Comment le leader mondial du chocolat compte éviter la pénurie de cacao

Le groupe suisse Barry Callebaut, leader mondial de la vente de chocolat aux professionnels, compte sur des mesures estampillées "développement durable" pour augmenter la production de cacao en Afrique, afin de répondre à la demande croissante de chocolat.
Marina Torre
En incluant la division cacao achetée en 2013 à Petra Foods, Barry Callebaut emploie directement plus de 9000 personnes dans le monde.

Le monde engloutit plus de cacao qu'il n'en produit. Le déficit, mesuré par la différence entre les fèves broyées et les fèves récoltées, devrait atteindre 115.000 tonnes cette année selon les dernières prévisions de l'Organisation internationale du cacao (ICCO). Or, si les stocks permettent encore d'éviter une pénurie, la situation ne devrait pas s'améliorer.

Une demande insatisfaite?

En effet, avec l'accroissement dans les pays émergents de classes moyennes de plus en plus influencées par des goûts "occidentaux", la demande risque d'exploser. Dans la seule Chine, elle devrait grimper de 5% à 6% l'an jusqu'en 2018.

Si  la consommation de chocolat dans les pays émergents passe à 2 kg par an et par personne contre 50 grammes actuellement, pour se rapprocher de la consommation dans les pays occidentaux (7 kg en France), la demande sera "difficile à satisfaire", s'inquiète Juergen Steinneman, le directeur-général de Barry Callebaut, leader mondial des marchés du cacao en poudre et du chocolat. 

"On considère qu'à horizon 2020, on aura besoin d'environ un million de tonnes supplémentaires de fèves de cacao", prévoit Philippe Janvier, vice-président de Barry Callebaut en charge de la zone Europe.  

 Une production fragilisée

Pour le fournisseur numéro un du marché, comme pour les groupes plus connus, l'enjeu est d'autant plus important que la production a tendance à décroître. Outre de fréquentes inquiétudes concernant la stabilité politique dans les pays producteurs, au premier rang desquels figure la Côte d'Ivoire, il faut ajouter des maladies qui fragilisent les cultures. Sans compter d'autres facteurs comme l'exode rural ou encore la concurrence d'autres types de cultures jugées plus profitables qui pèseraient également sur la production.

Au cours des saisons 2011/2012 et 2012/2013, la production a ainsi chuté respectivement de 5,3% et 3,5% sur un an selon les chiffres de l'ICCO, mais elle devrait remonter cette année avec une croissance de plus de 4%.  

En première ligne

Barry Callebaut aime à le rappeler : un produit chocolaté de grande consommation sur cinq provient  (indirectement ou non) de ses usines. L'entreprise détient "25% de parts de marché dans la transformation des fèves de cacao", pointe le PDG du groupe, Juergen Steinemann.   Autant dire qu'en cas de trop forte fluctuation, "nous seront touchés les premiers", prévient-il.

Aussi la façon dont l'entreprise née en 1996 de la fusion entre le français Cacao Barry et le belge Callebaut s'y prend pour anticiper le problème est-elle non seulement cruciale pour le secteur (Mondelez, Nestlé, etc. sont ses clients) mais aussi riche d'enseignements.

Développement durable

Pour sécuriser son approvisionnement et se rapprocher de ces nouveaux marchés, Barry Callebaut a acquis l'an dernier l'activité cacao de l'entreprise singapourienne Petra Foods. Une manière de diversifier ses sources, près de 60% de la matière première étant aujourd'hui achetée en Côte d'Ivoire et au Ghana.

Pour l'avenir, le groupe zurichois compte avant tout sur un modèle d'intensification de la production via des programmes de… développement durable. Il les organise seul, sans l'intermédiaire d'associations spécialisées. Il mise surtout sur une amélioration de la productivité dans les plantations de Côte d'Ivoire. Philippe Janvier, également patron de la marque en France, explique :

"Grâce à des techniques de culture plus appropriées, on pourrait facilement doubler ces rendements. Il est de notre responsabilité de former les agriculteurs, de fournir des aides pour accroître les rendements en Cote d' Ivoire et dans d'autres pays ensuite."

