« Dans un monde volatil, il faut aller de plus en plus vite »

Bernard Fornas, ex-PDG de Cartier, prendra début avril ses fonctions de codirecteur général de Richemont. Son ambition : rendre plus flexible et réactif le groupe suisse de luxe aux marques prestigieuses (Cartier, Van Cleef & Arpels, Piaget, Montblanc, Jaeger-LeCoultre...).
Bernard Fornas, Co Président Général de Richemont / DR

LA TRIBUNE - Le 1er avril prochain, après le retrait de Johann Rupert qui se concentrera sur ses fonctions de président du conseil d'administration, vous allez codiriger le groupe Richemont avec un autre Français, Richard Lepeu. Quelle sera votre mission?
BERNARD FORNAS -
Partager avec tous les présidents des maisons les enseignements de ces dix-huit ans d'expérience chez Cartier pour les aider à progresser encore plus vite. La maison Cartier a, grâce au travail de ses 7000 collaborateurs d'une compétence exceptionnelle, une position de leader dans le monde du luxe. Certaines maisons doivent mieux s'équilibrer géographiquement, d'autres mieux développer leurs activités entre les segments. Notre stratégie vise à aller plus vite, mieux et plus loin. Cartier a accumulé avec tous les talents qui ?uvrent pour cette maison une expertise unique dans le luxe, que ce soit dans l'horlogerie, la joaillerie, ou au niveau du réseau de boutiques et de la gestion des points de vente.

Quel bilan tirez-vous de votre passage chez Cartier, qui représente aujourd'hui 50% du chiffre d'affaires de Richemont et 70% de ses résultats?
En tout, j'ai donc passé dix-huit ans chez Cartier, dont onze à la présidence. Je suis marqué à vie par cette maison icône. Mais, surtout, je suis fier que la marque ait conforté son statut de roi des joailliers, numéro un mondial de la joaillerie, incontesté et incontestable, et de prince des horlogers, numéro deux mondial de l'horlogerie. La croissance à deux chiffres ne s'est jamais réalisée au détriment de l'image. Cartier possède une désirabilité exceptionnelle.

Quelle importance a joué l'ouverture de la Chine dans la croissance exceptionnelle de Cartier ces dix dernières années?
Nous avons ouvert notre premier point de vente à Pékin en 1992, mais l'ouverture à plus grande échelle de la Chine a eu lieu dans les années 2000. Cartier a été un précurseur. Vendre en Chine c'est bien, mais les Chinois achètent aussi beaucoup à l'étranger, où les produits sont moins taxés que chez eux. Il est important d'être fort dans leur pays pour que, lorsqu'ils se déplacent, ils soient naturellement attirés par les marques qu'ils connaissent, respectent et désirent.

Quelles méthodes de travail voulez-vous installer dans l'ensemble des marques dont vous avez désormais la charge?
Les cartes du monde ont été redistribuées. Lorsque l'on est patron d'une maison, il faut être partout. On doit faire face aux fluctuations des devises, aux flux touristiques qui évoluent, aux problématiques d'approvisionnement, aux choix de boutiques, etc. On ne gère plus une marque comme on le faisait il y a vingt-cinq ans. Pour réussir à prendre des parts de marché, devenir le leader, il n'y a pas de secret, il faut aller plus vite dans ce monde volatil. Cette volatilité est passionnante. Cela impose de la flexibilité, de la rapidité et de la réactivité à tous les niveaux.

Et savoir prendre des risques?
Aujourd'hui, lorsqu'on prend une décision d'envergure, on ne sait pas quel sera le contexte économique lorsque l'on délivrera les fruits de cette décision. En deux ans, tout peut changer. En 1999, tout allait bien pour le secteur du luxe, en 2002-2003 tout est devenu plus dicile et, à l'automne 2008, avec la chute de Lehmann Brothers, tout s'est arrêté. Six mois après, les ventes sont reparties de plus belle grâce au marché chinois. D'où la stratégie de l'avion à cinq réacteurs qui induit un équilibre entre tous les pôles géographiques. Et surtout, toujours se préparer au pire quand tout va bien, cela a été ma règle d'or.

