Pourquoi les Chinois sont de plus en plus nombreux à acheter des vignobles français

Par Pierre Manière  |   |  555  mots
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Que ce soit dans une logique d'investissement ou pour doper leur image de marque, les Chinois sont toujours plus nombreux à acheter des domaines viticoles français. La Tribune décrypte cette tendance.

La vague d'achat se poursuit. Fin novembre un industriel chinois s'est offert le château de Bellefont-Belcier dans le vignoble bordelais. C'est la première fois qu'un ressortissant de ce pays s'offre un grand cru classé de Saint-Emilion. Dans le Bordelais, les Chinois ne sont plus des inconnus. Selon le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux, ils auraient acheté une trentaine de propriétés ces quatre dernières années. La tendance va crescendo depuis 2011. Et si les Belges demeurent les premiers propriétaires étrangers avec environ 45 biens, les Chinois se classent maintenant en deuxième position, d'après l'AFP.

Mais les vins de Bordeaux ne sont pas les seuls concernés. Le Bourgogne attise aussi les convoitises. Cet été, un investisseur chinois a ainsi fait main basse sur le prestigieux château de Gevrey-Chambertin et son domaine viticole pour 8 millions d'euros. De quoi provoquer au passage l'ire des viticulteurs locaux. Ceux-ci avaient mis 5 millions d'euros sur la table pour conserver le plus vieux château de côte d'Or.

"Un moyen de sécuriser la production"

Pourquoi les Chinois sont-ils donc aussi friands des domaines viticoles de l'Hexagone? La logique est d'abord commerciale. Acheter ces vignes constitue pour certains professionnels "un moyen de sécuriser la production", alors que les vins français cartonnent en Chine. En cinq ans, l'Empire du Milieu est devenu "le premier client à l'export des vins de Bordeaux, en volume et en valeur", souligne Michael Baynes, de l'agence immobilière Maxwell-Storrie-Baynes spécialisée dans le foncier viticole bordelais.

Même si le Bourgogne a mis plus de temps que le Bordeaux à séduire cette clientèle, la tendance est au rattrapage, comme en a témoigné la dernière vente des Hospices de Beaune. En Chine, le chiffre d'affaire des vins de Bourgogne a ainsi progressé de 103% en valeur sur les huit premiers mois de l'année 2011. Et selon Pierre-Henri Gagey, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, Hong-Kong et Pékin pourraient bientôt devenir le 6e marché de la Bourgogne.

Un investissement sûr

Mais ce n'est pas tout. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à faire du vin chez-eux. Pour Michael Baynes, si acquérir des terres prestigieuses en France constitue un moyen "d'acquérir des compétences et un savoir-faire" de renom, c'est surtout un levier permettant "de crédibiliser la production locale". "Il faut comprendre qu'en Chine, il n'y a pas de labels officiels, comme l'Appellation d'origine contrôlée (AOC). Posséder un grand nom du bordelais apparaît, d'une certaine manière, comme un gage de crédibilité", poursuit-il.

Reste qu'à côté des professionnels du vin, les hommes d'affaires s'offrent régulièrement des domaines viticoles célèbres. Pourquoi? "Pour investissement", lâche d'emblée Michael Baynes. "En tout et pour tout, Saint-Emilion, cela représente 5.000 hectares. Pas plus. Sachant que ces parcelles sont très recherchées et se négocient à environ 300.000 euros l'hectare", explique-t-il.

La vague de 2011? Un début

D'après lui, la "vague" de 2011 n'est qu'un début. "Jusqu'à présent, les Chinois ont surtout acheté des petits domaines pour 7 ou 8 millions d'euros maximum. Or certains reviennent, mais avec des budgets plus importants. Il y a plusieurs négociations en cours pour des montants de plusieurs dizaines de millions d'euros", achève-t-il.