Non aux OGM

De 400 kg de fèves par hectare, l'entreprise suisse espère voire passer le rendement de ces plantations à 800 kg. Et pour cela, elle affirme ne croire ni aux pesticides, ni aux engrais et encore moins aux OGM. "Pour la recherche fondamentale, nos centres de recherche et de développement se concentrent sur les propriétés du chocolat et du cacao pour la santé", confie Philippe Janvier. Les fèves génétiquement modifiées telles qu'elles sont utilisées en Equateur par exemple seraient peu intéressantes en matière de goût. Et les grands producteurs d'OGM comme Monsanto jugeraient de toute façon peu attractif un marché aussi restreint que le cacao, comparativement au soja, pointe Juergen Steinemann. 

Pour le directeur du groupe suisse, le secret, "c'est la formation". Apprendre aux producteurs à mieux gérer leurs cultures, à mieux entretenir leurs terres, suffirait à accroître leur productivité et à répondre à la demande en hausse. Le groupe compte pour cela investir 7 à 8 millions de francs suisses en Côte d'Ivoire cette année (5,7 à 6,5 millions d'euros).

Petites exploitations

Répondre au risque de pénurie grâce au développement durable, c'est une idée partagée par d'autres acteurs de cette industrie. Ainsi, Marc Blanchard, directeur général de l'association Max Havelaar en France, confiait-il fin avril à la Tribune que des politiques de soutiens aux producteurs " peuvent permettre de rééquilibrer l'offre et la demande."

Seulement, compte tenu de la structure des exploitations - souvent très petites, entre 2 et 3 hectares - et de la multiplicité des producteurs (750.000 en Côte d'Ivoire), seul un travail de fourmi, sur place, pourrait permettre à ces projets de soutiens aux producteurs de porter leurs fruits.

Toujours le problème du travail des enfants

Enfin, ces bonnes intentions également affichées par les concurrents n'empêchent pas les multinationales du chocolat de faire régulièrement l'objet de vives critiques de la part de défenseurs de droits de l'homme , par exemple à propos du travail des enfants, ou bien des écologistes à propos de l'environnement.

Concernant Barry Callebaut, si le groupe zurichois abonde à un fonds de lutte contre le travail des enfants en Afrique, il a été pointé du doigt en mars de l'année dernière par une ONG américaine pour être l'un des plus faibles contributeurs avec 100.000 dollars engagés par an entre 2012 et 2014  contre plus de 900.000 par Mars. 

Marina Torre

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Commentaires 7
à écrit le 20/01/2016 à 6:01
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Il y a de quoi apprécier les intentions de guérire le mal depuis la souche ,en améliorant les stratégies de production en Afrique

à écrit le 17/05/2014 à 18:36
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La fusion d une entreprise belge et d une entreprise française donne un groupe suisse ... Que dire vive l Euro et l Europe ?

à écrit le 17/05/2014 à 7:40
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Bonne nouvelle pour l Afrique les prix vont monter Le prix qui revient au producteur sur une tablette ça doit être ridicule alors s il triple ça nous empêchera d en manger

le 17/05/2014 à 11:37
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Surement pas, vus le pourcentage réel de cacao que contient une tablette... Regardez les composants vous serez surpris, le prix d'une tablette augmentera plus par rapport au prix du sucre que du prix du cacao.

à écrit le 16/05/2014 à 18:09
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Les chocolatiers vont résoudre le problème en demandant que l'on puisse mettre encore plus d 'huile (de palme) dans le chocolat.Quelques autreS produits si possible chimiques complèteront le tableau. La plupart des "chocolats" sont immangeables, la ...

le 16/05/2014 à 23:49
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N'importe quoi, on ne remplace pas du cacao par de l'huile de palme, elle remplace juste le beurre de cacao (matière grasse dans la fêve), il faudra toujours autant de matière sèche de cacao pour confectionner le chocolat. Il n'existe à ce jour rien ...

le 17/05/2014 à 19:09
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@Castor Il faudra m'expliquer pourquoi il existe des chocolats à 28% de cacao et d'autres à 70%. Si ce n'est pas du cacao, c'est quoi? Un peu plus de sucre, mais certainement pas les 40%. Alors?

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