Le 13 octobre, la Commission européenne a adopté la liste officielle des allégations autorisées. La publication se fera avant la mi janvier. "Jusqu'ici dans les faits, il y avait très peu de sanctions, désormais la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) devrait sévir contre les produits promettant des bienfaits pour la santé sans autorisation préalable du gendarme européen", explique Katia Merten-Lentz, avocat spécialisé en droit agroalimentaire à Bruxelles. Une ultime étape après des années de négociations et de lobbying forcenés des industriels. En 2009, les 27 Etats membres ont fait remonter 44.000 allégations à la Commission. "Mon calcium est bon pour les os, ma probiotique facilite la digestion, mes fibres le transit intestinal". Qui dit mieux ? La Commission en a proposé 4.600 environ à l'Efsa, qui n'en a retenu finalement que 550, bientôt publiées.

550 allégations autorisées

Entre-temps, des dizaines de dossiers de promesse spécifique (lié à un produit en particulier) ont été rejetés et bon nombre d'industriels ont préféré jeter l'éponge plutôt que de passer sous les fourches caudines des scientifiques européens. Parmi eux, Danone, Yoplait ou encore Bongrain. "L'Efsa a été très stricte, ce qui est bien car la plupart des produits n'avaient aucune action concrète sur le public auquel ils étaient destinés, mais les exigences relèvent plutôt de la pharmacopée que de l'alimentaire", commente Béatrice de Reynal. A 500.000 euros minimum le dossier, beaucoup d'industriels n'ont même pas tenté le coup et préféré limiter leurs innovations. "Je ne crois plus du tout aux produits fonctionnels, c'est du marketing des années 1980", confie le directeur général d'Orangina Schweppes France, Hugues Pietrini.

Certaines sociétés continuent pourtant de profiter du flou juridique et d'une application très clémente des textes pour continuer à alléguer sans autorisation préalable. Il s'agit de PME et de produits d'importation mais aussi de marques connues, telles que Candia avec son lait Silhouette Active, censé apporter la satiété. "Les bouchons brûle graisse de Gaylord Hauser, ou les céréales de Nestlé et Kellogg's aux antioxydants devraient supprimer ces mentions", lâche un observateur. "Les consignes de l'Ania sont de se mettre en conformité le plus vite possible", explique la responsable des questions de nutrition de l'association professionnelle de l'industrie alimentaire, Cécile Rauzy. Reste que rien n'est perdu. Comme Danone, les industriels peuvent mettre en avant un nutriment sans promesse attachée, à condition qu'il soit en quantité suffisante dans le produit. Et les 550 allégations autorisées sont autant de nutriments dans lesquels piocher pour de futures innovations. Le sélénium pour la "protection", la vitamine B pour la "concentration", etc...

Pour se distinguer des concurrents, restera à retravailler les dossiers d'allégation spécifique dans un sens voulu par l'Efsa. La potion d'Actimel (Danone) aurait ainsi pu démontrer son efficacité sur des cibles particulières comme les vieillards. Seul son positionnement grand public a déplu à l'Efsa. "Il serait donc possible demain de faire une promesse précise pour une cible bien déterminée tout en jouant ensuite l'effet Mixa Bébé, en sous-entendant que si c'est bon pour eux, c'est bon pour tout le monde", conseille la directrice de Nutrimarketing. Enfin, si la promesse santé est trop difficile à comprendre pour le grand public, mieux vaut encore s'adresser à d'autres publics, tels que les médecins, la presse ou les étudiants.

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