Les résultats du troisième trimestre 2012 ont fait ressortir une croissance de 9% de l'activité du groupe, et de 5% à taux constants. Est-ce le prélude à un ralentissement des ventes en Chine?
L'an dernier, nous avions une croissance de 30%, on ne peut évidemment rester à ces niveaux en permanence. Certaines zones du monde se recentrent. Comme toujours, il y a des ralentissements, des accélérations, rien de dramatique. La tenue du congrès du Parti communiste chinois à l'automne 2012, le changement de présidence et le ralentissement du marché des cadeaux ont été autant d'éléments qui ont impacté les ventes. Les maisons du groupe Richemont disposent d'un très fort potentiel, avec des créations innovantes et esthétiques. L'explosion du marché ces dernières années a obligé les maisons comme Cartier, Jaeger-LeCoultre, Vacheron Constantin, Paneraï, IWC à se doter de manufactures qui allient flexibilité, réactivité, rapidité, qualité et savoir-faire.

Si l'émergence des classes moyennes dans le monde peut assurer la croissance constante du marché, le luxe n'est-il pas confronté à un profond changement culturel?
Ce que l'on appelle le bling-bling n'a jamais représenté une part importante de nos ventes compte tenu de la sophistication des créations de nos maisons. Aujourd'hui, il est de bon ton de s'orir des belles matières, des savoir-faire exceptionnels, indiscutables avec une vraie innovation plutôt que des produits flashy. De même, le sens de l'histoire veut que notre secteur, qui réalise des marges importantes, en fasse profiter la communauté sous différentes formes. Dans notre groupe, chacune de nos marques s'engage, chacune à sa manière, selon son identité. Par exemple, Cartier a non seulement la Fondation Cartier pour l'art contemporain, mais aussi la Cartier Charitable Foundation, qui contribue à son échelle à promouvoir entre autres causes l'entrepreneuriat au féminin et à favoriser la transmission des savoirs.

À Paris, Richemont va bientôt inaugurer son magasin boulevard des Capucines, à la place de l'ancien Old England. Quelle importance revêt la capitale dans la stratégie du groupe?
Paris manquait d'espaces pour recevoir les touristes de manière organisée. On attend 25 millions de touristes chinois aujourd'hui, mais ils seront 50, 60 millions en 2015, 2018. Comment les accueillera-t-on? Ce lieu historique entre les grands magasins et la place Vendôme dispose d'un emplacement stratégique et d'une superficie qui permettront à nos clients d'être reçus et traités à un niveau d'excellence.

La place Vendôme devrait accueillir un magasin Louis Vuitton à l'image de celui installé sur les Champs-Élysées. Cette concurrence est-elle une bonne chose?
On n'arrive plus en calèche au Ritz. Que demain la place Vendôme change, c'est normal, il faut savoir s'adapter. Les bâtiments de France ne manqueront pas de veiller au respect architectural de cet environnement exceptionnel. Le monde s'est enrichi, nos maisons de luxe aussi. Les clients ont envie de rêver. Ils veulent connaître la légitimité de telle ou telle marque. Les Chinois sont avides d'Histoire, ils ont envie de découvrir. Avec Cartier, nous avions investi la Cité interdite, à Pékin, puis Shanghai pour leur exposer l'histoire de la maison. C'est très important, tout comme le sera la prochaine exposition Cartier fin 2013 au Grand Palais, mais pour en savoir plus il faut vous adresser à mon successeur à la présidence de Cartier, Stanislas de Quercize.

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Commentaires 4
à écrit le 19/03/2013 à 19:25
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Très belle maison que Cartier mais en horlogerie Rolex reste indétrônable et la meilleure manufacture ..

le 20/03/2013 à 13:37
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je préfère une Blancpain

à écrit le 19/03/2013 à 17:45
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possible, mais un homme reste un homme, et non pas une machine!!!

le 20/03/2013 à 13:54
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Et oui, et ces grosses entreprises sont gerees par des banquiers qui traitent les companies comme des machines a faire de l'argent pour le seul profit des acrionnaires et. pas toujours avec le respect voulu pour ces employes. .....

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